CET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°379
Au sommaire :
- Dossier : digitalisation responsable : l'IA rebat les cartes
- Des éditeurs décidés à concilier IA et sobriété numérique
- Consommer l'IA générative : oui, mais avec modération !
- Les données au cœur de la mesure de l’impact social et environnemental
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Est-il possible de concilier intelligence artificielle et sobriété numérique ? Pour les éditeurs de logiciels, cette question revient à marier la carpe et le lapin, tant l’alliance entre les deux entités semble impossible. Une chose est sûre : l’IA est désormais embarquée dans quasiment toutes les solutions liées au traitement documentaire.
Une raison à cela : "l’intelligence artificielle est un terme ancien, mais il y a cette fois-ci une rupture technologique qui la rend très accessible", explique Alain Garnier, PDG de Jamespot. "Il y a dix ans, le moindre projet IA coûtait entre 50 000 et 100 000 euros. Aujourd’hui, avec les fameux grands modèles de langage (LLM), cette capacité technique est à la portée du plus grand nombre pour réaliser des opérations complexes sur le texte, ce qui est la fonction la plus utilisée dans les digital workplaces".
Alternative à ChatGPT
La plateforme Jamespot propose aujourd’hui à ses utilisateurs un agent conversationnel de type ChatGPT capable de générer un résumé, une reformulation ou une traduction. Simplement en surlignant un texte dans l’éditeur de l’outil, le tout en langage naturel.
Autre apport de l’IA : le modèle RAG (retrieval augmented generation ou génération augmentée de récupération) permet de combiner les bases de données de l’entreprise et la génération de contenu. Application concrète : l’IA est en mesure d’apporter une réponse précise à un salarié sur le droit du travail à partir de toute la documentation des ressources humaines de l’entreprise.
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Une IA qui ne travaille pas dans le dos des utilisateurs
Si l’IA est capable de générer des textes, elle génère également un coût écologique. Une réalité qu’Alain Garnier ne conteste pas : "tout ajout de fonctionnalité dans un logiciel est énergivore ! Un moteur de recherche ou une fonctionnalité d’indexation nécessite du calcul. Pour notre part, nous proposons uniquement des fonctions IA sollicitées par les humains et non pas des fonctions qui travaillent en permanence dans le dos des utilisateurs. Mine de rien, cela réduit déjà énormément la consommation, quand on la compare à CoPilot qui fait des recommandations constantes aux utilisateurs".
Grands consommateurs de gigaoctets, les LLM sont entraînés avec des milliards de données collectées sur le web. "Ça, c’est le modèle “made in USA”… pour des résultats qui ne sont pas forcément meilleurs que les LLM produits en Europe qui, eux, sont moins gourmands en données. Pour arriver à ce résultat, nous compensons grâce à des algorithmes plus performants", souligne Alain Garnier. "Cela me rappelle les grosses voitures américaines qu’on ne voit désormais plus que dans les musées…".
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Refuser l’IA est contre-productif
Du côté de Jalios, le choix a été fait d’intégrer l’IA à trois niveaux. D’abord à l’échelon des fonctionnalités "prêtes à l’emploi", comme la génération de résumé, l’aide à la rédaction, la transcription de vidéo, etc. "À un second niveau, ce sont des fonctionnalités paramétrables, comme la création d’assistants thématiques, qui permettent un plus grand degré de personnalisation et donc de pertinence", explique Hoang-Anh Phan, directrice marketing, RSE & transformation chez Jalios. "Et pour aller encore plus loin, nous proposons des composants pour utiliser l’IA dans des usages métier. Nos clients l’utiliseront par exemple pour améliorer la qualité de fiches de connaissances ou pour accélérer l’on-boarding des nouveaux collaborateurs à partir d’une analyse de leurs CV".
Conscient de l’impact environnemental de l’IA, l’éditeur spécialisé dans les digital workplaces reprend à son compte le rapport de l’Agence internationale de l’énergie sans pour autant sombrer dans une vision apocalyptique. "Je pense que se refuser à considérer l’IA du fait qu’elle soit trop énergivore est contre-productif", estime Hoang-Anh Phan. "Il faut au contraire s’y intéresser encore plus, justement pour qu’elle ne devienne pas incontrôlable".
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Sobriété technique et fonctionnelle
Jalios a opté pour une démarche de numérique responsable en adressant la sobriété au niveau technique, mais aussi au niveau fonctionnel. "Ces deux axes sont indispensables pour concilier IA et sobriété numérique", poursuit la directrice marketing, RSE & transformation de Jalios. "On peut optimiser les IA pour qu’elles soient moins énergivores, et c’est souvent naturel, car c’est aligné avec une logique de réduction des coûts. C’est un cercle vertueux, à l’image du refroidissement des data centers. On pourra par exemple privilégier des modèles de langage plus petits, donc moins énergivores".
Ce que Jalios ambitionne de tester grâce à son architecture modulaire, pensée en ce sens. "En revanche, c’est moins naturel au niveau des usages, car on ne voit pas forcément immédiatement le retour sur investissement et il n’y a pas de raccourci possible : il faut réfléchir dans un contexte donné et se poser la question de l’utilité, au regard du besoin adressé".
Référentiel d’écoconception
Au-delà de l’intelligence artificielle, l’écoconception a fait l’objet d’un référentiel inspiré du tout récent Référentiel général d’écoconception de services numériques (RGESN). Jalios réalise par ailleurs des audits de ses solutions, y compris dans leur contexte d’utilisation chez les clients. Ces derniers sont-ils sensibilisés à cette question ? "Oui, mais il y a un grand écart de maturité", constate l’éditeur, qui remarque davantage de demandes de la part des organismes publics. "Ceux qui se lancent dans une labellisation Numérique Responsable nous sollicitent en particulier, et nous sommes très heureux de les accompagner sur le sujet, ayant nous-même réalisé cette démarche et obtenu le label NR de niveau 2 en octobre 2022, avec 19 engagements que nous serons amenés à évaluer et à revoir en octobre 2025".
Des modèles plus petits et "fine-tunés"
Dans le domaine de la gestion de contenus, Efalia intègre l’IA dans ses solutions en développant une plateforme de services de type Content Service Platform (CSP). "Nous l’utilisons pour optimiser nos produits, comme la gestion documentaire, la modération de contenu ou l’automatisation des processus métiers", explique François Carcenac, directeur de produits. "Par exemple, nous travaillons actuellement sur un projet qui vise à développer des agents IA autonomes capables de gérer et d’exploiter les contenus d’entreprise de manière intelligente et contextuelle".
Aux yeux de l’éditeur, les LLM sont effectivement énergivores en raison de leur complexité et de l’ampleur des données qu’ils traitent. "Cependant, l’IA ne se limite pas à ces technologies. Dans de nombreux cas, nous pouvons nous appuyer sur des modèles plus petits et “fine-tunés”, qui sont moins gourmands en énergie, pour des tâches spécifiques comme la compréhension du langage. L’écoconception consiste justement à choisir judicieusement la bonne technologie pour chaque tâche, évitant ainsi de surconsommer des ressources".
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Des impératifs contradictoires
Pour François Carcenac, "concilier l’IA et la sobriété numérique est un défi que nous relevons en intégrant des pratiques d’écoconception dès le début du cycle de développement de nos logiciels". Cela inclut l’utilisation de modèles d’IA optimisés pour des tâches précises, la réduction du nombre de requêtes serveur et l’optimisation des ressources utilisées par les applications d’Efalia. "Nous avons d’ailleurs lancé un projet avec un laboratoire afin d’explorer des méthodes de fine-tuning frugal pour minimiser l’empreinte écologique des modèles de langage."
Reste un défi pour cet éditeur, comme pour les autres : certains clients réclament des fonctionnalités avancées qui demandent des ressources importantes. Une demande qui se heurte à l’écoconception. "Les équipes produits doivent constamment jongler entre ces impératifs contradictoires…", constate François Carcenac.