fondations durables pour l'archivage

Le Centre des archives industrielles d’EDF, à Bure-Saudron (Meuse), réconcilie béton et haute qualité environnementale. Agence Schilling Communication

 

L'archivage papier, à en croire les projets actuels, semble prendre le chemin du développement durable. Au-delà d'un argumentaire marketing toujours prompt à utiliser le sésame magique, Archimag met en lumière là où l'archivage fait réellement preuve de développement durable.

Problématiques d’optimisation énergétique des data centers, dématérialisation : le développement durable est devenu une composante essentielle des problématiques de gestion de l'information. Et il semble bien parti pour constituer également un enjeu de taille pour le monde des archives. On rencontre de plus en plus, depuis quelques mois, la référence au développement durable et plus précisèment à l'agenda 21 au sein des appels d'offres concernant des projets d'archivage. Par exemple, un appel d'offres émis par la ville de Vincennes, dans le Val-de-Marne, à la fin de l'année 2011, spécifie : « La gestion des dossiers et des documents permettra de rationaliser l’usage du support papier et de réduire les coûts dans ce domaine, le tout s’inscrivant dans le respect de la charte 21, relevant de l’agenda 21 local, mise en place au sein de l’administration municipale vincennoise ».

rationalisation documentaire

Concrètement, la démarche de développement durable dans ce contexte se résume largement à une rationalisation documentaire, via l'optimisation des délais de conservation, la mise en place d'une production documentaire nativement dématérialisée, voire par une simple suppression des doublons et des réimpressions. Ces préconisations ne sont pas si nouvelles, puisqu’elles figuraient dans les réponses à de comparables appels d'offres bien avant la déferlante du développement durable.

Côté maîtrise d'ouvrage, cette dimension semble présenter une importance accrue car elle peut donner l'occasion de lancer des projets de rationalisation documentaire qui, sans agenda 21, n'auraient pu voir le jour, faute de financement. S’agit-il d'un simple effet de mode ou est-ce l’occasion pour les collectivités d'obtenir des budgets qu'elles n'auraient pas eus sans l’argument du développement durable ? La question reste ouverte, les responsables de ce type de projets n'ayant pas souhaité répondre à nos demandes.

Côté tiers-archiveurs, le développement durable occupe une place de choix dans les offres commerciales et les argumentaires. Certains ont des chartes, tel Locarchives, d'autres du  personnel dédié, comme Everial chez qui Christine Laurain, directrice des achats et des services généraux, est désignée « en charge du développement durable ». 

haute qualité environnementale  

C'est dans la construction de nouveaux bâtiments de conservation que le développement durable présente le plus de visibilité dans le monde des archives. Exceptionnels il y a encore quelques années (Le Grenelle de l'Environnement en 2007 a joué un rôle important sur les mentalités), les sites dédiés aux archives respectant une démarche dite de haute qualité environnementale, ou HQE, se multiplient aujourd'hui. Cette démarche désigne la capacité d'un bâtiment à préserver les ressources naturelles et à répondre à des exigences de confort, de qualité de vie et de santé. Le bâtiment doit donc satisfaire un certain nombre de critères lors de sa mise en oeuvre et au cours de sa vie jusqu'à sa déconstruction (1).

Il s'agit d'agencer entre elles et de faire coincider trois exigences : climatique, environnementale et énergétique. Concrètement, il est souhaitable que le cahier des charges d'un tel projet se divise en trois cahiers spécifiques :

- le premier est consacré à la finalité métier, la qualité archivistique : magasins fonctionnels et pratiques éventuellement accompagnés d'ateliers (de restauration, de numérisation, de tri, voire d'archivage électronique avec baies de stockage, etc.) ;

- le second concerne l'insertion urbaine et architecturale ;

- le dernier cahier traite de l'énergie positive dont doit faire preuve le bâtiment - un bâtiment à énergie positive produit plus d'énergie qu'il n'en consomme – et de son impact écologique (2). L'exemple du nouveau site des Archives départementales du Nord, livré à l'été 2012 (3) est éloquent sur ce point, la maîtrise d'oeuvre ayant pris en compte des critères draconiens d'isolation. Outre l'utilisation du polyuréthane comme isolant, les matériaux ont été choisis pour leurs grandes performances thermiques et leur durabilité, avec par exemple de la brique monomur et du béton alvéolaire pour les planchers. Chaleur et électricité seront produites par une unité de cogénération ainsi que par 350 mètres carrés de panneaux solaires photovoltaïques. Exigences thermiques et hygrométriques sont incluses dans la qualité archivistique, puisque nécessairement adaptées à la conservation de documents, à savoir entre 16 degrés et 25 degrés (avec moins de 1 degrés d'évolution par 24 heures), et entre 40 % et 60 % d'hygrométrie (avec moins de 1 % d'évolution par 24 heures).

complémentarité

L'exemple du centre des archives industrielles d'EDF, dont la construction a débuté en 2010 à Bure-Saudron dans la Meuse, illustre très bien également la complémentarité entre qualité archivistique, démarche de développement durable et démarche HQE. La dimension de la rationalisation documentaire est centrale dans ce projet puisque les archives, stockées sous diverses formes (papier, microfilm...) et dans plusieurs unités de l’entreprise seront centralisées pour en optimiser le tri, l'indexation, la gestion et la mise à disposition.

Les deux autres dimensions ne sont pas en reste. Le bâtiment ne consommera que 29 kilowatt-heure par mètre carré et par an grâce à un système d'isolation thermique par l'extérieur s'appuyant sur des panneaux préfabriqués en béton autonettoyant dans lequel sont insérées 100 000 pastilles en inox poli. La production de chaleur s'appuie sur la géothermie, couplée à une pompe à chaleur. Enfin, ce bâtiment, d'une superficie totale de 7 000 mètres carrés pour près de 70 kilomètres de rayonnages, s'inscrit harmonieusement au sein du paysage rural de Bure-Saudron, notamment grâce à l'utilisation d'un bardage de béton couleur ocre. En terme d'archivage, le développement durable est dans les murs.

 

(1) Détaillée dans le référentiel Qualité environnementale du bâtiment, une démarche HQE présente quatorze critères. Relations harmonieuses du bâtiment avec son environnement immédiat, choix intégré des produits, systèmes et procédés de construction, chantier à faibles nuisances, gestion de l’énergie, de l'eau, des déchets, de l'entretien. Conforts hygrothermique, acoustiques, visuels et olfactifs. Enfin, qualité sanitaire des espaces, de l'air et de l'eau.

source : site web de l' Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) www.ademe.fr/midi-pyrenees/a_7_06.html

(2) Pour plus d'informations sur l'énergie positive: http://www.energiepositive.info/fr/pourquoi

(3) Voir Archimag n°248, pages 30-31.

(4) La cogénération est le principe de récupération de la chaleur dégagée par la combustion dans le cadre de la production d'électricité. Dans le cas des Archives départementales du Nord, le combustible est de l'huile végétale.

 

+ repère

 Agenda 21

L'Agenda 21 (tirant son nom des vingt-et-un engagements pour le XXIe siècle adoptés en 1992 lors du sommet de la Terre de Rio) consiste à mettre en oeuvre progressivement et de manière pérenne le développement durable à l'échelle d'un territoire. Il est porté par la collectivité et mené en concertation avec tous ses acteurs : élus et personnels, habitants, associations, entreprises, structures déconcentrées de l'Etat, réseaux de l'éducation et de la recherche...  Il se traduit par un programme d'actions visant à améliorer la qualité de vie des habitants, économiser les ressources naturelles et renforcer l'attractivité du territoire.

Ces actions peuvent consister en une politique de l'habitat appuyée sur la haute qualité environnementale ou encore dans l'utilisation de ressources renouvelables et dans la maîtrise de l'énergie, dans le cadre d'un projet de transport en commun par exemple.

www.agenda21france.org

Les podcasts d'Archimag
Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.