les médecins au chevet des livres endommagés

Utiliser des matériaux compatibles est une des contraintes du traitement des ouvrages. Demco

 

Les bibliothèques sont confrontées à la détérioration de leurs collections. Elles font alors appel à des spécialistes qui redonnent une seconde jeunesse aux ouvrages.

C’est une mésaventure qui est arrivée à tous les usagers de bibliothèque : des pages arrachées dans un livre… Les bibliothécaires sont les premiers à constater ces dégradations et les lecteurs en subissent les conséquences. Un étudiant de la faculté de droit et de criminologie de l’Université Libre de Belgique confiait récemment son amertume sur le forum de l’université : « Je suis passé chercher les articles de politiques criminelles à la biblio aujourd’hui. Quelle fût ma surprise… Un petit malin ou une petite maligne a arraché les pages correspondant aux deux articles, visiblement mu(e) par un égoïsme certain (merci pour les suivants…) et une radinerie hors norme (environ 1,80 euro de photocopies) ».

Pareille mésaventure n’est pas isolée. Pourtant, les bibliothèques ne manquent pas de rappeler aux lecteurs qu’il est interdit d’annoter, de surligner, de plier, de découper, de corner, de déchirer et de détériorer de quelque manière que ce soit. Autant de comportements délictueux assortis de menaces de pénalités financières.

Mais les livres sont également soumis à d’autres dégradations : celle de l’usure naturelle due aux prêts, aux manipulations des documents, à l’exposition à la lumière, aux variations de chaleur et d’humidité.

le film de protection, un bestseller

Plusieurs sociétés spécialisées dans la prévention et la réparation interviennent auprès des bibliothèques. Parmi elles, Demco qui propose également du mobilier, des chariots et des accessoires en tous genres. « La partie entretien et réparation des livres représente environ 10 % de notre chiffre d’affaires total qui s’est élevé à 2 millions d’euros en 2011, souligne Dorothée Murzeau, responsable marketing ; en 2011, les ventes de produits dédiés à la réparation étaient en hausse de 43 % par rapport à 2010. Les films de protection pour les livres restent les bestsellers et les ventes continuent de croître. Les clients privilégient aujourd’hui les films plus résistants tels que le Vistafoil extra résistant de 100 microns d’épaisseur ». [1 micron = 0,0001 millimètre]

Autres protections plébiscitées par les bibliothèques, les rubans de renfort qui sont apposés sur la charnière des ouvrages et les toiles de renfort. Le Tyvek reste le matériel le plus convoité ,mais il est également plus cher et, par conséquent, plutôt réservé aux livres rares.

Les livres ne sont pas les seuls documents concernés par l’usure prématurée. La société Demco enregistre une forte demande sur les supports multimédia tels que les CD ou les DVD. Elle commercialise une « seconde peau » qui, appliquée sur la face lecture du disque, évite salissure et rayures tout en permettant l’écoute ou le visionnage. Le kit d’accessoires Skip Doctor r est devenu un incontournable pour de nombreux discothécaires et vidéothécaires.

Chez Demco, la clientèle de ces produits est composée majoritairement de centres de documentation et d’information des collèges et lycées, de bibliothèques et médiathèques municipales, ainsi que de services communs de documentation et bibliothèques universitaires.

traitement préventif, traitement curatif

Autre acteur du secteur, RenovLivres est un relieur bien connu des lecteurs parisiens puisque son nom apparaît sur de nombreux volumes des bibliothèques et médiathèques de la ville de Paris. « La reliure est en train de changer, constate David Lanaro, directeur adjoint de RenovLivres ; d’abord en raison de l’arrivée des livres au format numérique, ensuite à cause de la forte baisse des budgets alloués par les collectivités territoriales aux bibliothèques ».

Ce relieur installé en Meurthe-et-Moselle propose deux types de prestations : le traitement préventif et le traitement curatif. Dans le premier cas, RenovLivres consolide l’ouvrage avant même que celui-ci ne soit mis en circulation dans la bibliothèque. Grâce à une procédure dite « apprêtée », cette intervention est désormais accomplie en deux ou trois semaines. Il y a quelques années, ce délai était de cinq ou six semaines : la bibliothèque devait acheter le livre, procéder à son catalogage, sélectionner les volumes à protéger, les confier à un relieur qui établissait un devis. La reliure proprement dite n’intervenait qu’après cette longue procédure.

Le traitement curatif, quant à lui, consiste à réparer un livre alors qu’il porte déjà des stigmates : déchirures, découpages, etc. David Lanaro remarque que « les bibliothèques attendent de plus en plus longtemps avant d’envoyer un livre en réparation. Ce n’est pas forcément un bon calcul car, plus un livre nous est confié tard, plus il est dégradé et plus les travaux d’intervention sont lourds et chers. ».

A ses yeux, une bonne politique de restauration consiste non pas à relier tous les ouvrages d’une bibliothèques, mais à sélectionner les ouvrages de fond qui justifient une telle opération. Bien entendu, la notion d’ouvrage de fond varie selon qu’il s’agit d’une bibliothèque municipale ou d’une bibliothèque universitaire.

protocole

Dans son livre collectif devenu un classique (Le métier de bibliothécaire, éditions du Cercle de la libraire), l’Association des bibliothécaires français recense quelques-unes des règles incontournables en matière de conservation des collections. L’ABF rappelle que les traitements destinés à prévenir la disparition des documents « sont des interventions lourdes, spécialisées et coûteuses, qui nécessitent que leur pertinence soit évaluée et que des priorités soient dégagées ». Selon les auteurs, les opérations de restauration doivent respecter un protocole bien établi : utilisation de matériaux compatibles avec les matériaux d’origine, réversibilité des actions de restauration, transparence et signalement des interventions.

Ce protocole est même alourdi pour les documents anciens, rares ou précieux : selon le Code des communes, les municipalités doivent informer le ministère de la Culture avant tout projet de restauration ! Une procédure qui passe par l’envoi d’un dossier comprenant l’identification du document, une description détaillée de son état accompagnée de photographies, un devis estimatif de la restauration, ainsi que les références du restaurateur. Ce dossier est ensuite examiné par le Conseil national scientifique du patrimoine des bibliothèques publiques.

Vu la lourdeur des procédures et le coût des opérations, les bibliothécaires continuent de s’interroger s’il vaut mieux réparer un livre endommagé ou racheter un exemplaire.

 

+ repère

70 caméras surveillent la bibliothèque du Vatican

Les collections de la bibliothèque apostolique du Vatican sont désormais sous bonne protection. Les 150 000 manuscrits, 1,5 million de livres imprimés, 100 000 cartes et gravures, ainsi que les 300 000 pièces de monnaie et médailles sont surveillés par un réseau de 70 caméras. Installées aux endroits sensibles de la bibliothèque (salle de lecture, sorties, entrepôt), ces caméras sont associées à la technologie RFID afin d’identifier les personnes et les ouvrages consultés.

Selon Luciano Ammenti, responsable des services informatiques de la bibliothèque, « ce système de vidéosurveillance se distingue fondamentalement des autres systèmes utilisés actuellement. Il est important d’obtenir des images nettes et sans distorsion qui nous permettent de distinguer le visage des personnes afin de les identifier formellement ».

Les enregistrements sont conservées pendant un an. 

Les podcasts d'Archimag
Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".