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Pourquoi la création du centre d'archives LGBT de Paris fait polémique depuis 13 ans

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    Le plus important fonds d’archives de l’Hexagone est conservé à la bibliothèque municipale de Lyon. Il réunit le fonds Michel Chomarat, datant de 1992, et un ensemble Gay et Lesbien depuis 2005. (krytofr via Visual Hunt / CC BY)
  • Retour sur une polémique vieille de plus de treize ans. La décision de la Mairie de Paris y mettra-t-elle enfin un terme ? 

    Cela fait des années que le projet d'un centre d'archives LGBT (Lesbien, gay, trans) à Paris, lancé sous Delanoë, est dans les cartons de la mairie. Celle-ci a finalement voté lundi une subvention de 12 000 euros pour une mission de préfiguration d'un centre d'archives LGBT dans la capitale, destiné à stocker les archives, documents et objets divers témoignant de l'histoire militante et parisienne du mouvement.

    Si la localisation de ce futur centre n'a pas encore été choisie, son fonctionnement a d'ores et déjà été balisé : il pourrait fonctionner en réseau avec la bibliothèque municipale de Lyon (le centre d'archives LGBT le plus important de l'hexagone) et le centre de Montpellier.

    La polémique

    Rappelons que la question de la mise à disposition, par la Mairie de Paris, d’un local parisien pour les archives LGBT n’est pas nouvelle. Et fait surtout polémique. Car à en croire les 100 000 euros de subventions publiques versées par la ville de Paris en 2002 et le prêt d’un local (jamais ouvert et finalement rendu en 2004), la capitale devrait déjà disposer d’un Centre d’Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris (CADHP) depuis treize ans. Pourtant, il n’a jamais vu le jour.

    Pour les besoins d'un article rédigé en mars 2014 sur le Conservatoire des Archives et des Mémoires LGBT, et sur son président, Phan Bigotte, qui hébergeait dans son garage sans doute la plus importante collection d'archives LGBT de France et sollicitait alors l'aide de la Mairie de Paris afin qu'un local soit mis à sa disposition, nous avions alors contacté la Mairie de Paris. Malgré nos relances, celle-ci n’avait pas souhaité s’expliquer sur ces dizaines de milliers d’euros de fonds publics dépensés pour un centre mort-né. Surtout, le fonds accumulé et conservé par Phan Bigotte n'a besoin, aujourd'hui, d'aucune subvention : la mise à disposition d'un local suffirait.

    "Un parfum de clientèlisme partisan"

    Initié en 2001 par Jean Le Bitoux, militant homosexuel et cofondateur, en 1979, du journal Le Gai Pied, le projet a traîné en longueur. Comme l’écrivait Benoît Hasse dans le Parisien le 6 avril 2006 : "Une subvention de 100 000 euros versée en 2002, pas de résultats visibles quatre ans après, un dossier qui traîne en longueur et un parfum de “clientèlisme partisan” qui flotte sur l’ensemble... La création du CADHP vire doucement au dossier empoisonné pour la Mairie de Paris". Licencié pour absence de résultats, Jean le Bitoux vient alors tout juste d’être remplacé par Stéphane Martinet, adjoint chargé de la Culture et du Patrimoine au maire du 11e arrondissement de Paris. On annonce à l’époque que l’ouverture du centre sera finalement reportée à... 2008.

    Un projet ressuscité, rebaptisé... et avorté

    Pourtant, la Mairie de Paris déclare deux ans plus tard, par l’intermédiaire de Philippe Lasnier, en charge des questions LGBT, être "prête à dénicher un local à louer par l’association". "Rien n’a bougé depuis quelques années, mais il y aura une concrétisation s’il n’y a pas de polémique", expliquait-il aux journalistes de Yagg. On est alors en 2010 : Jean Le Bitoux vient de mourir en léguant ses archives personnelles au centre d’archives LGBT devant être créé par la Mairie de Paris. Le militant contre l’homophobie et le racisme Louis-Georges Tin est alors mandaté pour ressusciter le projet, rebaptisé (pour la troisième fois) Institut Arc-en-ciel. À l’été 2013, après avoir rendu un rapport de 80 pages sur le "futur" institut, ce dernier dénonçait encore "une mauvaise volonté" et "une certaine forme de blocage au niveau des ministères concernés (Culture et Enseignement supérieur)" dans les colonnes de Yagg.

    Un bilan désastreux

    "Nous ne voulons pas alimenter la polémique, expliquait Phan Bigotte en mars 2014. Nous ne sommes pas en guerre, mais complémentaires avec le projet de la Mairie de Paris". Et d'ajouter : "Ce que nous voulons aujourd’hui, c’est agir au regard de ces 13 ans perdus et de ce bilan désastreux". Selon lui, il serait en effet préférable que plusieurs lieux, gérés par le tissu associatif et par les administrations publiques, soient dédiés à la conservation d’archives LGBT. En raison notamment de la confiance, parfois frileuse, de certains militants. "Il se peut que certains aient plus de facilité à confier leurs documents à une association plutôt qu’à une autre, expliquait-t-il alors ; il ne faut pas que cette mémoire se perde".

    Le plus important fonds d’archives de l’Hexagone est conservé à la bibliothèque municipale de Lyon. Il réunit le fonds Michel Chomarat, datant de 1992 (plusieurs dizaines de milliers de références) et un ensemble Gay et Lesbien (propriété de la bibliothèque depuis 2005 plutôt axé sur le prêt). Si la Mairie de Paris a voté le lundi 14 décembre la subvention de 12 000 euros, c'est grâce à l'initiative du groupe écologiste EELV de Paris, qui a réclamé l'enveloppe, première étape à la réalisation du projet.

    Des centaines d’armoires, de meubles, de caissons et de rayonnages remplis d’archives

    Un centre LGBT, hébergé depuis 2008 rue Beaubourg dans le 3e arrondissement de Paris, a ouvert ses portes en 1994 (initialement rue Keller, dans le 11e arrondissement). Si sa bibliothèque héberge plusieurs milliers de livres et de titres de magazines, elle n’a pourtant ni la vocation ni la place d’accueillir le centre d’archives et de documentation LGBT de Paris en gestation depuis 13 ans. Même provisoirement, elle ne pourrait stocker les centaines d’armoires, de meubles, de caissons et de rayonnages remplis d’archives qui occupent aujourd’hui le domicile de Phan Bigotte. "Je ne veux pas d’argent, assurait-t-il en mars 2014 ; qu’on me prête un local et j’ouvrirai le mois suivant". 

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