Darron Chapman : "Les compétences des documentalistes et bibliothécaires sont appelées à changer"

Darron Chapman DR

 

« il faut faire un effort constant pour rendre les professionnels de l’information plus visibles auprès des employeurs »

Archimag. Vous présidez SLA Europe. Quelle est l’importance de cette association dans le monde ?
Darron Chapman. L’association fut fondée en 1909, dans l’Etat de Washington aux Etat-Unis. Elle rassemble aujourd’hui environ 9 000 membres dans plus de 75 pays du monde. Les actions de SLA se déroulent selon trois axes : la formation, le développement des échanges entre membres par un réseau fort, la défense et l’image de la profession à l’attention des publics.

La formation est donc une préoccupation majeure de l’association ?
En effet, et le programme de formation continue est très divers, approfondi et suit les évolutions technologiques du métier. Il offre un bon équilibre entre des réunions où chacun a l’occasion de rencontrer des collègues et d’échanger des pratiques et la formation à distance par webinaires, qui est très développée. On peut se former aussi soi-même en profitant de toutes les informations disponibles sur le site. Les thèmes de formation vont de la propriété intellectuelle à l’utilisation des outils informatiques tels que Wordpress, en passant par la bonne gestion de son temps ou d’autres aptitudes plus pratiques (1).

Comment l’association favorise-t-elle les échanges entre ses membres ?
SLA organise tous les ans une grande conférence, pendant cinq jours. Elle réunit tous les collègues de l’association qui profitent d’un grand nombre d’ateliers, de débats et de discussions faisant le point sur le métier et les pratiques. Cela donne lieu à une forte émulation autour d’expériences et d’innovations. Cette conférence, dont la dernière a eu lieu à Chicago cet été, est considérée comme un véritable creuset du métier dans le futur (2).

D’une manière générale, le développement en réseaux est considéré par SLA comme un élément clé qui renforce sa démarche. Cela est encouragé à travers une organisation en vingt-six groupes sectoriels et thématiques, appelés « divisions », qui offrent des programmes orientés autour d’intérêts spécifiques, tels que le knowledge management ou la veille économique, l’agroalimentaire ou la documentation juridique et financière.

Quelle place est-elle faite aux initiatives locales et individuelles ?
Les membres se réunissent aussi toute l’année régionalement, en présentiel ou par téléconférence, ce qui permet à chacun de participer quel que soit l’éloignement géographique. SLA Europe, qui a célébré cette année son quarantième anniversaire, est un exemple de groupement régional ; elle rassemble des membres de plus d’une vingtaine de pays européens.

Enfin, par l’intermédiaire de prix et récompenses remis lors de la conférence annuelle, SLA célèbre les membres qui ont contribué de manière exceptionnelle au développement de la profession (3).

SLA n’est pas réservée qu’aux seuls professionnels de l’infodoc. De quels horizons ses membres viennent-ils ?
Il n’y aucune restriction pour devenir membre. Il n’est pas nécessaire d’être diplômé en gestion documentaire, il suffit d’avoir un intérêt pour les activités proposées. De ce fait, les membres viennent de milieux différents, aussi bien du côté des fournisseurs que des utilisateurs. En effet, les représentants des fournisseurs sont les bienvenus. Leur connaissance du marché et du métier est très utile. Ils aident aussi l’association financièrement en sponsorisant des activités et des conférences – les cotisations des membres ne suffisent plus.

La fonction du président est organisée de façon originale. Comment une présidence se passe-t-elle ?
La direction stratégique de l’association est assurée par le conseil d’administration, dont les membres sont élus pour trois ans. Le président de l’association est élu directement par les membres, pour seulement une année, mais le mandat inclut une année de préparation et une année de soutien au nouveau président, ce qui permet d’assurer une transition.

Cette structure est reproduite au niveau des divisions et des groupes régionaux. Il y a donc un président de SLA 2012, Deb Hunt, et un président de SLA Europe, moi-même.

Dans quels débats SLA s’engage-t-elle?
SLA s’engage dans les grands débats de la politique de l’information. Récemment, nous avons soutenu une initiative pour exiger plus de transparence et un meilleur accès à l’information produite par les ministères aux Etats-Unis. Au niveau international, SLA agit de concert avec d’autres organisations, principalement au sein de l’Ifla (4). SLA en est membre et de nombreux postes à responsabilité au sein d’Ifla sont remplis par des membres de SLA. En regroupant les forces, SLA peut soutenir les efforts de l’Ifla, par exemple dans les campagnes pour l’alphabétisation, la formation des dirigeants de demain ou les nouvelles technologies telles que le web sémantique.

Qu’en est-il en Europe ?
SLA Europe a été encouragée par ses membres à développer ces dernières années des liens avec les associations nationales afin de partager nos expériences, et si possible trouver des opportunités de collaborer pour le bénéfice de nos membres respectifs.

En France, nous avons engagé un dialogue avec l’ADBS (5) et avons pu partager des séminaires. Nous reconnaissons évidement l’importance des associations locales, mais face à des emplois qui changent beaucoup, à des organisations qui développent de nouveaux marchés dans d’autres pays, de nombreux membres ont perçu les avantages de faire partie d’un réseau professionnel international et ont rejoint SLA Europe comme deuxième association.

Vous heurtez-vous à des différences culturelles d’un pays ou d’une région à l’autre ?
Les différences culturelles sont vite surmontées lorsque la même passion pour les métiers est partagée, ce qui facilite énormément le dialogue. Ces mêmes différences culturelles permettent de développer des solutions nouvelles, qui peuvent être partagées et adaptées.

Enquêtez-vous sur les compétences des professionnels de l’infodoc ?
Bien sûr. En 2010 par exemple, SLA a mené une enquête afin de définir les compétences qui sont nécessaires aujourd’hui. Les résultats sont disponibles gratuitement sur notre site principal.

La volonté de SLA est qu’il faut faire un effort constant pour rendre les professionnels de l’information plus visibles auprès des employeurs en démontrant leurs véritables compétences. SLA accompagne ses membres pour développer leurs compétences professionnelles, leur donner confiance et rendre possible une évolution et une prise de responsabilité professionnelle plus importante.

Un autre projet sur lequel l’association travaille est l’enregistrement de témoignages de cadres supérieurs qui expliquent l’influence positive que leur documentaliste ou bibliothécaire a eue sur leur entreprise. 

Quelles évolutions des métiers percevez-vous ?
Les compétences des documentalistes et bibliothécaires sont appelées à changer. De nombreuses organisations ont encore besoin de bibliothécaires spécialisés, mais ceux-ci doivent démontrer une variété d’aptitudes au croisement de différentes professions et prendre des responsabilités dans des activités telles que l’archivage électronique, le développement de portails en ligne et le soutien de fonctions comme les ressources humaines.

Encourager une bonne connaissance des ressources, guider les usagers à identifier des informations fiables, enseigner l’utilisation de nouveaux outils informatiques sont des exemples de compétences qui sont recherchées de nos jours, de même que le service à la clientèle. Parallèlement, de nouveaux titres apparaissent : emerging technology librarian, digital archivist, metadata librarian, etc.

Notre métier évolue sans cesse ; il est important de ce fait pour tout professionnel de constamment renouveler ses connaissances. Dans ce contexte, les associations professionnelles offrent un support essentiel.


+ repères
SLA en bref
SLA est une association internationale de professionnels de l’information. L’acronyme désigne la Special Libraries Association, ce qui peut être traduit par l’Association des bibliothèques spécialisées. Mais l’utilisation simple de l’acronyme est préférée aujourd’hui afin de mieux refléter la diversité des membres qui travaillent dans des milieux professionnels très variés. www.sla.org

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Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.