Chez les étudiants comme chez les chercheurs, l’information scientifique se consomme de plus en plus au format numérique. Une tendance qui pose des questions, notamment la tarification ou encore l’utilisation de Google.
À Sciences Po Paris, entre 2000 et 2008, les coûts d’acquisition des collections numériques ont été multipliés par quatre pour un nombre de ressources multiplié par sept, selon une étude (1). Même évolution à Sciences Po Bordeaux. L’école propose depuis début 2010 un nombre de ressources numériques encore plus important. Accessible à partir de l’environnement numérique de travail, les étudiants peuvent y trouver la presse en ligne commercialisée par l’agrégateur Factiva, environ 215 revues au format électronique proposées par Cairn, l’Encyclopaedia Universalis… Sans compter les ressources en accès libre sur internet, comme Persée, Revues.org, Erudit. Bref, un accroissement exponentiel de ressources accessibles en numérique. Le constat dépasse largement Sciences Po. Le rapport Le livre numérique datant de décembre 2009, de Bruno Racine, président de la BNF, chiffrait à 26 % la part des dépenses pour l’achat de ressources électroniques pour l’enseignement supérieur. Ce qui représente une progression de ce type d’achat de 287 % sur 9 ans (1999 à 2007). Des chiffres qui représentaient 23,2 millions d’euros sur des dépenses documentaires totales de 89,3 millions d’euros en 2007.
effet Google
Cet accroissement de l’offre ne rime pas dans tous les cas avec son usage. Lors d’une intervention à l’Association des bibliothécaires de France, Jérôme Kalfon, directeur de la BU de Paris Descartes, estime que le papier ne représente plus que 20 % des consultations. Qu’en est-il des 80 % restant ? D’après une étude canadienne (2) portant sur l’usage des ressources électroniques par les enseignants, si ces derniers utilisent très majoritairement internet pour leurs recherches d’information, un bon nombre délaisse les catalogues de la bibliothèque au profit de Google ; 63 % signalent ne jamais utiliser ces catalogues ! Les habitudes de navigation ne prêtent guère à plus d’optimisme. Plus de la moitié ne consulte que les premiers résultats lors des recherches sur internet. Les chiffres plus généraux portant sur la consultation des ressources numériques proposées par les BU pondèrent quand même largement cette étude et dénotent une augmentation des recherches et téléchargements.
peu de statistiques d'usage
Maillon faible de la chaîne, ces mesures ne sont pas très pertinentes. Et ce, quand elles existent. Près de la moitié des organisations ne mesure rien. Un manque de motivation également liée aux éditeurs qui ne tarifient pas en fonction de l’utilisation à l’exception de l’American Chemical Society. De plus, malgré l’adoption de plus en plus répandue du standard Counter, qui vise à homogénéiser ces chiffres, ces mesures sont plus compliquées qu’il n’y paraît. Le nombre d’articles ou de documents téléchargés, principal indicateur, n’apporte pas une visibilité parfaite. Jérôme Kalfon soulignait que les habitudes des utilisateurs changeaient. Ces derniers ont tendance à abandonner le téléchargement systématique de documents les intéressant. Ils les consultent en ligne et, par suite téléchargent plusieurs fois le même document. Ce qui multiplie le nombre de téléchargements. Une enquête détaillée sur ces évolutions vous est proposée dans les pages suivantes.
Le quotidien d'un chercheur
Professeur de mécanique à l’université de Paris 6 Pierre et Marie Curie-Jussieu, Arnaud Monavon participe également à des projets de recherche pour le Commissariat à l’énergie atomique. Pour les recherches documentaires, « le premier réflexe consiste à identifier la ou les revues à partir des catalogues en ligne sur les sites de BU », explique l’enseignant-chercheur. S’ensuit la récupération des articles scientifiques sur papier ou son téléchargement quand ils sont disponibles en numérique, « ce qui est le cas deux fois sur trois dans les domaines mathématiques et physiques que je suis, souligne Arnaud Monavon ; pour les revues anciennes sur papier, souvent des articles de fond, je me suis constitué un fonds documentaire de référence ». Le chercheur utilise également des moteurs de recherche spécialisés comme Google Scholar ou les versions grand-public. « Google a tendance à ramener les bases de données payantes dans les premiers résultats comme celle de l’Inist par exemple. Les résultats de Yahoo demeurent fouillis mais incluent plus souvent des articles en libre accès », constate le chercheur.
(1) Accès et utilisation des ressources numériques par les enseignants.- Sylvie Gervais, bibliothécaire de l’université du Québec en Outaouais. Présentée lors du 1er Congrès des milieux documentaires du Québec en novembre 2009.
(2) Étude Les ressources numériques, entre notoriété et usages d’Anita Beldiman-Moore présentée pendant les journées d’études INTD-Enssib-Urfist en 2009.