L'accueil réservé par les migrants à ce genre d'initiatives démonte les clichés les plus absurdes selon lesquels cette population serait analphabète et inculte..., une sorte de parasite inutile pour nos sociétés tranquilles.
Certes, 3 000 réfugiés ayant fui les conflits de leurs pays (Erythrée, Afghanistan, Syrie, etc.) sont aujourd'hui cantonnés dans "la jungle", le camp improvisé de Calais ; un bidonville où ils résident dans des conditions sordides en attendant de pouvoir rejoindre le sol anglais, hors de l'espace Schengen. Mais ils peuvent désormais laisser leur esprit s'évader grâce à la bibliothèque baptisée Jungle Books (Livres de la jungle), récemment créée par des bénévoles.
S'évader grâce à la poésie
"C'est fascinant de voir ce que les gens demandent a expliqué Mary Jones, une enseignante britannique à l'origine du projet à Publishing Perspectives ; des nouvelles et de la poésie, par exemple. Nombre de ces personnes ont fait des études, ; elles veulent aller de l'avant et elles cherchent des livres qui les aideront à lire et écrire l'anglais, à chercher un emploi, à remplir des formulaires".
"Jungle Books" library for stranded migrants in Calais: http://t.co/vus79pWv5G pic.twitter.com/wAmLpJzb3Z
— Chris Moss (@Traveloguer) 25 Août 2015
Cette bibliothèque d'environ 200 titres se dresse au milieu des centaines de cabanes et de tentes qui peuplent le camp, qui se voulait éphémère. Des sanitaires, une église, une mosquée et une école y ont également pris place, transformant peu à peu une situation provisoire en durable.
Le besoin en dictionnaires français-pachtou, anglais-pachtou et éruthréens, ainsi qu'en livres dans les langues maternelles des migrants est fort, c'est pourquoi la Jungle Books lance un appel aux dons : pour la soutenir, envoyez un e-mail à maryjones@orange.fr.
Combattre l'oisiveté et créer du lien
Les bibliothèques et les médiathèques ont leur rôle à jouer dans l'accueil des personnes en difficulté, notamment vis à vis des demandeurs d'asile. Jouant pleinement leur rôle de 3ème lieu, elles relayent parfois les centres d'accueil CADA, surchargés, pour les animations et sorties à destination de ce public, durant les longs mois nécessaires à l'administration française pour statuer sur leur sort de "réfugié". C'est le cas notamment de la médiathèque Malraux de Strasbourg, habituée à accueillir ce public en quête d'occupations.
"Chacun vaque à sa guise"
"Ils sont nombreux à venir pour avoir accès à Internet et à la télévision, explique un bibliothécaire de l'établissement à Rue89 Strasbourg ; l’abonnement est gratuit. C’est aussi pour ça qu’on propose plus de chaînes étrangères. Avec le papier de demandeur d’asile (le récépissé de la préfecture suffit) ceux qui le désirent peuvent souscrire à un abonnement pour emprunter des livres à 4,20 euros (même tarif que pour les étudiants, ndlr). Pour faire les abonnements d’ailleurs, ce n’est pas toujours évident comme la plupart ne parle pas un mot de français et pas forcément anglais. Je pratique beaucoup le "langage des signes" ! Ce sont principalement des adultes isolés qui viennent ici passer leurs journées. Mais nous ne sommes pas là pour nous substituer au social et c’est aussi ce qu’apprécient certaines personnes : ne pas avoir à parler, être avec d’autres personnes et pas toujours dans "l’entre-soi". Nous ne rencontrons, en général, aucun problème à laisser chacun vaquer à sa guise et les brèves altercations qui ont pu avoir lieu étaient plutôt dues à des personnes en état d’ébriété, pas à des demandeurs d’asile spécifiquement."
Une réflexion est lancée
Ouvertes à tous, les bibliothèques sont confrontées depuis des années à la question de cet accueil spécifique au public des migrants. Une réflexion à ce sujet sera lancée le 29 septembre prochain à Calais lors de la journée d'étude "Les migrants : un public de bibliothèque ? Quels besoins, quels accueils, quels services ?", organisée par la BPI et qu'Archimag vous relayera. "Les témoignages, retours d’expérience et initiatives qui animeront cette journée ouvrent la voie à une réflexion sur le vivre-ensemble en bibliothèques, sur la question des publics accueillis et sur les conditions de la cohabitation entre usagers", annonce le programme.
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