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Fraude documentaire : des outils pour réagir

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    En matière de falsification de pièces documentaires, l'imagination des fraudeurs est sans limites : altération d'un nom sur un passeport, faux justificatif de domicile, faux certificat de décès... (Pixabay/jackmac34)
  • Particuliers et entreprises sont confrontés à une inquiétante augmentation de la fraude documentaire. Qu'il s'agisse d'usurpation d'identité ou de faux documents comptables, les éditeurs de logiciels proposent des outils de plus en plus sophistiqués pour faire face à des falsifications qui coûtent très cher à l'État et aux entreprises.

    Nul n'est à l'abri de la fraude documentaire. Pas même Linda de Suza. La célèbre chanteuse portugaise (plus de vingt millions de disques vendus en près de quarante ans de carrière) a été victime d'une double usurpation d'identité. Sept comptes bancaires auraient été ouverts à son nom grâce à son numéro de titre de séjour lui-même dérobé. Et malgré les démarches engagées devant la justice, les affaires de la chanteuse semblent bien mal engagées :

    « J'ai un numéro de dossier au ministère de la Justice depuis 2014, mais ça n'avance pas », déplore-t-elle aujourd'hui. 

    Linda de Suza n'est pas la seule à être victime de fraude documentaire. Selon une étude réalisée par Toluna pour le compte de l'agence marketing Affinion International, 34 % des Français déclarent avoir déjà subi une usurpation d'identité. Celle-ci prend des formes variées : usurpation à la suite d'un vol de papiers d'identité (17 % des cas), usurpation à la suite d'un vol des papiers d'un véhicule (permis de conduire, certificat d'immatriculation), usurpation après la souscription d'un crédit au nom de la victime (7 % des cas), usurpation à la suite d'une fraude aux prestations sociales (7 % des cas).

    Et selon un bilan réalisé par la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF), sur 7 millions de cartes nationales d'identité et 3,8 millions de passeports délivrés en 2013, le taux de fraude varierait de 3 à 6 % selon le type de titre délivré. Le coût direct de cette fraude représente de 1 à 2 millions d'euros. En réalité, ses conséquences sur l'économie sont bien plus importantes :

    « Cette somme est considérablement inférieure aux coûts engendrés par l'utilisation des titres frauduleusement obtenus, au détriment des administrations fiscales ou sociales notamment, mais aussi des particuliers », précise la DLNF.

    L'association Reso-Club avance des chiffres plus précis : le préjudice de la fraude documentaire en France est aujourd'hui estimé à 20 milliards d'euros, dont 17 milliards au détriment de l'assurance chômage !

    ​Falsification, altération et faux certificats

    En matière de falsification de pièces documentaires, l'imagination des fraudeurs est sans limites : altération d'un nom sur un passeport, faux justificatif de domicile, faux certificat de décès... Et peut-être pire encore : l'obtention de vrais documents sur la base de fausses informations !

    En face, l'État et les éditeurs de solutions informatiques dédiées à la lutte contre la fraude documentaire ne restent pas les bras croisés. Du côté de l'État, un code à barres « 2D-Doc » a été généralisé pour sécuriser les données échangées sous forme papier entre l'administration et les usagers. 

    « Le standard à codes-barres bidimensionnel 2D-Doc consiste à insérer un code à barres 2D emportant les informations clés du document (le type de document, le nom et le prénom de l'émetteur, la civilité, l'adresse, le numéro de facture), la date d'émission du document ou du code à barres 2D ; et ces informations sont verrouillées par une signature électronique du hash de ces données, qui garantit l'identification de l'organisme émetteur et l'intégrité du document », explique l'Agence nationale des titres sécurisés.

    Autre initiative, le système Comedec a été étendu aux 2 000 mairies les plus importantes afin de transmettre de façon directe et sécurisée les actes d'état civil. Sans oublier le déploiement en France du système belge d'interrogation du statut des titres d'identité (Checkdoc) qui permet de s'assurer de la validité d'un titre d'identité. 

    « Comme la fraude documentaire sert de fraude support à des fraudes aux finances publiques, il est essentiel de pouvoir mettre à disposition des pouvoirs publics les outils à même de prévenir cette fraude documentaire », souligne-t-on au sein de la DNLF.

    Contrôles de cohérence

    Quant aux éditeurs de logiciels, ils sont de plus en plus nombreux à se positionner sur un marché en pleine évolution. À commencer par Fia-Net, spécialiste français des solutions de confiance en ligne, qui commercialise Tulipe un outil destiné aux entreprises qui souhaitent s'assurer de l'authenticité des pièces justificatives présentées par leurs clients. Cette solution analyse les pièces remises par les clients (passeport, carte nationale d'identité, titre de séjour, avis de taxe foncière, facture de fournisseur d'énergie, bulletin de salaire...) et restitue un « score de conformité » par pièce justificative. Un score de 100 garantit l'authenticité du document ; en dessous, la prudence s'impose. Fia-Net analyse 350 000 pièces justificatives par an. 

    Autre éditeur de la place, Jouve propose une solution baptisée Mobile Capture : « Les contrôles de cohérence effectués par cette solution assurent la conformité d'un dossier que ce soit pour un document qui le constitue ou l'ensemble de celui-ci, explique Jean-Pierre Raysz, directeur R&D au sein du Groupe Jouve ; toutes les données (état civil, adresse) des documents du dossier sont vérifiées et comparées, un pourcentage de similitude du dossier est alors fourni ». 

    Concrètement, un organisme de crédit à la consommation peut utiliser cette solution Jouve Mobile Capture avant de décider d'accorder un prêt. La solution procède à l'analyse d'un relevé d'identité bancaire ou d'un justificatif de domicile. Des données sont extraites puis contrôlées. Le dossier est alors déclaré « validé » ou « non conforme ». Et l'éditeur ne compte pas s'arrêter là : « D'autres sécurités plus difficiles à contrefaire, mais aussi à contrôler seront prochainement opérationnelles. Nous ne les détaillerons pas dans cet article afin d'éviter que les faussaires puissent anticiper leur arrivée, mais elles sont prometteuses », souligne Jean-Pierre Raysz.

    <inter>détections d'anomalies

    « Il est plus facile d'envoyer une fausse pièce d'identité par mail que de la présenter physiquement », constate-t-on chez Itesoft. 

    L'éditeur, connu pour ses logiciels de traitement automatique des documents papier et numériques, est également présent sur le marché de la détection de la fraude documentaire et plus particulièrement sur le segment de la gestion de la relation client et de la relation fournisseur. 

    « La lutte contre la fraude repose sur la mise en oeuvre de processus parallèles au processus métier, et dédiés au contrôle et à la vérification des informations traitées dans les systèmes divers, la détection d’anomalies ou de modifications suspectes (détection de deux RIB différents, Kbis non conforme…) », explique Itesoft.

    Sa solution Fraude Detection Saas procède à l'analyse de plusieurs documents comme la carte nationale d'identité via la ligne MRZ qui est située dans la partie inférieure du document. Elle peut également vérifier un bulletin de salaire sur la base d'un contrôle logarithmique et tester la validité d'un numéro de sécurité sociale.

    Dans la course de vitesse qui oppose fraudeurs documentaires et éditeurs de logiciels, il est difficile de savoir qui prendra l'avantage. Il sera possible d'en savoir plus le 17 octobre prochain à l'occasion de la cinquième édition du Forum européen de la lutte contre la fraude organisé par le Reso-Club à Paris.


    + repères

    Vous avez été victime de fraude documentaire ? Ayez les bons réflexes !

    Face à la fraude documentaire, il convient de réagir avec sang-froid. Car la victime se trouve dans une situation ubuesque : elle doit prouver qu'elle est bien la personne qu'elle prétend être pour faire valoir ses droits ! 

    Dans un premier temps, il faut déposer plainte au commissariat de police ou à la gendarmerie la plus proche. Il est également possible d'adresser une plainte directement auprès du Procureur de la République. 

    Puis prévenir la banque et vérifier si des transactions frauduleuses ont eu lieu. Il est également conseillé de faire opposition sur les cartes bancaires et les chéquiers. Il faut ensuite vérifier si vous n'êtes pas fiché à la Banque de France.

    Enfin, contactez votre assureur si vous avez souscrit une assurance couvrant les cas d'usurpation d'identité. 

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