Conseil pour un réseau social d’entreprise

Les réseaux sociaux grand public ont ralenti l'adoption des réseaux sociaux d'entreprise (RSE) DR

 

Les réseaux sociaux révolutionnent l’information, son accès et sa diffusion. Ces nouveaux espaces virtuels ont eu un impact si fort sur le grand public que leur transposition dans la sphère professionnelle a semblé couler de source. Mais il n’en est rien.

En France, selon l’enquête menée par SerdaLab au printemps 2012, seules 22 % des organisations françaises interrogées ont recours à un réseau social interne à ce jour, parmi lesquelles 72 % l’ont ouvert il y a moins d’un an. La part des entreprises françaises présente sur les médias sociaux, tous confondus, est identique, 22 %, contre la moitié des organisations dans la zone Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine) et encore davantage en Amérique Latine (53 %). La France accuse donc un retard significatif en termes d’adoption. Un contraste qui s’explique par l’opposition entre l’esprit pionnier et les prises de risque liées aux nouvelles technologies dont peuvent faire preuve les entreprises issues des pays émergents, et les craintes que l’intégration des réseaux sociaux d’entreprise génèrent dans l’Hexagone.

réticences des décideurs

Paradoxalement, les réseaux sociaux grand public ont ralenti l’adoption des réseaux sociaux d’entreprise (RSE) en donnant une vision parfois biaisée et péjorative de leurs applications possibles. Perte de temps, futilité des échanges, les managers comme les salariés peinent à saisir les bénéfices que l’usage des RSE pourrait leur apporter dans le cadre de leur activité. 

Cet amalgame est également au cœur des réticences des décideurs, qui redoutent de subir une perte de contrôle et de voir la confidentialité des données menacée. Autant d’appréhensions que l’on peut englober par le terme plus générique de la peur du changement. 

Toutefois, à force de pédagogie, les mentalités évoluent progressivement et les atouts du collaboratif dans un contexte professionnel sont de plus en plus valorisés. La demande augmente (33 % des organisations interrogées déclarent avoir un projet lié aux réseaux sociaux d’entreprise, selon l’enquête SerdaLab) et l’offre évolue également. Dernièrement, la structure de l’offre a été bouleversée par des mouvements stratégiques d’envergure. Ainsi, le rachat de BlueKiwi par Atos, l’acquisition de Yammer par Microsoft et l’arrivée imminente de LinkedIn - qui souhaite se repositionner sur le marché des RSE et prépare ainsi une nouvelle offre – attestent de la vitalité de ce segment.

Si les craintes s’estompent, les dirigeants hésitent encore à se lancer dans un projet d’envergure - d’une durée moyenne de huit mois - susceptible de bouleverser radicalement la structure organisationnelle et l’approche managériale de leur entreprise. En outre, cette défiance est nourrie par l’absence de références en la matière, d’une success story susceptible de lever les derniers doutes qui planent encore sur les réseaux sociaux d’entreprise.

coexistence de plusieurs réseaux

Pourtant, comme le démontrent les entretiens approfondis menés par SerdaLab auprès d’une dizaine d’organisations et comme l’explique Pierre Prével, consultant spécialisé dans les RSE, il n’y a pas deux RSE identiques. Même au sein d’une même entreprise, nous ne sommes pas en présence d’un réseau social, mais de plusieurs réseaux qui coexistent. L’unicité de chaque réseau transparaît dès que les premières réflexions sont menées et que la vision de l’outil RSE est évoquée. On distingue notamment les approches above the flow et in the flow, qui correspondent respectivement à des objectifs de dialogue social ou d’intégration des flux de travail (le RSE choisi sera alors à dominante documentaire).  

Premièrement, il est essentiel de se focaliser sur les usages et non sur l’outil. Ce conseil est valable pour le choix de la solution comme pour la communication qui accompagnera le lancement du service. Ainsi, la réflexion doit d’abord être menée sur les attentes en terme d’usages afin de choisir l’outil le plus adapté à ses besoins. Idem pour la communication, il est judicieux de promouvoir des bénéfices concrets plutôt que les caractéristiques techniques de la solution choisie.

Aussi, il faut s’évertuer à rester simple. Gare notamment à ne pas effrayer les utilisateurs avec un outil trop complexe doté de trop nombreuses fonctionnalités. De même pour la gestion des communautés, un grand nombre de communautés n’est pas forcément un indicateur de la bonne santé d’un RSE et il faut ainsi veiller à ne créer des communautés que si celles-ci ont une réelle valeur ajoutée.

nouvelle approche managériale

Enfin, le succès du projet dépendra de la capacité des chefs de projet à insuffler une nouvelle approche managériale au sein de l’organisation, et de la capacité des cadres intermédiaires à intégrer le RSE au sein de leur activité et à fédérer leurs équipes autour de l’outil. Le lancement d’un réseau social en entreprise induit des bouleversements significatifs sur la structure hiérarchique interne. L’information ne circule plus de façon verticale, mais de façon transversale, faisant émerger des expertises jusqu’ici inconnues et donnant plus de visibilité à certains collaborateurs autrefois dans l’ombre. Ce nouvel ordre, reposant sur les connaissances, les expertises et les qualités interpersonnelles, pourrait entrer en conflit avec la hiérarchie historique.

L’accompagnement des managers intermédiaires, qui devront apprendre à perdre une partie du contrôle dont ils jouissaient jusqu’à présent, à solliciter des collaborateurs issus d’autres départements et à assumer des fonctions d’animateur et d’éducateur afin de mettre leurs équipes dans les meilleures conditions, sera l’une des clés de la réussite du lancement d’un RSE.

collaboration et communication

Bien loin des usages des réseaux sociaux grand public, la croissance du taux d’équipement en RSE est avant tout guidée par les problématiques professionnelles : partage de bonnes pratiques, innovations, création collaborative, identification d’experts. Les deux premiers leviers pour l’adoption des réseaux sociaux d’entreprise sont la collaboration (crowdsourcing) et la communication, cités respectivement par 59 % et 56 % des répondants.

Les freins à l’usage des RSE sont globalement davantage liés au contexte professionnel - position hiérarchique, légitimité, reconnaissance - que liés à l’outil en lui-même. Les plus jeunes salariés, jugés a priori les plus aptes à contribuer au sein du réseau, y sont très sensibles et peuvent être réticents, de peur d’être jugés par leur hiérarchie et leurs collègues.

adoption réussie

Si la phase d’appropriation peut être plus longue que prévu, 61 % des organisations considèrent l’adoption de l’outil RSE comme une réussite.

C’est en terme de partage de l’information (veille et gestion des connaissances) et de production collaborative que le RSE est le plus précieux. En outre, d’autres bénéfices tels que la proximité entre les collaborateurs, le sentiment d’appartenance au groupe et la valorisation des salariés sont clairement évoqués dans les retours d’expérience recueillis par SerdaLab.

Notons enfin que, pour le moment, les usages restent principalement internes, les organisations étant encore prudentes à l’idée d’ouvrir leur réseau social à leur écosystème d’affaires. Ainsi, seules 10 % d’entre elles intègrent des clients et des fournisseurs à leur réseau, et 19 % collaborent avec leurs partenaires via leur RSE.

facilité de prise en main

Les avantages comparatifs des différentes solutions de RSE peuvent être classés selon trois catégories : les avantages pour l’utilisateur, les avantages pour l’administrateur et enfin les avantages liés à la relation client tissée avec l’éditeur de la solution. Les notions de simplicité, pour les utilisateurs comme pour les administrateurs, d’ergonomie et de rapidité de l’accès à l’information prédominent. A ce titre, la facilité de prise en main est particulièrement recherchée dans la mesure où cela abrège la phase d’adoption et réduit les besoins en formations coûteuses et chronophages. 

De surcroît, compte tenu de la longueur de la mise en place d’une telle initiative, les chefs de projet s’inscrivent dans une logique d’immédiateté, de recherche de bénéfices directs, parfois au détriment d’autres critères comme la sécurité des accès et de l’information, l’interopérabilité avec le système d’information ou encore l’évolutivité de la solution choisie. Cette approche peut également conduire à sous-estimer les missions de communication, de formation et d’animation au sein du réseau, qui sont pourtant les facteurs clés de succès de ces projets.

 

Thibaut Stephan
Analyste-veilleur serdaLAB
[Source : étude SerdaLab, “Réseaux sociaux d’entreprise : objectifs, mise en place et gouvernance” (parution juillet 2012). Plus d’infos sur www.serdalab.com/etudes/]

 

Tableau comparatif de solutions RSE, par Spectrum, entreprise de conseil et de services spécialisée dans les technologies web 2.0 et leurs usages en entreprise (d’après son étude Spectrum Benchmark 2011) :

www.spectrumgroupe.fr

Les podcasts d'Archimag
Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.