CET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°380
Au sommaire :
- Dossier : IA et patrimoine : les professionnels témoignent
- Université de Montréal : l'IA pour déchiffrer des documents manuscrits
- ChamDoc : l'IA pour traduire une langue en voie de disparition
- Au musée de l'Armée, l'IA valorise les archives de la Libération
- L'IA en mode majeur à la Philharmonie de Paris
- SNCF : un chatbot embarque les visiteurs sur les rails du patrimoine
- Ina : l’IA au service de la découverte du patrimoine audiovisuel français
- Quel avenir pour le patrimoine culturel à l'ère de l'intelligence artificielle ?
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À leur arrivée en gare pour les visites organisées partout en France lors des Journées européennes du patrimoine (JEP) 2023, les visiteurs ont pu flasher des QR codes, puis poser des questions à un chatbot. « À quelle date a été mis en marche le premier TGV ? »… « Que peux-tu me dire sur l’histoire des femmes à la SNCF ? » ...
L’agent conversationnel Picasso X 3800 a réponse à tout. Il porte le même surnom, « Picasso », que celui attribué par les cheminots à la série d’autorails X 3800, élaborée par les bureaux d’études de la SNCF au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Quoi de mieux comme patronyme, pour un chatbot destiné à accompagner les publics dans leur quête historique, que celui d’un engin qui a transporté les voyageurs de 1950 à 1988 sur toutes les petites lignes de chemin de fer du réseau national ?
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Un corpus propre à la SNCF pour nourrir l’IA
Disponible sur patrimoine.sncf.com, cet agent conversationnel rend accessibles 200 ans d’histoire ferroviaire et de la SNCF. Il est le fruit d’un projet de valorisation des archives et du patrimoine entamé en 2023 par Florence Brachet-Champsaur, directrice du service Culture, patrimoine et politique mémorielle pour le groupe SNCF, où elle travaille depuis six ans, en collaboration avec l’éditeur de solutions d’intelligence artificielle AskMona. « Nous connaissions le positionnement particulier d’AskMona, spécialisé dans l’utilisation de l’IA dans les industries culturelles et créatives », explique Florence Brachet-Champsaur. « C’était le partenaire légitime pour ce projet ».
La SNCF détient un fonds documentaire riche de 50 kilomètres d’archives historiques et plus de 450 000 photographies conservées par le Service Archives et Documentation (SARDO). « À partir de ce matériel, nous avons constitué un corpus propre à la SNCF pour nourrir l’IA générative et garantir une dimension scientifique au projet », explique Florence Brachet-Champsaur. « Nous souhaitions absolument éviter les hallucinations ».
Marie-Noëlle Polino, référente Patrimoine et histoire d’entreprise de la SNCF, et Florence Brachet-Champsaur ont sélectionné et traité les archives pour constituer et écrire le corpus de données, tandis que trois experts d’AskMona ont géré les aspects techniques. Après une courte formation, le binôme de la SNCF a pu entraîner son LLM (modèle de langage) en intégrant les données du corpus.
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Valoriser, c'est aussi rendre le patrimoine accessible
Suite au lancement de Picasso, à l’occasion des JEP 2023, AskMona a suggéré des améliorations de l’IA afin d’augmenter le nombre de ses utilisateurs. La principale difficulté résidait dans la constitution du corpus à partir d’un grand nombre d’archives et la configuration du chatbot, qui ne comprenait pas les relances ou les questions indirectes. Selon les porteuses du projet, « la clé a été de s’adapter en optant pour un système semi-ouvert qui permet une conversation plus riche ». Lors des JEP 2024, le chatbot a rencontré un bel engouement avec près de 3 000 requêtes. 17 % des utilisateurs ont même posé plus d’une question.
Et si l’un des enjeux du chatbot Picasso X 3800 est l’accessibilité du grand public, il l’est aussi pour les personnes à mobilité réduite qui ne peuvent pas toujours profiter des visites. « L’accessibilité est une dimension essentielle de la valorisation du patrimoine par le numérique », précise Florence Brachet-Champsaur. « Il ne s’agit pas d’innover pour innover, mais de rendre le patrimoine réellement accessible à tous ».
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Le témoignage de la professionnelle
Florence Brachet-Champsaur aborde son métier différemment depuis que les technologies s’imposent de plus en plus au sein de la SNCF. Elles constituent pour elle une nouvelle opportunité de relier valorisation du patrimoine et projets d’entreprise.
« L’innovation numérique est devenue essentielle pour que le patrimoine devienne un projet partagé », explique-t-elle, en s’appuyant sur un autre exemple de collaboration, avec la start-up Lumeen, qui a valorisé le patrimoine du Train Jaune via un film en 360° diffusé en Ehpad. De quoi renforcer l’impact et l’inclusivité de son métier dans la préservation du patrimoine.