La capitale alsacienne s’est dotée d’un établissement dont les missions dépassent le coeur de métier culturel et patrimonial. Conçue comme un espace de lien social, la médiathèque André Malraux prend acte de l’évolution des pratiques des usagers.
c’est une tendance qui s’affirme en France et à l’étranger : nombre de sites industriels sont convertis en établissements culturels. Après le Musée d’art contemporain de Bordeaux, installé dans un ancien entrepôt dédié aux denrées coloniales, Strasbourg a fait le choix d’un ancien silo à céréales pour y édifier sa médiathèque André Malraux. Inaugurée au mois de septembre dernier, elle offre des lignes épurées que les architectes du Cabinet Ibos-Vitart ont magnifiées avec du métal et du verre. Projet culturel autant qu’ architectural, la médiathèque est désormais le plus grand site de lecture publique de l’Est de la France, avec ses 11800 mètres carrés et 160 000 documents en accès libre. Sa construction ne doit rien au hasard, selon Philippe Specht, le directeur de l’établissement : « Un diagnostic effectué en 2003 avait mis en lumière un certain nombre de carences dans l’agglomération strasbourgeoise en termes de surface, de collections, de places assises, entre autres. Il n’y avait alors que 12,5 % de la population inscrite dans les bibliothèques et médiathèques contre 17,5 à l’échelon national. Ces résultats ont motivé la décision de créer un grand équipement de lecture publique ». Au-delà des chiffres, la conception de la nouvelle médiathèque répond également à un élargissement des missions dévolues des bibliothèques publiques. Dans ce domaine, l’Unesco rappelle le coeur de métier – éducation, formation, culture… – mais élargit les missions à d’autres domaines: recherche d’emploi, informationi utilitaire et sociale… Malraux se vit donc comme « espace du lien social et lieu de rencontre entre les personnes autour des documents et non pas seulement des personnes avec les documents ».
tapis rouge
Le visiteur sera saisi par le ruban rouge qui l’accueille dès le parvis et l’accompagne tout au long des espaces répartis sur cinq étages. Ce fil conducteur se décline sur le magnifique sol en résine mais aussi sur les murs et les piliers du bâtiment. La signalétique s’inscrit sur les différents supports du bâtiment : sol, murs, mobilier, miroirs… Par beau temps, le soleil s’invite dans les volumineuses salles de lecture et offre un spectacle multicolore. L’offre documentaire répond à la vocation encyclopédique de ce type d’établissement, avec huit départements thématiques couvrant la jeunesse, les sciences, la musique… Trois d’entre eux – littératures européennes, centre de l’illustration, fonds patrimonial – sont reconnus comme pôles d’excellence. Du côté des technologies, la médiathèque est équipée d’un système RFIDi pour l’emprunt et la restitutioni des documents. Un portaili conçu par Archimed fédère les 13 médiathèques dispersées au sein de la communauté urbaine de Strasbourg. Il permet aux usagers de gérer leur compte et d’accéder à des instruments de recherche.
lecteur ou séjourneur
Lors du Congrès de l’ABF tenu au mois de juin dernier à Reims, de nombreux bibliothécaires constataient une mutation des pratiques au sein des bibliothèques. « Oui, les comportements des lecteurs ont évolué, confirme Philippe Specht, le public est devenu beaucoup plus séjourneur et consomme sur place [Les concepteurs ont même pensé à proposer une buvette aux usagers, voir pour cela le billet d’humeur]. Le mot lecteur est de plus en plus remplacé par d’autres mots comme utilisateur. Ceci est lié à un enrichissement de l’offre d’activités proposées dans une médiathèque moderne : manuscrits, imprimés, sons, images, numérique en prêt et en consultation, sans oublier l’action culturelle… ».
À l’heure où les bibliothécaires assistent, parfois médusés, à une mutation des comportements des lecteurs devenus usagers ou séjourneurs, la médiathèque André Malraux a fait le choix d’accompagner ce mouvement plutôt que de s’y opposer. Son initiative ne manquera pas d’intéresser d’autres établissements en France.
la médiathèque André Malraux en chiffres
11 800 m2
135 m de long
20 km de rayonnage
102 agents
1 000 places assises
102 points d’accès multimédia
160 000 documents
735 périodiques
200 000 livres anciens, incunables et manuscrits
Les collections devraient être multipliées par deux d’ici 2013.