Les mobiles et les réseaux sociaux sont deux facteurs qui bouleversent totalement la consommation d'information. Ces deux phénomènes sont partis d'Amérique du Nord, foyer des transformations, et se développent déjà en Europe. Pour
Eric Scherer, directeur de la prospective et de la stratégie numérique à France Télévisions, nous sommes témoins au passage du "digital first" au "mobile first".
Nous assistons à une atomisation des contenus pour la télévision, comme pour la radio ou la musique. Auparavant, la consommation se faisait à partir de menus fixés par les éditeurs. Aujourd'hui, nous sommes très loin d'un programme figé, ancré et imposé. Les contenus sont accessibles à la demande ou en replay. Comme ailleurs, nous passons d'une logique de l'offre à une logique de la demande.
Des contenus nécessairement différents
Les formats très courts prennent le pouvoir au détriment des formats longs, sauf dans les séries, plébiscitées. L’emploi de procédés narratifs nouveaux et le recours au web visuel sont de plus en plus souvent utilisés. On observe aussi un changement dans le ton de l'information. La manière de traiter l'information est plus humoristique. L'humour peut être considéré comme une des voies importantes de la transmission de l'information.
En plus de la consommation à la carte, la nouvelle tendance est à la production de contenus personnalisés. Cette personnalisation est faite selon :
- le comportement et les motivations de l'audience ;
- le contexte de l'expérience.
Les géants du web comme Amazon mettent les comportements et l'environnement du public au centre de ...
leurs services et recommandations. Le contenu "roi" est en train de disparaître au profit du contexte. Les expériences télévisuelles, radiophoniques et de lecture se réinventent. Par exemple, les livres enrichis, incluant des sons, des vidéos et des animations transforment l’expérience de lecture.
De nouvelles formes narratives se développent. Des contenus éphémères sont désormais proposés. On assiste à une montée des contenus à durée de vie limitée qui disparaissent et s'autodétruisent pour réduire la quantité d'information présente sur son réseau social. Des applications comme Snapchat, Confide, Blink ou Slingshot permettent la création de contenus éphémères. Snapchat est une application mobile permettant de prendre des photos et vidéos et de les partager à ses amis. Lors de la création d’un Snap, l’utilisateur définit un temps souvent de quelques secondes durant lequel le contenu sera accessible après son ouverture. Sitôt ce temps passé, le contenu disparaît. D'autres applications visant à réduire la masse d'informations sont développées. C'est le cas par exemple de Yahoo Digest qui propose l'envoi d'un condensé très séduisant de l'information matin et soir.
Transmedia et expérience immersive
Si l'adoption de la réalité virtuelle prendra du temps, les médias devront créer d'ici deux ans des expériences immersives en réalité virtuelle pour rendre compte de situations ou d'événements, selon Eric Scherer. Certains groupes ont déjà produits de tels contenus. C'est le cas notamment du Groupe Gannett qui a réalisé un reportage en réalité virtuelle, pour le quotidien Des Moines Register. Le sujet : une exploitation agricole américaine qui serait contrainte de s'adapter à des changements climatiques et démographiques. D'autres projets sont en cours. Vice News a aussi déjà réalisé des reportages en réalité virtuelle. Avec la fulgurante accélération d’innovation des technologies d’information, bon nombre de ces nouveautés risquent d'être éphémères et vite remplacées par d’autres technologies de pointe. Mais la réalité virtuelle est bien un média à part entière appelé à se développer.
L'information devient transmedia. Elle est éclatée sur plusieurs écrans. Des formes narratives inédites apparaissent. Les contenus visuels et interactifs se développent : on passe d'une culture du texte à une culture de l'image. Le monde immersif est un nouvel horizon, avec de nombreuses nouvelles expériences de narration permises par la technologie. C'est le cas notamment des contenus proposés par le casque de réalité virtuelle Rift Oculus, dont le fabriquant a été racheté par Facebook en mars 2014 pour un montant estimé à 2 milliards de dollars. Samsung, Google et Sony concentrent leur développement sur ces technologies.
Se pose la problématique de l'indépendance par rapport aux géants du web. Les Etats-Unis et la Chine possèdent les plateformes dominantes. Vont-elles imposer leur vision du monde ? Procédant par sélection et mise en avant de certains contenus, les moteurs de recherche se basent sur la sélection des informations les plus échangées. La puissance des algorithmes privilégie des projets éditoriaux plus quantitatifs que qualitatifs. Le risque est donc de connaître une standardisation des informations.
Ruth Martinez
Déléguée générale du GFII
+ repères
20e Midi du GFII
Le présent article reprend des propos tenus par Eric Scherer (France Télévisions) lors du 20e Midi du Groupement français de l'industrie de l'information (GFII) qui s'est déroulé le 11 février 2015.
Pour suivre Eric Scherer sur Twitter : @EricScherer