Rappelons-nous : en avril 2023, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) confiait une mission sur la science ouverte et le droit d'auteur à Maxime Boutron (président de la mission), maître des requêtes au Conseil d'Etat, et à Alexandre Trémolière (rapporteur), maître des requêtes au Conseil d'Etat. Cette mission a publié ses conclusions dans un rapport présenté lors de la réunion plénière du CSPLA en décembre 2023 et rendu public début mars 2024.
Dans un contexte d’enjeu d’ouverture et d’accès aux publications scientifiques, ce dossier s’est développé autour d'une triple analyse : le cadre juridique existant en matière de politiques de “science ouverte” concernant la publication d’articles scientifiques, les propositions d’évolution de ce cadre en France et au sein de l’Union européenne, ainsi les conséquences de ces évolutions sur le droit d’auteur.
Le cadre législatif
Dans la première partie du rapport, les auteurs se sont penchés sur les différents modèles de publications scientifiques en matière de science ouverte et sur leur viabilité. Deux schémas sont mis en avant :
"Cette analyse met en lumière que la « voie verte » (édition dans une revue puis, après un délai d’embargo, versement dans une archive ouverte au public gratuitement) et la « voie dorée » (accès ouvert natif grâce à un financement de l’édition par l’auteur) sont respectueuses des intérêts du scientifique-auteur, et apparaissent soutenables au gré de l’évolution de ce secteur", indiquent les auteurs de ce rapport.
Un cadre juridique pour protéger les scientifiques-auteurs
Dans la seconde partie du rapport, la mission invite à orienter la réflexion vers un encadrement juridique plus précis des modèles à travers 16 recommandations formulées auprès des parties prenantes (professionnels de l’édition scientifique et pouvoirs publics).
Elles se concrétisent par des mécanismes juridiques visant à concilier les impératifs d’une diffusion large de la science et de la connaissance dans le contexte du numérique, tout en respectant les principes fondamentaux du droit d’auteur, notamment avec les recommandations 2 et 3 :
- Inscrire la réflexion sur le droit d’auteur de manière indissociable dans la
réflexion d’ensemble sur les évolutions de la science, de ses modes de diffusion, d’évaluation et de financement ;
- Intégrer dans la démarche d’intégrité scientifique les caractéristiques et enjeux
liés au droit d’auteur.
Le rapport précise en conclusion que "faute de cet encadrement juridique suffisant, clair et
ferme, le risque est grand d’une captation abusive de tous les écrits scientifiques par les
grandes plateformes". Elle alerte d'ailleurs que ces plateformes, qui tirent une grande partie de leurs bénéfices grâce à leurs recettes publicitaires, pourraient bientôt développer des
"modèles d’intelligence artificielle sans aucune garantie de qualité scientifique des données
sources et de juste rémunération des scientifiques-auteurs".