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IA et bibliothèques : les cas d’usage

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    Que ce soit pour l’accessibilité des ressources, le fonctionnement des services ou encore pour améliorer l’expérience de recherche des usagers, les opportunités offertes par l’IA en bibliothèque sont nombreuses. (Freepik/Usuma_136)
  • Si les bibliothèques n’en sont pas à leur première révolution technologique, la démocratisation des intelligences artificielles questionne les pratiques des professionnels : comment s’en emparer et quel rôle jouer dans cette révolution ? Réponses.

    enlightened RETROUVEZ CET ARTICLE ET PLUS ENCORE DANS NOTRE GUIDE PRATIQUE : IA GÉNÉRATIVE : L'UTILISER DANS SES PROJETS PROFESSIONNELS
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    "Quand ChatGPT est sorti, nous l’avons testé en nous demandant s’il pourrait être utile aux bibliothèques. Nous n’en avions aucune idée". Cette réflexion d’Yves Maurer, responsable informatique et innovation de la Bibliothèque nationale du Luxembourg (BNL), lors du reportage réalisé par Archimag sur le chatbot à base d’intelligence artificielle (IA) déployé par l’institution, résume à elle seule les interrogations que soulèvent les IA génératives auprès des professionnels des bibliothèques. Car les bibliothécaires mesurent déjà le risque de fracture qui se dessine entre ceux qui se seront acculturés et formés pour appréhender ces nouveaux outils et les autres.

    IA : 9 cas d’usage en bibliothèque

    Voici 9 cas d’usage des IA au sein des bibliothèques qui illustrent les multiples façons dont les professionnels peuvent s’emparer de ces technologies pour en tirer profit : 

    Aide à la compréhension et à l’exploitation des collections : en la matière, les projets de recherche sont nombreux. Citons par exemple le projet GallicaEnv (lancé en 2021, il a pour objectif d’étudier l’émergence et la viralité de la notion d’environnement au sein des collections de Gallica afin de construire un corpus thématique à l’aide d’une IA, d’enrichir les métadonnées et de développer une méthodologie de recherche sémantique), ou encore le projet GallicaPix (un outil de recherche iconographique porté par l’IA lancé en 2021 et codéveloppé par Gallica avec le laboratoire L3i de l’Université de La Rochelle),

    Conservation préventive : le projet Dalgocol (Fouille de données et algorithmes de prédiction de l’état des collections) est un projet de thèse lancé en 2018 qui ambitionne d’aider à la gestion sanitaire des collections grâce à des dispositifs prédictifs. En croisant l’ensemble des données de conservation-restauration des collections de la BnF, il vise à en dresser une cartographie et à développer des outils pour guider les professionnels de la conservation,

    Chatbot : citons le projet développé à la BNL (cité plus haut) ou encore le projet Litté_Bot, proposé sur le site Richelieu de la BnF en 2022. Il s’agit d’un "chatbot littéraire" permettant de dialoguer avec le personnage de Dom Juan qui s’appuie sur l’IA et une base de données élaborée à partir d’un corpus de 400 pièces de théâtre du XVIIe siècle,

    Recommandation personnalisée : c’est l’objet du projet WorldCat Find d’OCLC, lancé en 2023, qui expérimente un module de recommandation basé sur l’IA sur le site worldcat.org ainsi que sur l’application mobile WorldCat Find. Les recommandations s’appuient sur les auteurs, les titres, mais aussi les sujets concernés par la requête,

    Lire aussi : Comment maîtriser les IA génératives : l'art de rédiger des prompts

    Formation d’étudiants en BU : le "patient virtuel dialoguant" est un serious game développé en 2015 par le Limsi (ex-Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique) du CNRS - Université Paris-Saclay visant à former les étudiants en médecine grâce à un système de dialogue qui simule un patient lors d’une consultation médicale,

    Ouverture des services de données scientifiques : interconnecter et organiser les métadonnées ouvertes nationales et internationales grâce à l’IA dans toutes les disciplines afin de les rendre trouvables, accessibles, interopérables et à valeur ajoutée est l’ambition du projet Connectôme, lancé en 2020 et mis en œuvre en 2022 par le réseau national suisse de recherche et d’éducation,

    Indexation automatique et recherche bibliographique : le projet Issa, piloté depuis 2020 par le Cirad en partenariat avec l’Inria Sophia Antipolis-Méditerranée et l’IMT Mines Alès, s’appuie sur l’indexation sémantique automatique des publications d’une archive ouverte pour offrir aux chercheurs des outils leur permettant de les explorer plus facilement. Le projet Issa 2, lancé en 2021, propose une méthode pour l’exploration des données disponibles dans une archive ouverte afin d’extraire et d’exploiter des connaissances nouvelles avec un objectif bibliométrique et de proposer des services aux chercheurs et aux documentalistes,

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    Légende : Les professionnels des bibliothèques ont un rôle fondamental à jouer pour accompagner leurs usagers dans une utilisation responsable des IA. (Wichayada/Freepik)

    Exploration d’un corpus de sources : le Rag (Retrieval Augmented Generation) est une IA générative conversationnelle qui permet d’interagir (résumé, recherche de concept, réponse à des questions précises, etc.) avec un corpus délimité (document, ensemble de documents, fonds d’archive...). "Bonus non négligeable, un Rag est en principe capable de citer ses sources, c’est-à-dire de lister précisément les documents du corpus sur lesquels il s’est basé pour répondre, voire de fournir des extraits et des citations", explique Emmanuelle Bermès, archiviste paléographe et conservatrice générale des bibliothèques, actuellement maîtresse de conférences à l’École nationale des chartes et responsable pédagogique du master Technologies numériques appliquées à l’histoire (TNAH),

    Production de contenus : les outils d’IA générative présentés dans le guide pratique numéro 77 d'Archimag permettent aux professionnels d’innover dans leurs missions de médiation ou de communication en produisant des contenus textuels ou visuels afin d’alimenter les présentations d’ateliers, le site web ou encore les réseaux sociaux de leur établissement.

    Ces différents cas d’usage offrent un aperçu des opportunités que représente l’IA pour les bibliothèques, sans parler des innovations qu’elle pourrait proposer pour la gestion des collections, pour personnaliser les services aux usagers ou si les éditeurs de SIGB s’en emparaient pour enrichir leurs outils de nouvelles fonctionnalités (ce qui n’est pas encore le cas).

    Médiation et formation

    "Peu importe l’arrivée explosive de systèmes d’IA générative toujours plus performants, les mêmes questions se posent", écrivait Élisabeth Lavigueur, présidente fondatrice d’Infocyble, experte en sciences de l’information et correspondante d’Archimag à Montréal dans notre numéro d’avril 2024 ; "quelles sont la qualité et la fiabilité du corpus entraîné ? Sur quels critères qualifier les résultats et valider leur exploitation ? Plus que jamais, l’analyse et la stratégie demeurent des inconditionnels".

    Lire aussi : IA générative : comment utiliser les grands modèles de langage au quotidien

    En plus de ses apports, l’IA pose de sérieux défis éthiques, informationnels, sociaux et professionnels. Qu’ils travaillent auprès d’étudiants ou de publics plus variés, les bibliothécaires doivent accompagner leurs usagers face à ces enjeux, notamment sur le fonctionnement des modèles d’IA générative existants ou sur les risques de désinformation.

    "Les bibliothèques ne peuvent pas ignorer les IA, qui, sous les feux de la rampe, se démocratisent largement", confirmait Christine Carrier, directrice générale de la Bibliothèque publique d’information (BPI) en ouverture de la journée d’étude Éducation aux médias et à l’information (EMI). "Les bibliothèques sont-elles prêtes pour l’intelligence artificielle ?" du 7 novembre 2023. "Dans la perspective de l’EMI, les bibliothèques ont tout intérêt à intégrer les IA comme un outil privilégié de recherche d’information, car elle est déjà utilisée par de nombreuses personnes, informées ou en quête d’information". 

    Relayant les propos de Daniela Ziegler, bibliothécaire formatrice au Centre Hospitalier de l’Université de Montréal (Chum) et qui s’intéresse particulièrement aux technologies d’IA, Élisabeth Lavigueur indiquait également dans ce même article d’Archimag : "Daniela Ziegler souligne que nous, bibliothécaires, avons un rôle de formation et d’éducation fondamental. [...] Ce dernier est crucial dans le développement des outils d’IA [...], car il est toujours plus facile de former dès le début les usagers à une utilisation responsable de ces puissants outils. Il est primordial de prendre notre place, puisque nous connaissons le mieux l’information sous toutes ses formes et à toutes les étapes de la chaîne documentaire".

    Lire aussi : Enquête sur l'IA générative : un professionnel de l’information sur deux l’utilise déjà

    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".
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