Selon le CNNum, les conséquences de l'élargissement des prérogatives du fichier TES ont été minimisées. Celles-ci pourraient être graves en termes de sécurité et de respect des droits et des libertés des 60 millions de citoyens qu'elle concerne.
TES pour "Titres électroniques sécurisés". C'est le nom de la base de données qui contenait jusque-là les informations dédiées à la gestion des passeports biométriques. Le 30 octobre dernier, le gouvernement a élargi le TES aux cartes d'identité afin de lutter contre la fraude documentaire, faisant de ce fichier, surnommé le "fichier monstre", la plus grande base de données centralisée jamais créée sur les Français de plus de douze ans depuis 1940.
Ce fichage intégral, qui concerne donc plus de 60 millions de personnes, inquiète le Conseil national du numérique (CNNum). Dans un communiqué publié ce lundi 7 novembre, celui-ci appelle le gouvernement à suspendre sa mise en oeuvre et s'autosaisit "pour examiner des alternatives techniques plus modernes et respectueuses des droits et des libertés".
Quelles informations ?
Vos nom, prénoms, date et lieu de naissance, adresse postale, sexe, taille, couleur des yeux, empreintes digitales, photo du visage, filiation parentale et parfois même votre adresse mail et votre numéro de portable... Voici toutes les informations vous concernant qui seront compilées dans le TES. Sans compter les informations sur votre carte d'identité ou votre passeport (numéros, pertes ou vols, copies des pièces justificatives associées, etc). Le tout conservé au moins 15 ans (20 pour la carte d'identité), consultable par tout fonctionnaire habilité à délivrer carte d'identité ou passeport, mais aussi juges d'instruction, procureurs, officiers de police judiciaire, services de renseignements, etc. Bref, une masse de données gigantesque dont la sécurité devra être à la hauteur de la convoitise qu'elle peut susciter...
"Créer une cible d'une valeur inestimable"
"Le choix, pris par décret, d’une architecture technique centralisée pour la conservation de données biométriques soulève un grand nombre d’inquiétudes, explique le CNNum dans son communiqué ; dans un monde numérique où le code fait la loi, l’existence d’un tel fichier laisse la porte ouverte à des dérives aussi probables qu’inacceptables. [...] L’histoire récente nous enseigne que la constitution de tels fichiers a régulièrement conduit à l’élargissement de leurs finalités initiales. [...] Dans ce contexte (reculs démocratiques, montée des populismes, cybermenaces), le choix de la centralisation revient à créer une cible d’une valeur inestimable, face à des adversaires qui ne sont pas des amateurs."
Des alternatives ?
Réclamant des garanties techniques pour assurer la résilience du systèmes TES à d'éventuels détournements et la sécurité des données contenues dans ce fichier, le CNNum prône des alternatives telle que l'utilisation d'architectures telles que le "privacy by design" (la protection de la vie privée dès la conception) ou même la conservation des données biométriques sur un support individuel exclusivement détenu par la personne. Des alternatives "qui s'inscrivent dans la logique d'autodétermination informationnelle consacrée par la loi numérique permettant d'atteindre les objectifs de lutte contre la fraude documentaire tout en étant respecteuses de la vie privée des citoyens".
Le CNNum, qui appelle le gouvernement à suspendre la mise en oeuvre du fichier TES et à initier une réflexion ouverte, déclare étudier dans les prochains jours "les alternatives techniques à cette base centralisée et les garanties qui pourraient lui être apportées". Toute personne disposée à lui apporter son aide dans cette démarche peut contacter le CNNum à cette adresse : info@cnnnumerique.fr