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Collections numériques : ce que l’offre demande en médiation

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    Faire connaître les collections numériques en médiathèque passe par une médiation active : animations, campagnes sur les réseaux sociaux et formations adaptées pour valoriser les ressources et en faciliter l’appropriation (Freepik).
  • Informer, donner accès et valoriser : voilà les bases de la médiation des collections numériques. Très bien, mais les bibliothécaires doivent aussi prendre en compte les questions de plateformes et de matériels. Exemples en médiathèques, l’une municipale, l’autre départementale. Sous le regard expert de Lionel Dujol.

    enlightenedCET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°379
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    Malaise dans les bibliothèques à propos des ressources numériques. L’ABF, l’ABD, l’ADBGV et Réseau Carel l’expriment dans une lettre ouverte publiée le 1er octobre dernier et titrée "Pour une offre numérique adaptée et de qualité en bibliothèque publique". Où l’on comprend que les bibliothèques voudraient bien faire leur travail de médiation, mais s’estiment empêchées par différentes contraintes, à commencer par l’offre et les budgets.

    Dur contexte pour les bibliothécaires, prêts à mettre en œuvre une médiation selon une méthodologie bien rodée. Celle-ci repose sur trois axes : informer, proposer des moyens d’accès et former à leur utilisation, valoriser les collections numériques seules ou dans une dynamique avec les collections physiques.

    Mais de quoi les collections numériques sont-elles faites ? D’une médiathèque à l’autre, l’offre varie ; hors les murs, les périmètres des établissements municipaux et départementaux s’imbriquent.

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    La lecture numérique

    vincent_faucompre_mediation_collections_numeriques.jpgPremier exemple avec le réseau des bibliothèques de Tours (Indre-et-Loire), dont Vincent Faucompré est le référent numérique. D’une part, le réseau prête des liseuses (18 Kobo et une petite dizaine de Sony vieillissantes).

    Il y a trois cents documents chargés sur les Kobo et chaque année, une quarantaine de nouveaux documents sont achetés et chargés. Le prêt est accordé pour 4 semaines et on estime que le service donne plutôt satisfaction.

    D’autre part, il propose "Nomade", un service de bibliothèque numérique piloté en partenariat avec le département. L’on y trouve des films en streaming, de l’autoformation et du soutien scolaire, des livres numériques à télécharger et de la presse en ligne, ainsi que Munki, un service de livres audio pour les enfants. "Avec la lecture numérique, l’idée est d’apporter un complément d’accès au texte physique ; c’est une possibilité en plus d’accéder à du texte", précise Vincent Faucompré.

    Adapter les ressources numériques

    julia_morineau_eboli_collections_numeriques.pngAutre exemple avec la médiathèque départementale de Haute-Loire (43), dont Julia Morineau-Eboli est la directrice (elle est aussi coresponsable de la commission numérique de l’ABF). "En pratique, en médiathèque départementale (MD), une collection numérique se traduit souvent par l’adoption d’une plateforme commerciale soumise à des contraintes budgétaires et à une offre faite de bouquets", observe-t-elle.

    En Haute-Loire, la plateforme "@ltithèque", tournée vers le public, côtoie le site de la MD qui est l’outil des professionnels et bénévoles du réseau. Le panel de contenus y est large : cinéma en VOD, musique, livre en streaming ou téléchargement (PNB), autoformation, presse et magazines, partothèque. Quant au prêt de liseuses, avec présélection, il reste compliqué : il faut individualiser les supports avec un compte, et à la restitution tout est perdu. "Dans les faits, beaucoup d’utilisateurs sont équipés", constate Julia Morineau-Eboli. "Même si, dans un milieu rural, il faut tenir compte de problèmes de connexion."

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    Un enjeu de communication

    Tout ceci avec quelle médiation ? À Tours, des ateliers sont organisés pour former les utilisateurs et faire découvrir les ressources numériques sur Nomade. Sans grand succès. La médiation se révèle plus fructueuse lorsque Nomade est présenté à l’occasion d’autres ateliers. Parallèlement, ont été mis en place un compte Instagram qui fait la promotion du service et une adresse e-mail dédiée aux questions numériques (avec réponses personnalisées par e-mail ou par téléphone).

    D’autre part, il y a un connecteur entre Nomade et le catalogue de la bibliothèque : ce catalogue est présent sur le portail de la bibliothèque et moissonne Nomade. La visibilité consiste aussi en des flyers équipés d’un QR code qui renvoie vers la plateforme. Des marque-pages sont également édités par le département et on étudie la mise à disposition de fantômes, car cette rematérialisation marche plutôt bien.

    Médiation par la plateforme

    enquete_mediation_des_collections_numeriques_dessin_vince.jpgInformer, proposer, valoriser ? "Le prestataire le fait très bien", estime Julia Morineau-Eboli. Ainsi, recourir à une plateforme, c’est prendre la médiation proposée avec ; un choix qui tient compte de la petitesse de l’équipe à disposition - "si on devait faire la médiation de tout, tous seuls, on aurait du mal" - et des limites du budget de fonctionnement.

    Chaque bibliothécaire peut valoriser son propre coup de cœur sur la plateforme. Celle-ci génère une lettre de diffusion, tandis que sur le terrain sont montrés des affiches, des kakémonos, et que l’on distribue des flyers. Résultat : la plateforme affiche un bon niveau de statistiques.

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    Former les bibliothécaires

    Mais la médiation ne va pas de soi et suppose une formation du personnel. Vincent Faucompré en a pleinement conscience. Les bibliothécaires doivent être en possession des informations sur les collections numériques de tous supports, en matière de contenus et de fonctionnalités.

    "Il faut encourager chez les bibliothécaires des réflexes de communication pour le public", insiste le référent. Par exemple, quarante personnes sont sur la file d’attente pour le prêt du dernier prix Goncourt qui n’existe qu’en six exemplaires à la bibliothèque : c’est l’occasion de les orienter sur Nomade.

    En médiathèque départementale, la formation s’opère dans un contexte particulier. En Haute-Loire, 87 % des personnes y sont des bénévoles, pour 7 % de salariés non-bibliothécaires (agents de mairie, de poste…) et 6 % seulement de professionnels. "L’enjeu de transmission et de professionnalisation s’avère d’autant plus nécessaire", reconnaît Julia Morineau-Eboli.

    L’avis de Lionel Dujol : la valeur ajoutée du bibliothécaire

    lionel_dujol_collections_numeriques_2.jpeg"Faire de la médiation des ressources numérique, c’est compliqué", lance Lionel Dujol, chargé de mission stratégie numérique à Valence Romans Agglomération et maître de conférences associé Médiat Rhône-Alpes, Université Grenoble Alpes.

    Il y a des contraintes techniques et la question du choix des ressources numériques. Celle-ci est plutôt portée par la personne chargée de ce type de ressources, sans inclure forcément les autres professionnels. Lionel Dujol le déplore : "on n’intègre pas de dimension managériale des ressources numériques en direction des équipes pour qu’elles-mêmes connaissent la pertinence des choix".

    Pour lui, une stratégie de médiation doit répondre aux questions : des ressources numériques pour quoi ? Pour qui ? Soit quel complément apporter aux collections physiques et avec quelle politique documentaire. Avec en arrière plan des budgets à surveiller.

    Certes, une plateforme génère une certaine médiation, mais il faut donner de la visibilité dans l’espace de la bibliothèque, une rematérialisation qui suppose d’impliquer les bibliothécaires.

    Avec, en arrière-plan, la question de la valeur ajoutée du bibliothécaire. Dans une société qui se dématérialise, avec une "plateformisation" de la culture, on attend des conseils : cette valeur, la bibliothèque peut toujours l’apporter.

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