Seniors et bibliothèques : triste constat

Il faut « encourager les initiatives innovantes », selon Yves Alix. MR/Archimag

 

Le rapport de l’Inspection générale des bibliothèques sur l’accès des séniors à la lecture dresse un état des lieux relativement pessimiste et donne des pistes de solution. Il s’agit d’enjeux de taille pour ces établissements : les plus de soixante ans représenteront 30 % de la population dans une génération.

Le rapport, Les bibliothèques et l’accès des « seniors » et des personnes âgées à la lecture, de l’Inspection générale de bibliothèque (IGB), a été rendu public. Yves Alix, son rapporteur, met en avant un paradoxe : alors que les 60 ans et plus lisent davantage que les autres tranches d’âge, leur taux d’inscription et de fréquentation des bibliothèques s’avère très faible. Ce décrochage de la pratique de la bibliothèque s’observe à partir des 55 ans, selon une enquête de l’Insee et du département des études de 2003 ; sur 100 personnes de 15 ans et plus, 16 sont inscrites en bibliothèques et seulement 12 % des 55-64 ans.
Déplorant le manque d’étude sur le sujet, le rapport tente de comprendre cette baisse de la fréquentation des bibliothèques par des Français qui vivent plus longtemps, en meilleure santé et avec une vie plus active.

inadéquation de l’offre

Une part de l’éloignement progressif des plus de 65 ans - et surtout les plus de 75 ans - est due à « la diminution de l’appétence liée à l’âge, puis à la perte progressive des capacités ». Pour les séniors encore en mesure de fréquenter les établissements le rapport émet prudemment l’hypothèse d’un « sentiment psychologique croissant de décalage avec les comportements des utilisateurs majoritaires des bibliothèques » s’accompagnant d’un sentiment d’exclusion.
L’inadéquation de l’offre est relevée plus aisément par les bibliothécaires comme frein à la fréquentation des séniors. Il y a peu de collections adaptées aux publics souffrant de « déficiences sensorielles légères ». Cette offre ciblée en direction des retraités, selon leurs goûts supposés, peut être ressentie comme stigmatisante. Enfin, les horaires d’ouverture trop restreints peuvent jouer contre cette tranche de la population qui est, contrairement à un a priori courant, très active dans son temps libre.

« encourager les bonnes pratiques »

Des actions peuvent être entreprises pour « attirer » les séniors. Un premier type d’action concerne les conditions d’accessibilité et d’accueil. L’accès aux établissements doit être facile et les bibliothèques paraître accueillantes, avec une signalétique claire, un bon confort et des collections aisées à atteindre. L’accueil doit être le plus personnalisé possible en privilégiant écoute et disponibilité du personnel. Un second type d’action concerne l’adaptation des collections  : édition de livres en gros caractères, aides techniques, tablettes et liseuses, livres audio, etc. Les bibliothèques peuvent aussi jouer sur les offres d’accompagnement et d’animation en proposant des ateliers et des initiations à l’informatique ou encore des actions de promotion de la lecture.
Les bibliothèques départementales de l’Ardèche et de Savoie et Haute-Savoie ont joué un rôle pionnier en proposant des services « hors les murs » tels que le portage à domicile ou la desserte des établissements d’hébergement et des maisons de retraite. Ce mouvement doit être soutenu. Le rapport plaide pour que les formules se construisent en partenariat avec les services sociaux, les associations et les bénévoles. Yves Alix insiste pour « encourager les initiatives innovantes, labelliser les actions, construire des référentiels communs et encourager les bonnes pratiques ».
Un encouragement doublé d’un avertissement : « Si les quinquagénaires d’aujourd’hui ne sont pas séduits par la forme d’accès à la lecture que proposent les bibliothèques, ils seront perdus pour elles dans les vingt ans qui viennent ».


 

+ repères
quelques propositions innovantes
Le rapport de l’IGB avance quelques pistes pour faire revenir le public sénior dans les bibliothèques :
- créer de vraies bibliothèques dans des maisons de retraite ouvertes, accueillant le public extérieur, pour faciliter le mélange de publics et les échanges. Une initiative allant dans ce sens a été prise par la bibliothèque municipale de Nîmes dès 1999 ;
- utiliser le lieu bibliothèque pour faire autre chose, sans craindre de sortir des « missions » fondamentales ;
- faire de la bibliothèque une petite « université tout-âge » ;
- aller plus loin et avec plus d’audace dans la participation des bénévoles, tirer les leçons du succès de « Lire et faire lire ». Les retraités actifs sont prêts à s’engager.

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Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.