Le RDA devrait s’imposer comme le nouveau code de catalogage à l’échelle mondiale. Mais la France souhaite le faire évoluer vers une plus grande souplesse et les éditeurs se préparent à affronter un tournant majeur pour leur avenir.
Les premiers catalogues de bibliothèque sont apparus en France pendant la Révolution avec de simples cartes à jouer dont le verso faisait office de notice. Au XIXe et au XXe siècles, ces cartes furent remplacées par des registres et des fiches avant que l’informatisation ne se répande à partir des années 1960. Depuis lors, ce sont les fameux formats Marc (Machine readable cataloging) qui fixent les règles de transmission des données bibliographiques. Mais après plusieurs décennies de bons et loyaux services, les formats Marc ont atteint leurs limites.
A l’heure du tout web, les bibliothèques doivent disposer d’un outil capable d’exposer leurs catalogues sur la toile et les faire communiquer avec les multiples objets culturels disponibles en ligne. Pour mener à bien ce projet, les bibliothécaires travaillent depuis plusieurs années avec les acteurs de la filière numérique à l’édification d’un nouveau format de catalogage : le RDA (Ressources : description et accès). "Le RDA est un code de catalogage qui permettra de traiter tous les types de supports : livres, journaux, pages HTML, DVD, cassettes VHS, cartes et plans… précise Gildas Illien, directeur du département de l’information bibliographique et numérique au sein de la Bibliothèque nationale de France ; il offrira une visibilité accrue à des millions d’objets documentaires aujourd’hui dispersés dans des silos qui ne communiquent pas entre eux. Le catalogue de la BNF compte aujourd’hui 12 millions de notices et est régulièrement enrichi par 250 équivalents temps plein. Le RDA permettra à nos catalogueurs de déplacer leur attention sur l’analyse de contenus".
manque d’internationalisation des règles
Mais à ce jour, le RDA n’a pas encore été adopté par la France. Le groupe technique Afnor sur l’adoption du RDA en France déplore un manque d’internationalisation des règles. La raison en est simple : le Ressource description and access a été développé à la lumière des pratiques de catalogage en vigueur aux Etats-Unis. Or, certaines de ces pratiques ne conviennent pas à toutes les situations nationales. C’est le cas, par exemple, de la classification ville/Etat/pays servant à décrire des coordonnées géographiques (Los Angeles/Californie/Etats-Unis, par exemple). Cette classification n’est pas celle d’autres pays comme la France qui utilise la description ville/département/pays (Avignon/Vaucluse/France).
Autre insuffisance relevée par le groupe Afnor, l’absence de la métadonnée "arrangeur" pour les œuvres musicales. "Nous avons identifié un certain nombre de lots que nous avons soumis cet été au Joint Steering Committe qui réunit des représentants des bibliothèques et des associations professionnelles anglo-américaines", précise Gildas Illien. Les négociations sont donc engagées entre une kyrielle d’acteurs français et européens réunis au sein de l’Eurig (European RDA interest group) et le Joint Steering Committe.
Pour Gildas Illien, qui assure également la vice-présidence de l’Eurig, "la France adoptera le RDA, mais pas à n’importe quel prix. Son adoption en l’état signifierait une régression par rapport aux pratiques actuelles des catalogues français. Nos positions ont été reprises au niveau européen par l’Eurig. Il faudra négocier, ce qui signifie gagner sur certains points et faire des concessions sur d’autres…".
un big bang
Du côté des éditeurs de logiciels, les débats autour du RDA retiennent évidemment l’attention. Pour Christian Serrure, directeur de la division produits au sein d’Archimed, "le RDA représente un big bang qui va bouleverser des décennies de règles de catalogage ! L’objectif ne doit pas être d’implémenter une nouvelle norme pour le plaisir de la nouveauté, mais d’améliorer l’expérience de l’utilisateur".
Comme d’autres fournisseurs de logiciels, Archimed a participé aux rencontres organisées par l’Afnor en vue de la future adoption du RDA. L’éditeur a pu exprimer ses observations et considère que ce travail préparatoire a été fructueux. "Nous attachons beaucoup d’importance au modèle de données FRBR (Functional requirements for bibliographic records, fonctionnalités requises des notices bibliographiques) dans la perspective de notre nouveau logiciel Syracuse qui sera commercialisé à partir de 2015".
vers un mouvement de concentration
Mais il n’est pas certain que la migration vers le RDA se fasse dans la douceur pour tous les éditeurs selon Marc Maisonneuve, fondateur du cabinet Tosca Consultants : "Les éditeurs sont dans l’attente d’un calendrier alors que le marché du logiciel est très difficile. Certains d’entre eux disposent de ressources très limitées pour développer de nouveaux produits compatibles avec le RDA. Ils devront convaincre les investisseurs dans un contexte économique délicat. Pour les éditeurs qui n’opèrent que sur le marché français, de sérieuses turbulences sont à prévoir… A l’arrivée, il est possible que l’on constate un mouvement de concentration accrue au détriment des éditeurs les moins prospères".
Le passage au RDA signifie en effet de longs et coûteux développement. Il faudra par exemple repenser les logiques de saisie et l’ergonomie des logiciels. "De toute façon, on devrait assister à une coexistence de catalogage actuel et de RDA pendant trois ou cinq voire dix ans, le temps de mettre à niveau le parc informatique des milliers de bibliothèques françaises et de former les bibliothécaires, souligne Marc Maisonneuve ; pour les éditeurs qui parviendront à passer le cap, le RDA pourrait alors relancer leur activité…".
le RDA ou comment cataloguer à l’ère du web
Le RDA (Ressource description and access ou Ressources : description et accès) est un nouveau code destiné à remplacer les règles de catalogage AACR2 publiées pour la première fois en 1967. "L’objectif de RDA est d’inscrire les catalogues de bibliothèques dans l’univers du web et de prendre en compte dans la pratique du catalogage la réalité de l’information numérique et l’apport de l’échange de métadonnées pour la création comme pour la diffusion de l’information bibliographique", soulignent les experts du GE 6 de l’Afnor.
Concrètement, les notices bibliographiques traditionnelles seront amenées à être remplacées par un réseau de relations entre des notices selon une structure proche de la logique du web de données.
Plusieurs pays ont déjà adopté le principe du RDA : Etats-Unis, Canada, Australie, Allemagne… La plupart d’entre eux passeront au stade opérationnel à partir de 2013. D’autres pays s’interrogent sur la pertinence de migrer vers le RDA. La France, pour sa part, devrait donner sa réponse dans les mois qui viennent.