Du 14 au 19 mai 2024, l’AIFBD a tenu sa 8ᵉ École d’été à Rabat à l’occasion du Salon international de l’édition et du livre du Maroc (SIEL). Axée sur l’open data comme pilier de l’innovation et de la transformation numérique, cette édition a réuni près de cinquante personnes en présentiel et à distance, avec plus de quarante intervenants du monde entier.
Leurs allocutions ont ciblé l’état des pays, des administrations, des institutions et des bibliothèques face à l’ouverture des données, et les nombreuses initiatives portées au niveau politique, associatif et individuel.
Les participants ont découvert les coulisses de nombre de projets de recherche autour de l’intelligence artificielle (IA), mais également son utilisation en bibliothèque (pour la gestion des processus, des collections et auprès des usagers).
Les questions éthiques de l’IA ont été largement soulevées, de même que son usage dans le cadre des humanités numériques. L’accès libre et ouvert (ou open access) a été l’un des enjeux de cette École d’été. Les données et documents ouverts ont été analysés sous l’angle académique et dans leur usage, mais aussi sous l’angle éditorial, avec des présentations engagées de la part d’éditeurs universitaires.
Lire aussi : Le numérique : un horizon mobilisateur pour les archivistes
Coopération internationale dans le monde bibliothéconomique
Lors de la journée inaugurale de cette École d’été, les participants ont assisté aux allocutions de directeurs des bibliothèques nationales présentes (Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Bibliotheca Alexandrina et Bibliothèque nationale de France) et les présidents de l’École des sciences de l’information (ESI) de Rabat.
La Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (Ifla) était également représentée pour mettre l’accent sur la coopération internationale dans le monde bibliothéconomique.
La conférence inaugurale du chercheur Muhammad Abdul-Mageed a démontré l’utilisation de l’IA consacrée aux communautés locales africaines et arabes ; le propos est de permettre la compréhension commune des langues et dialectes d’Afrique et du Maghreb.
Les rencontres avec le Réseau francophone numérique (RFN) ont suscité un grand intérêt, avec une dizaine de présentations de projets de numérisation de tous les pays : au Vietnam, en France, au Maroc, au Bénin, en Belgique, au Canada, et en Haïti qui traverse une période très délicate.
Les participants ont pu rencontrer l’ensemble des partenaires présents lors d’une matinée de réunion et de discussion. Les bibliothèques belges (KBR) et égyptiennes (BA) ont démontré la valeur ajoutée de leurs services, tandis que les éditeurs (Cairn.info, Elsevier et Harmony Technology) ont présenté leurs outils à destination des bibliothèques.
Humanités numériques
La première table ronde autour des métiers de l’information a réuni des intervenants du Canada, de l’Organisation des Nations unies, de Genève et d’Afrique (Muhammad Abdul-Mageed, Maha Gmira, Basma Makhlouf Sabou, Jérôme Ribeiro) qui ont mis en avant la nécessité d’acquérir de nouvelles compétences face aux besoins et aux opportunités que présente l’IA.
Élisabeth Lavigueur et Danielle Dufour-Coppolani ont, quant à elles, longuement discuté de la veille et de l’usage que l’on peut faire de l’IA pour maîtriser l’information et la rendre accessible.
Véritable enjeu transdisciplinaire, les humanités numériques ont fait l’objet d’une table ronde (Hala Bayoumi, Aida Chebi, Delphine Cavallo, Ghislaine Chartron). L’accent a été mis sur leur essor à l’international, sur l’accès aux données, sur les plans de gestion des données et sur les formations diplômantes pour les maîtriser.
Lire aussi : Nouvel accord de coopération entre la BnF et la Bibliothèque nationale du Maroc
Accompagnés du professeur Miraoui Abdellatif, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation du Maroc, Monica Granados, Ghislaine Chartron, Eric Falt et Pascal Aventurier ont fait le point sur l’ouverture de la science dans le monde afin de présenter les initiatives mises en œuvre au Maroc, à l’Unesco, chez Creative Commons, au Cnam de Paris et à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
L’IA en bibliothèque
Après une visite du SIEL, les débats se sont poursuivis avec des thématiques autour de l’accès à l’information. L’accessibilité par le biais du numérique pour permettre le développement durable ou pour valoriser les sciences humaines a réuni Bernard Dione, Loubna Ghaouti et Pascal Aventurier, ainsi que Gérard Kembellec, Farid Bourzgui et Benoît Epron.
Ils ont présenté le paysage numérique dédié aux publications académiques en sciences humaines et sociales. L’importance des plateformes numériques a été mentionnée par Nathalie Sonnac, Dimitri Laurence Larochelle et Mohamed Bendahan qui ont insisté sur leur rôle au sein de l’industrie culturelle et créative.
La journée s’est achevée avec une table ronde autour de l’IA en bibliothèque, menée par Nabhan Alharrasi, Nozha Ibnlkhayat et Hanae Lhroul. Son usage dans les bibliothèques pour favoriser l’innovation a permis de revenir sur les questions d’éthique de l’IA.
Les conférences suivantes, plus techniques, ont été hébergées par l’ESI. Elles ont concerné à la fois les données et leur utilisation dans les publications de recherche (Pascal Aventurier), le machine learning (Walid Cherif) et les leviers ou outils numériques utilisés pour la transformation digitale dans les universités marocaines (Mehdia Haddad).
Ont suivi d’importantes informations sur l’usage et la gestion des data papers dans les humanités numériques (par Gerald Kembelec), sur la mise en place d’un plan de gestion des données ouvertes (Benoît Epron) et sur l’intérêt des identifiants pérennes (ou PIDs) sur la visibilité des résultats de recherche grâce à DataCite, notamment via les DOI (Digital Object Identifier) (Gabriel Mejias et Mohamad Mostafa).
Lire aussi : L'information-documentation en version francophone
Systèmes de recommandation
La dernière journée de formation de l’École d’été était dédiée aux données ouvertes. Les participants ont découvert comment évaluer les portails open data (Omar Larouk) ainsi que leur degré réel d’ouverture (Fatima Zahra Zakka). Une présentation a été faite sur la sécurité des données à l’ère de l’information ouverte et sur la cryptographie des données ouvertes (Othman Benammar).
L’écosystème des données ouvertes de BanQ (présenté par Lucile Niort et Pierre Froidevaux) a décrit avec précision le workflow de l’institution en termes d’open data. De son côté, Amine Sennouni a mis en exergue l’utilisation des systèmes de recommandation pour exploiter les données scientifiques à destination des chercheurs. Enfin, Mohammed Hammoumi a conclu sur tous les aspects juridiques et légaux liés aux données ouvertes.
Entre découvertes culturelles et échanges professionnels
Permettant de nouer des liens personnels enrichissants, des liens professionnels essentiels, de réseauter et d’interagir avec les collègues de différentes régions du monde et de diverses spécialités dans l’écosystème de la bibliothèque et de la documentation, la journée de découverte de Rabat a suscité beaucoup d’enthousiasme.
La visite de la médina de Rabat ainsi que celles de Bab al-Kabir et de la Kasbah des Oudayas ont permis de raccrocher la formation avec la culture du pays d’accueil de cette École d’été.
Évènement annuel majeur de l’AIFBD, cette École d’été démontre une fois encore combien les professionnels de l’information, au-delà de l’implication dans leur métier, ont soif de formation et d’enseignements.
Les innovations transforment les usages, les obligeant à un apprentissage permanent. La francophonie est le lien supplémentaire par excellence qui a uni tous les participants dans la pratique d’une langue commune et le partage de cultures diverses et pleines de richesses.
Marie-Sophie Bercegeay, Danielle Dufour-Coppolani, Hanae Lhroul, Réjean Savard