Porté par un environnement législatif favorable, le coffre-fort numérique s’ouvre progressivement aux documents RH. Plusieurs dizaines d’opérateurs sont présents sur le marché français, mais tous ne sont pas encore "reconnus" par la plateforme gouvernementale dédiée au "compte personnel d’activité".
La fameuse loi sur le travail de 2016, dite "loi El Khomry", a-t-elle été une bonne nouvelle pour les spécialistes du coffre-fort numérique ? On pourrait le penser. Son article 39 crée en effet une nouvelle catégorie : le "compte personnel d’activité" (CPA). Ce dispositif regroupe les droits acquis par les salariés au cours de leur carrière : formation, prévention de la pénibilité, bilan d’activité, etc.
Le Code du travail reconnaît désormais aux salariés le droit d’accéder à leur CPA via une plateforme en ligne : "Chaque titulaire d’un compte personnel d’activité peut consulter les droits inscrits sur celui-ci et peut les utiliser en accédant à un service en ligne gratuit ». L’article L5151-6 du Code du travail précise également que le salarié pourra y consulter « ses bulletins de paie, lorsqu’ils ont été transmis par l’employeur sous forme électronique".
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Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, le coffre-fort numérique bénéficie également des effets d’entraînement de deux autres textes : la loi pour une République numérique adoptée en 2016 ainsi que le décret d’application de l’article 87 (publié au Journal officiel le 31 mai 2018) qui apporte des précisions sur la mise en œuvre du coffre-fort numérique (CFN).
Les réticences disparaissent progressivement
"Il y a en effet une accélération des projets de dématérialisation des bulletins de paie, notamment dans les grands groupes. Cette tendance existe également dans les PME, mais elle est moins prononcée", constate Santiago Ferrer, manager au sein du cabinet Julhiet Sterwen, pour l’expertise Parker Williborg ; "les réticences que l’on observait il y a trois ou quatre ans disparaissent rapidement".
Pour autant, certains opérateurs du coffre-fort numérique sont plus nuancés : "Il y a eu un effet d’annonce qui a généré des soubresauts sur le marché, mais nous sommes encore loin d’une bascule générale", estime Emmanuel Cudry, président de Coffreo ; "dans les grandes entreprises, la question du CFN est désormais posée, mais ce n’est pas encore un raz-de-marée. La France n’est pas aussi avancée sur cette question que les pays scandinaves ou les pays du Benelux. Quant à l’Allemagne, j’ai souvent lu que 80 % des bulletins de paie sont dématérialisés. Je ne l’ai pas constaté et c’est un marché qui est plutôt à la recherche de solutions…"
Intégrité, disponibilité, confidentialité et accessibilité
À ce jour, l’employeur n’est pas obligé de proposer le bulletin de paie électronique à ses employés. Mais s’il le fait, il doit le faire "dans des conditions de nature à garantir l’intégrité, la disponibilité pendant une durée fixée par décret et la confidentialité des données ainsi que leur accessibilité", précise le Code du travail.
La plateforme gouvernementale dédiée au compte personnel d’activité permet d’accéder à des documents RH, mais une partie seulement de ces documents. Le salarié peut y consulter les documents relatifs à la formation professionnelle par exemple. Il peut également y télécharger ses bulletins de paie à deux conditions : que son employeur ait mis en place un programme de dématérialisation des bulletins de paie, et que l’opérateur qui archive ces documents dématérialisés soit connecté avec le CPA. Au mois de juin 2018, près de vingt opérateurs étaient déjà connectés : Cecurity.com, Coffreo, Digiposte, Open Bee, Securibox… Et une douzaine devraient être "prochainement reconnus" : AM Trust, Locarchives, Nibelis… "Cette liste est évolutive", indique le ministère du Travail.
Mais Emmanuel Cudry pointe plusieurs limites de la plateforme dédiée au compte personnel d’activité : "Aujourd’hui, il n’y a pas de contrôle sur la fiabilité et la qualité des opérateurs, ni sur la façon dont ils garantissent les attendus fixés par la loi Travail. Une autre limite ? La plateforme ne permet pas d’accéder à des documents comme les contrats de travail. Par ailleurs, ce document est particulièrement complexe à dématérialiser, car il suppose une maîtrise technologique et juridique pour bien orchestrer les phases de signature électronique des deux parties contractantes, employeur et employé. Ces phases sont clé, car il y a de forts enjeux en cas de litige entre les parties".
Coûts associés et norme NF Z42-020
Si l’on s’en tient aux opérateurs "reconnus" et ceux en passe de l’être par le ministère du Travail, on compte une petite trentaine d’acteurs sur le marché français du CFN. Certains d’entre eux sont présents sur le secteur de la confiance numérique au sens large : copie fiable, facture électronique, contrats dématérialisés, etc.
"Les entreprises qui souhaitent mettre en place un CFN peuvent se tourner vers un prestataire ou bien acheter une solution. Dans les deux cas, il est important que la norme Afnor NF Z42-020 soit respectée", rappelle Santiago Ferrer. "Les entreprises doivent également être conscientes des coûts associés à la mise en place de la solution et s’assurer que le CFN choisi respecte les principes d’intégrité dans le temps et de réversibilité. Le coût total dépend évidemment du nombre de salariés et du volume de documents conservés et des services associés. Il faut enfin éviter les amalgames : un coffre-fort numérique n’est pas l’équivalent d’un système d’archivage électronique !"
Parmi les spécialistes du coffre-fort numérique, certains mettent en avant leurs atouts en matière de confiance numérique. C’est le cas de Cecurity.com qui propose un coffre-fort numérique chiffré en ligne pour l’archivage à valeur probatoire. Cet éditeur qui conçoit et développe ses solutions en France fut le premier à obtenir le label CFN délivré par la Cnil en 2016. Il peut également se prévaloir de quatre autres labels ou certifications (Afnor, FNTC, Certification TI, France Cyber Security) et se présente comme "la société la plus labélisée sur le marché des coffres-forts numériques".
+ repère
Depuis la loi El Khomry, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, les employeurs peuvent dématérialiser le bulletin de paie sans avoir à recueillir l’accord des salariés. Ces derniers peuvent toutefois s’y opposer en notifiant formellement leur désaccord.
Si votre employeur a opté pour le bulletin de paie électronique, vous pouvez désormais y accéder via la plateforme CPA. Après avoir ouvert un compte, vous devez cliquer sur la rubrique "Mes bulletins de salaire dématérialisés" (menu de gauche) et vous connecter avec l’identifiant et le mot de passe fournis par votre employeur ou l’opérateur de votre coffre-fort numérique.
Si vous avez changé d’employeur ou si votre employeur a changé d’opérateur CFN, vous devez répéter la même opération puis vous connecter aux différents opérateurs qui conservent vos bulletins de paie. Sous condition que votre opérateur CFN soit « reconnu » par la plateforme CPA. La liste des opérateurs reconnus est régulièrement mise à jour sur la plateforme du compte personnel d’activité.
En cas de fermeture d’un prestataire
Que faire si votre opérateur CFN cesse ses activités ? Celui-ci doit vous informer au moins trois mois avant la fermeture du service : profitez de ce délai pour rapatrier l’intégralité de vos documents. Le décret précise que vous pouvez procéder à cette récupération "sans manipulation complexe et répétitive" et "dans un format électronique structuré et couramment utilisé".
Le Code du travail précise enfin que l’employeur doit garantir la disponibilité des bulletins de paie électroniques pendant une durée de 50 ans ou jusqu’aux 70 ans du salarié.