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Archives électroniques : les départements dans l'expectative

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    Archives électroniques : les départements dans l'expectative
    Archives électroniques : les départements dans l'expectative (Pixabay).
  • Faute de visibilité suffisante sur les prochaines étapes de la réforme territoriale et les réglementations à venir, de nombreux projets départementaux ou régionaux d'archivage électronique sont en « stand-by » ou s'interrogent sur leur devenir. Décryptage des enjeux.

    Nous avons tous en tête un bâtiment, plus ou moins récent, abritant des archives départementales : le nouvel espace « à énergie positive » dédié aux archives départementales du Nord, à Lille, la grande tour des archives départementales de Seine-Maritime, à Rouen, ou le très futuriste centre des archives de Paris (porte des Lillas), construit en 1989 par les architectes Henri et Bruno Gaudin... Qu'en est-il des systèmes d'archivage électronique et des sites internet de ces mêmes institutions ? Las, si les progrès sont notables, notamment à Paris ou dans le Doubs, les plateformes électroniques lancées par les archives départementales restent pour la plupart relativement méconnues des citoyens en quête de registres paroissiaux, de registres d'état civil ou de plans et de photographies historiques disponibles au format électronique...

    « Le processus d'adoption des systèmes d'archivage électronique dans les départements est très lent », reconnaît Alexis Moisdon, directeur général de l'éditeur Naoned, à l'origine du logiciel de valorisation du patrimoine Mnesys, destiné aux services d’archives publics (archives départementales, archives municipales, archives régionales, ministères, établissements publics, bibliothèques municipales et universitaires…).

    Pourquoi cette « apathie » ? « Il y a plusieurs raisons, explique-t-il. La première est liée aux contraintes budgétaires, avec des coupes assez importantes dans les investissements informatiques des collectivités. La seconde a trait à l'absence de visibilité des acteurs locaux sur la réforme territoriale, qui devrait aussi avoir un impact sur les priorités données aux archives départementales. Et la troisième résulte du doute généré par la volonté du législateur d'encourager la mutualisation. Beaucoup d'élus se disent en effet qu'ils vont attendre de voir ce que décidera le voisin pour éventuellement travailler avec lui ».

    Mutualisation des moyens

    Il convient pourtant de relativiser ce climat attentiste. En septembre 2014, dans le cadre du lancement d'un appel à projets AD-Essor visant à soutenir et encourager la mise en place de systèmes d'archivage numériques, le Service interministériel des archives de France (Siaf), estimait que 43 services territoriaux d'archives avaient déjà engagé « des actions visant à mettre en place ou à déployer des plateformes d'archivage numérique dans un contexte soit d'archivage intermédiaire, soit d'archivage définitif et, dans certains cas, recourant à des dispositifs de mutualisation (périmètre de la région, du département, en direction des communes et groupements de communes) ». Elles s'appuient, principalement, sur la solution Mnesys de Naoned Systèmes, le système mutualisé d'archivage électronique Marine édité par Sicem (fruit d'un partenariat entre les conseils généraux de l'Aube et des Yvelines), et le logiciel X-Sacha développé par une société publique locale (SPL) baptisée X-Demat, à partir de Marine, et soutenue par plusieurs collectivités locales (le conseil général des Ardennes, le conseil général de l'Aisne, la région Champagne-Ardenne). S'y ajoute le système d'archivage électronique Asalae mis au point par l'Adullact, une société coopérative d'intérêt collectif spécialisée dans les « libriciels » destinés aux collectivités territoriales.

    Suite au premier appel à projet, publié en janvier 2014, le Siaf a choisi de soutenir un total de 24 projets portés par des « services d'archives départementales et leur direction informatique, des centres de gestion, des communes ou des groupements de communes ». Parmi eux, onze étaient liés à des dispositifs de mutualisation à l'échelle d'une région, d'un département ou d'un groupement de communes. Mais d'autres portaient aussi sur le développement de connecteurs, le moissonnage automatique de métadonnées ou encore le développement d'une assistance à maîtrise d'ouvrage...

    « La mutualisation est un critère de sélection parmi d'autres », précise Claire Sibille-de Grimoüard, chef du bureau archivage numérique, normes et référentiels au Service interministériel des archives de France. « Le but n'est pas d'aller à terme vers un SAE unique et centralisé », précise-t-elle. D'autant que ces systèmes devront toujours « prendre en compte les modes de production des données spécifiques de la collectivité » et être adaptés localement.

    Interopérabilité

    Mais les recommandations de la Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (Disic) favorisent assez largement les systèmes mutualisés. Au niveau national, les ministères de la Culture et de la Communication, de la Défense et des Affaires étrangères se sont ainsi engagés, dans le cadre du programme interministériel Vitam, à développer un nouveau logiciel open source mutualisé d'archivage numérique. Un logiciel avec lequel les SAE départementaux devront « être compatibles », précise le Siaf dans son dernier appel à projets. Et ce, « afin d'assurer dans les meilleures conditions possibles l'archivage des services déconcentrés de l’État ».

    S'il ne se montre pas inquiet, Alexis Moisdon (Naoned) n'en reste pas moins vigilant : « Toutes nos solutions sont compatibles avec le standard d'échange de données pour l'archivage (Seda), fraîchement normalisé, et nous suivons de très près les évolutions en cours. Le risque serait en effet que les plateformes d'archivage électronique de l'État s'éloignent de ce standard, adopté depuis 2004 par presque tous les éditeurs qui gèrent des archives publiques ».

    Agréments des tiers archiveurs

    Pour les onze tiers-archiveurs actuellement homologués par le Siaf (pour la gestion externalisée d'archives publiques numériques courantes et intermédiaires), l'obtention ou la conservation du précieux agrément est une autre source d'inquiétude. « Je viens d'apprendre que l'État travaille sur sa propre plateforme et je dois dire que je le prends assez mal », explique Renaud Lagrave, vice-président de la région Aquitaine et directeur de l'Alpi (Agence landaise pour l'informatique), une structure départementale de mutualisation des moyens informatiques. Craignant des difficultés de renouvellement de l'agrément obtenu en 2012, qui atteste de la sécurité et de la fiabilité du système Archiland mis à la disposition des collectivités landaises par l'Alpi, ce responsable ne décolère pas. « Nous avons énormément investi pour développer notre propre solution puis obtenir un agrément et proposer une gestion externalisée des archives à nos adhérents explique-t-il. Je regrette que le Siaf ne nous ait pas prévenus plus tôt qu'il allait mettre une autre solution à la disposition de toutes les collectivités ».

    Et le même de déplorer l'absence de moyens consacrés par les Archives nationales pour expliquer à tous les utilisateurs potentiels des SAE, dont les petites communes, les tenants et les aboutissants des nouveaux services d'archivage. Cet effort pédagogique reste indispensable pour sensibiliser les élus. Et les convaincre de se lancer dans cette aventure.

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    + repères

    Le conseil général du Calvados archive dans Alfresco et Mnesys

    « Pragmatique », le conseil général du Calvados s'est récemment orienté vers « une gestion de ses archives électroniques partagée entre Alfresco et Mnesys », indique Alexis Moisdon, directeur général de l'éditeur Naoned. Avec la plateforme de gestion de contenu d'entreprise Alfresco, interfacée à un workflow et un parapheur électronique, cette institution normande gère ses archives courantes et tous ses documents de travail. Mais elle transfère vers Mnesys toutes ses archives intermédiaires et définitives, ainsi que certains flux dématérialisés échangés avec l'État (informations comptables, délibérations...) et des fichiers numérisés « manuellement » par ses agents. L'objectif : archiver toutes les données sur une très longue durée. En toute sécurité.

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