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Le Conservatoire des Archives et des Mémoires LGBT lance un appel à la Mairie de Paris

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    Ancien libraire, Phan Bigotte, président de l’association Académie Gay & Lesbienne, a accumulé près de trente ans d’archives LGBT dans son petit pavillon, en banlieue parisienne. (Clémence Jost)
  • Le Conservatoire des Archives et des Mémoires LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) est le plus important fonds de documents LGBT historique. Sollicitant l’aide de la Mairie de Paris afin qu’un local soit mis à sa disposition, son président dénonce l’inaction des pouvoirs publics.

    Il ne faut pas faire le culte des morts ; l’urgence, c’est de s’occuper des vivants ». Phan Bigotte aurait pu se contenter de cette remarque, entendue alors qu’il observe, impuissant, le démantèlement de collections d’ouvrages et de documents appartenant à des militants, morts du sida. On est alors au milieu des années 90, dans le local d’Aides, la première association de lutte contre le VIH. À cette époque, il n’était pas rare de voir certains visiteurs piocher dans la bibliothèque, constituée en partie des collections déposées par les familles de militants disparus, pour les revendre ensuite 5 francs ; l’équivalent d’un dîner frugal.

    Rien ne pouvait plus choquer ce libraire et collectionneur invétéré ayant même conservé l’ensemble des revues homosexuelles achetées après s’être réfugié en France en 1975, au lendemain de la chute de Saigon, au Vietnam. Apprenant sa séropositivité au VIH en 1989, il revend sa librairie et s’investit alors dans les associations Act-Up Paris et Aides. Il commence surtout à s’intéresser à la préservation de la mémoire de ce qu’on allait bientôt appeler les « LGBT » : lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels. 

    « Quand les premiers morts du sida ont eu lieu, on a parfois vu les affaires de toute une vie jetées ou dispersées par les familles. Honteuses, elles ne souhaitaient surtout pas garder de traces de cet aspect de la personnalité des défunts, explique-t-il. Face au refus des responsables associatifs de prendre en main ce problème, j’ai décidé de le faire seul, quitte à ce que ce soit sans soutien ». Aujourd’hui, près de trente ans d’archives s’accumulent dans le petit pavillon de Phan Bigotte, à Vitry-sur-Seine, en banlieue parisienne. Saturés, le rez-de-jardin et le premier étage sont exclusivement dédiés au stockage de plusieurs dizaines de milliers de documents, soigneusement classés, que conserve l’association Académie Gay & Lesbienne, présidée par l’ancien libraire depuis sa fondation en 2001. Avec le documentaliste Thomas Leduc, son vice-président, il occupe l’essentiel de son temps libre à référencer les documents rassemblés au nom du Conservatoire des archives et des Mémoires LGBT. Pour le moment, 5 900 notices ont été créées ; une infime partie du fonds.

    Un fonds qui ne cesse de grossir

    Par son volume et sa diversité, cette collection d’archives LGBT est sans doute la plus importante en France sur l’homosexualité, la bisexualité et la transidentité, ainsi que sur le genre, la sexualité et le sida. Il rassemble plus de 1 800 titres de périodiques, 1 200 numéros de presse grand public et spécialisée, 3 000 ouvrages et un millier de documents audiovisuels (VHS et DVD). Plusieurs fonds d’archives de personnes, d’organisations et d’associations, ainsi que des collections diverses (guides, annuaires, brochures, matériel de prévention, documents événementiels...) et des objets (autocollants, boites d’allumettes, emballages de préservatifs, pin’s, tee-shirts, etc.) constituent un véritable labyrinthe dans la petite maison de Vitry.

    Si des documents et des objets de tous formats et de tous supports alimentent continuellement le fonds, l’ancien libraire et le documentaliste veillent également à ce que toutes les opinions (y compris anti-LGBT) y soient représentées. « Chaque semaine, nous collectons des titres gratuits et nous faisons de la veille dans les hebdomadaires, explique Thomas Leduc ; nous achetons beaucoup de magazines, car nous apprécions la diversité d’opinions de la presse spécialisée et généraliste ». Le fonds documentaire ne cesse de grossir, enrichi de jour en jour par les collectes, les achats, les dons et les échanges avec d’autres centres de ressources LGBT en France et à l’étranger.

    Apolitiques, c’est sans aucune subvention, bénévolement et avec leurs modestes moyens personnels, que ces deux passionnés sauvegardent et archivent, année après année, cette impressionnante collection pour contribuer à la préservation des patrimoines socioculturels LGBT dans l’histoire. « Si nous en sommes les heureux gardiens, poursuit Phan Bigotte, nous ne le faisons pas juste pour notre plaisir. Nous souhaitons surtout que ce fonds d’archives puisse être consulté et utilisé par tous ».

    Force est de constater que le pavillon de Phan Bigotte n’est pas extensible et loin de disposer des normes légales pour y accueillir du public. C’est dans cette optique qu’ils ont rédigé, le 16 janvier dernier, une pétition à l’attention de la Mairie de Paris, demandant qu’un local soit mis à leur disposition. Une bouteille à la mer lancée en ces termes : « afin de permettre rapidement au public, notamment aux Parisiennes et Parisiens, de venir consulter gratuitement toutes les archives de son Conservatoire des Archives et des Mémoires LGBT, dont de grands fonds de documents LGBT historiques ».

    Centre de documentation mort-né

    Mais la question de la mise à disposition, par la Mairie de Paris, d’un local parisien pour les archives LGBT n’est pas nouvelle. Elle fait surtout polémique. Car à en croire les 100 000 euros de subventions publiques versées par la ville de Paris en 2002 et le prêt d’un local (jamais ouvert et finalement rendu en 2004), la capitale devrait déjà disposer d’un Centre d’Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris (CADHP) depuis treize ans. Pourtant, il n’a jamais vu le jour.

    Malgré nos relances, la Mairie de Paris n’a pas souhaité s’expliquer sur ces dizaines de milliers d’euros de fonds publics dépensés pour un centre mort-né. Initié en 2001 par Jean Le Bitoux, militant homosexuel et cofondateur, en 1979, du journal Le Gai Pied, le projet a traîné en longueur. Comme l’écrivait Benoît Hasse dans le Parisien le 6 avril 2006 : « Une subvention de 100 000 euros versée en 2002, pas de résultats visibles quatre ans après, un dossier qui traîne en longueur et un parfum de “clientélisme partisan” qui flotte sur l’ensemble... La création du CADHP vire doucement au dossier empoisonné pour la Mairie de Paris ». Licencié pour absence de résultats, Jean le Bitoux vient alors tout juste d’être remplacé par Stéphane Martinet, adjoint chargé de la Culture et du Patrimoine au maire du 11e arrondissement de Paris. On annonce à l’époque que l’ouverture du centre sera finalement reportée à... 2008.

    Pourtant, la Mairie de Paris déclare deux ans plus tard, par l’intermédiaire de Philippe Lasnier, en charge des questions LGBT, être « prête à dénicher un local à louer par l’association ». « Rien n’a bougé depuis quelques années, mais il y aura une concrétisation s’il n’y a pas de polémique », expliquait-il aux journalistes de Yagg. On est alors en 2010 : Jean Le Bitoux vient de mourir en léguant ses archives personnelles au centre d’archives LGBT devant être créé par la Mairie de Paris. Le militant contre l’homophobie et le racisme Louis-Georges Tin est alors mandaté pour ressusciter le projet, rebaptisé (pour la troisième fois) Institut Arc-en-ciel. À l’été 2013, après avoir rendu un rapport de 80 pages sur le « futur » institut, ce dernier dénonçait encore « une mauvaise volonté » et « une certaine forme de blocage au niveau des ministères concernés (Culture et Enseignement supérieur) » dans les colonnes de Yagg.

    « Nous ne voulons pas alimenter la polémique, poursuit Phan Bigotte. Nous ne sommes pas en guerre, mais complémentaires avec le projet de la Mairie de Paris ». Il ajoute : « Ce que nous voulons aujourd’hui, c’est agir au regard de ces 13 ans perdus et de ce bilan désastreux ». Selon lui, il serait en effet préférable que plusieurs lieux, gérés par le tissu associatif et par les administrations publiques, soient dédiés à la conservation d’archives LGBT. En raison notamment de la confiance, parfois frileuse, de certains militants. « Il se peut que certains aient plus de facilité à confier leurs documents à une association plutôt qu’à une autre, explique-t-il ; il ne faut pas que cette mémoire se perde ».

    Le plus important fonds d’archives de l’Hexagone est conservé à la bibliothèque municipale de Lyon. Il réunit le fonds Michel Chomarat, datant de 1992 (plusieurs dizaines de milliers de références) et un ensemble Gay et Lesbien (propriété de la bibliothèque depuis 2005 plutôt axé sur le prêt).

    Un centre LGBT, hébergé depuis 2008 rue Beaubourg dans le 3e arrondissement de Paris, a ouvert ses portes en 1994 (initialement rue Keller, dans le 11e arrondissement). Si sa bibliothèque héberge plusieurs milliers de livres et de titres de magazines, elle n’a pourtant ni la vocation ni la place d’accueillir le centre d’archives et de documentation LGBT de Paris en gestation depuis 13 ans. Même provisoirement, elle ne pourrait stocker les centaines d’armoires, de meubles, de caissons et de rayonnages remplis d’archives qui occupent aujourd’hui le domicile de Phan Bigotte. « Je ne veux pas d’argent, assure-t-il ; qu’on me prête un local et j’ouvrirai le mois suivant ». 

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    Devoir gérer des archives à la fois en formats papier et numérique est bien la situation la plus courante dans les organisations privées ou publiques. Selon les volumes et la complexité, l’opération peut reposer sur des processus internes ou des ressources extérieures.  
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