Numéro un mondial du marché des vaccins, Sanofi Pasteur s’appuie sur une veille brevet tous azimuts pour conduire ses recherches. Un travail indispensable mené par des scientifiques formés aux techniques documentaires.
Il faut environ douze années pour développer un vaccin et le mettre sur le marché. Un processus long et complexe qui comprend des phases de développement clinique, de recherche et développement, et d’opérations commerciales. Un processus coûteux aussi : plus de 500 millions d’euros d’investissement moyen global. À ce prix, on comprend que les laboratoires pharmaceutiques y réfléchissent à deux fois avant de se lancer dans la fabrication d’un vaccin. En amont de toute conception de vaccin, l’industrie pharmaceutique procède donc à une veille sur les brevets particulièrement rigoureuse : « On estime que 40 % de l’information technique n’est présente que dans les brevets, souligne Anne- Gaëlle Darmont, analyste de l’information brevet au sein de Sanofi Pasteur ; il s’agit d’une information vitale pour nos chercheurs ». À la tête d’une cellule de neuf personnes, Anne-Gaëlle Darmont mène une veille à couverture mondiale au profit des principaux sites de recherche et développement de Sanofi Pasteur situés en France, au Canada et aux États-Unis. Cette veille brevet repose sur une base de données qui est alimentée en flux continu d’informations. Mais les éléments contenus dans cette base de données sont encore à l’état brut d’où la nécessité de l’interroger avec un système de mots-clés. Cette phase est assurée par la plate-forme de veille Rapid – commercialisée par l’éditeur Centredoc – qui, sur la base de mots-clés, filtre les informations les plus pertinentes.
précatégorisation automatisée
Déployée depuis 2002 au sein du département de recherche et d’analyse d’informations de Sanofi Pasteur, Rapid permet une précatégorisation automatisée des informations mais aussi une multicatégorisation d’un même brevet. Selon Anne- Gaëlle Darmont, « cette solution nous a permis de gagner du temps par rapport à l’époque où nous devions faire du copier-coller dans un traitement de texte. Elle nous a également permis d’engendrer une économie d’acquisition grâce à la multicatégorisation. Pour autant, l’intervention humaine est encore nécessaire : je valide l’information remontée par le logiciel pour éliminer le bruit avant de la diffuser auprès des utilisateurs ». La cellule veille brevet de Sanofi Pasteur travaille en mode proactif et ajuste son corpus de veille selon les projets. Certains sujets de recherche apparaissent et font l’objet d’une surveillance alors que d’autres sont abandonnés et ne sont plus suivis.
infobésité des brevets
On le voit, le jugement humain est encore le meilleur filtre pour séparer le bon grain de l’ivraie. Le brevet est un document complexe au carrefour de deux disciplines : les sciences et le droit. Plus structuré que n’importe quelle page web, il n’en demande pas moins une compétence très particulière. Sanofi Pasteur a fait le choix de recruter ses veilleurs parmi des diplômés en biologie, en pharmacie ou en médecine pour les former aux techniques documentaires plutôt que l’inverse. « Moi-même je suis titulaire d’un DEA de biologie moléculaire et cellulaire, et d’un diplôme d’ingénieur en biotechnologie. J’ai acquis les techniques de veille sur le tas ! », précise Anne-Gaëlle Darmont. À l’instar d’autres secteurs professionnels, les brevets ne sont pas épargnés par l’infobésité : selon l’Organisation mondiale de la propriété industrielle, le nombre de dépôts de brevets est passé de 900 000 à près de 1 800 000 entre 1985 et 2006. Un doublement qui s’explique, entre autres, par une augmentation considérable du nombre de brevets déposés par les pays asiatiques : Chine, Taïwan, Corée du Sud… En 2008, la France se classait au cinquième rang mondial du dépôt de brevets d’invention devant la Chine mais derrière la Corée du Sud, l’Allemagne, le Japon et les États-Unis.
activité régalienne
D’autres départements de Sanofi Pasteur disposent également de leur cellule de veille : juridique, concurrence… « Nous échangeons quelques informations avec ces cellules mais uniquement sur des activités transversales comme la méthodologie, les enquêtes de qualité et les outils, souligne Anne-Gaëlle Darmont ; en revanche, nos corpus de veille sont trop différents pour pouvoir être partagés ». À l’heure où l’on constate un vaste mouvement vers l’externalisation des activités informatiques, la veille semble échapper à cette tendance lourde et demeure une activité régalienne que Sanofi Pasteur préfère exercer en interne. Sa place de leader mondial sur le marché vaccinal ne manque pas de susciter des vocations du côté de ses concurrents. Le secteur affiche une croissance annuelle à deux chiffres et devrait générer environ 15 milliards d’euros à l’horizon 2012. La veille a toute sa place à prendre dans ce défi.
le groupe Sanofi Pasteur
Sanofi Pasteur est la division vaccin du groupe pharmaceutique Sanofi Aventis. Avec plus de 12 500 salariés répartis sur les cinq continents, l’entreprise représente près d’un quart du marché mondial des vaccins et occupe la première place mondiale. Son chiffre d’affaires s’est élevé à 3 482 millions d’euros en 2009 – une augmentation de 19,2 % par rapport à 2008. Sanofi Pasteur a produit l’an dernier 1,6 milliard de doses de vaccins dispensées à plus de 500 millions de personnes dans le monde