Article réservé aux abonnés Archimag.com

Les réglementations du numérique responsable

  • les-reglementations-numerique-responsable.jpg

    Les-reglementations-numerique-responsable
    Pour bénéficier de la réduction de la taxe intérieure de consommation finale d’électricité (TICFE), les data centers sont tenus de respecter un certain nombre de conditionnalités environnementales. (Rorozoa/Freepik)
  • En France et en Europe, le législateur s'est emparé des enjeux environnementaux du numérique. Voici un panorama, large mais non exhaustif, des principales réglementations en vigueur concernant la fabrication des matériels, l'écoconception, la réduction de l'obsolescence technologique, la consommation de données, les data centers, la décarbonation de la filière numérique et la responsabilité des collectivités territoriales. 

    enlightenedCET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°375
    mail Découvrez toutes les newsletters thématiques gratuites d'Archimag dédiées aux professionnels de la transformation numérique, des bibliothèques, des archives, de la veille et de la documentation.


    Bien que récentes, les réglementations cherchent à aborder tous les aspects du numérique responsable. En France, deux lois se complètent pour encadrer la démarche : 

    - la loi Agec (loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire) du 10 février 2020 ;
    - la loi Reen (loi visant à Réduire l’empreinte environnementale du numérique) du 15 novembre 2021.

    Lire aussi : Digitalisation responsable : la marche à suivre

    Fabrication des matériels

    Dans ces deux textes, nombre de dispositifs portent sur la phase de fabrication des matériels (et par extension sur la phase de leur renouvellement), au regard de son enjeu très important dans le bilan environnemental global du secteur. Bien que cet article ait pris le parti de ne pas être centré sur ce volet, il convient néanmoins de souligner les principaux points de ces deux lois : 

    • le développement de l’indice de réparabilité, puis de l’indice de durabilité dès 2024, incluant la fiabilité et la robustesse ;
    • la pénalisation de l’obsolescence programmée des matériels ;
    • le soutien aux filières de reconditionnement et du réemploi ;
    • le renforcement des informations demandées (métaux précieux, terres rares, matières recyclées, ressources renouvelables, etc.) ;
    • l’extension de la garantie de 6 mois en cas de réparation ;
    • la disponibilité des pièces détachées pendant 5 ans ;
    • la récupération des stocks dormants (comme celui des téléphones mobiles, qui représentent quelques dizaines de millions d’unités en France), etc.

    Les textes proposent aussi des dispositifs encadrant la phase d’usage des matériels, que cet article aborde donc plus largement. 

    Écoconception

    La loi Reen a permis la création d’un Référentiel d’écoconception des services numériques (RGESN) fixant des critères de conception durable des sites web et permettant la réalisation d’un diagnostic à l’aide de questions selon différentes catégories (stratégie, spécifications, architecture, UX/UI, contenus, frontend, backend, hébergement). Aucun label ni certificat n’est pour l’instant prévu : il s’agit de promouvoir une démarche volontaire.

    Lire aussi : ll existe désormais un référentiel pour l'écoconception des services numériques

    Les achats publics sont tenus de favoriser le recours à des logiciels écoconçus en référence à ce document, qui fait lui-même écho à des techniques d’écoconception des sites web, comme celles recensées par le collectif Green IT.

    Réduire l’obsolescence technologique

    De leur côté, les fabricants et vendeurs de biens numériques sont dorénavant tenus de communiquer la durée au cours de laquelle les mises à jour des logiciels fournis lors de l’achat du bien restent compatibles avec un usage de l’appareil, en vue de réduire l’obsolescence technologique. Ce dispositif s’articule avec l’interdiction de l’obsolescence programmée des logiciels, comme celle des matériels mentionnée plus haut.

    Consommation de données

    Depuis 2022, les fournisseurs d’accès internet doivent informer leurs clients de la quantité de données consommées et de l’équivalent en gaz à effet de serre (GES), suivant une méthode fournie par l’Ademe.

    Par ailleurs, le CSA est tenu de publier une recommandation sur l’information sur l’empreinte environnementale de la vidéo en ligne, et les opérateurs de communications électroniques doivent quant à eux publier leurs engagements environnementaux.

    Data centers

    Du côté des data centers, la loi de finances 2021 renforce, depuis son application au 1er janvier 2022, les conditionnalités environnementales de la réduction de la taxe intérieure de consommation finale d’électricité (TICFE) qui leur est applicable. Désormais, l’éligibilité requiert l’adoption d’un système de management de l’énergie ISO 50001. En sus, le centre de données est tenu d’adhérer à un programme de bonnes pratiques incluant par exemple le free cooling, des mesures de réutilisation de la chaleur fatale ou de réduction de consommation d’eau à des fins de refroidissement.

    Lire aussi : Alexandre Monnin : "La sobriété numérique est l'un des axes majeurs de la redirection écologique”

    L’adhésion au Code de conduite européen pour les data centers ("European code of conduct for energy efficiency in data centres") répond au second critère d’éligibilité à la réduction de la TICFE. Piloté par la Commission européenne, ce référentiel définit 158 bonnes pratiques. Il centre la mesure du progrès sur le "power utilisation effectiveness" (PUE), qui est le ratio entre l’électricité totale consommée par le centre et celle alimentant les serveurs. En Europe, sa moyenne est d’1,6 ; l’objectif est, autant que possible, de le faire décroitre vers 1.

    Un autre indicateur dont l’usage se répand est le ratio “water utilisation effectiveness” (WUE, en L/kWh) entre la quantité d’eau consommée et l’énergie totale utilisée par le centre.

    Décarbonation de la filière numérique

    Dans le cadre de la loi Climat et résilience d’août 2021, le numérique fera l’objet d’une feuille de route de décarbonation, comme le sont les autres secteurs fortement émetteurs de GES. Une première version de cette feuille de route a été adressée par la filière en juillet 2023 aux pouvoirs publics. 

    Cette proposition contribuera à l’élaboration d’un objectif d’évolution de l’empreinte carbone du numérique et d’un plan d’action associé dans le cadre de la prochaine Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), qui constitue la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. 

    Stratégie pour les collectivités territoriales

    Dans l’objectif de responsabiliser l’ensemble des acteurs du numérique sur les enjeux de la pollution engendrée par le numérique, la loi Reen comprend cinq objectifs, dont le dernier concerne les collectivités territoriales. Son article 35 dispose notamment que les communes de plus de 50 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50000 habitants étaient tenus, avant le 1er janvier 2023, de définir un programme de travail préalable à l’élaboration d’une stratégie numérique responsable attendue à partir de 2025. 

    Lire aussi : Alerte sur l’impact environnemental du numérique

    Les objectifs qui peuvent relever d’une telle stratégie ont été précisés par son décret d’application du 29 juillet 2022 : elle peut concerner la commande publique, la gestion du cycle de vie du matériel informatique, l’écoconception des sites et services numériques, la sensibilisation ou même l’open data et l’inclusion numérique. 

    Au niveau européen

    En Europe, la démarche de responsabilisation du numérique est intégrée dans la dynamique de décarbonation de l’économie encadrée par le Pacte vert pour l’Europe (European green deal). Le cadre de reporting de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive, applicable en 2025) inclura les impacts liés au numérique dans les informations que les entreprises devront communiquer sur différents indicateurs environnementaux et sociaux, dont le climat.

    La Taxonomie européenne sur les activités soutenables (janvier 2022), texte central pour le Pacte vert, car listant les secteurs et technologies œuvrant aux ambitions environnementales de l’Europe, aborde le secteur de l’information et de la communication : ce volet repose pour le moment sur la seule adéquation des centres de données au Code de conduite européen pour les data centers (détaillé plus haut). De futurs travaux devraient toutefois étendre le champ de la taxonomie à d’autres aspects du numérique responsable.

    Lire aussi : La moitié des salariés n'a jamais entendu parler du numérique responsable

    De plus, la directive européenne dite d’écoconception (ou ErP pour energy-related products) établit des exigences d’écoconception sur certains produits dont, s’agissant du secteur numérique, les écrans, les ordinateurs, les décodeurs numériques, les serveurs et les produits de stockage de données. Un nouveau règlement d’application pour l’écoconception des terminaux (smartphones et tablettes) a été adopté en 2022 et inclut l’indice de réparabilité, inspiré du dispositif français.
     

    Cet article vous intéresse? Retrouvez-le en intégralité dans le magazine Archimag !
    bibliotheques comment faire (re)venir publics
    Si fréquentation ne rime pas toujours avec inscription, force est de constater que les bibliothèques de prêt font face au déclin constant de leur nombre d’usagers et à de fortes disparités d’affluence selon les territoires et les publics. De leur côté, les BU regardent leurs chiffres d’avant Covid avec envie. Engagées dans une véritable reconquête, les bibliothèques rivalisent d’initiatives pour attirer les publics.
    Acheter ce numéro  ou  Abonnez-vous
    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.
    Publicité