Propriété papale indépendante du royaume de France, Carpentras était, au début du XIVè siècle, administrée par un recteur italien. La présence des papes a d’ailleurs fait de la cité une capitale intellectuelle et artistique. Cette identité d'enclave papale a fortement marqué l'histoire de la ville et de ses environs. La présence des juifs y a aussi laissé une empreinte indélébile. Installés près de Carpentras dès le Moyen Age, et expulsés du royaume de France en 1394, ils ont trouvé refuge auprès des papes. Voilà pourquoi Carpentras possède la plus ancienne synagogue de France.
Conserver les fondamentaux
La ville possède également la seule bibliothèque-musée du pays : l’Inguimbertine. Du nom de son géniteur, Monseigneur d’Inguimbert, dont la fortune a permis, au milieu du 18ème siècle, de construire un hôpital pour les pauvres (l’hôtel-Dieu), aujourd’hui monument classé, et cette bibliothèque. Il s’agissait alors de la première bibliothèque publique de ce côté des Alpes, ouverte à tous. Pendant la Révolution, Carpentras a été rattaché à la France et la culture a connu ses heures sombres. Partout en France, des livres ont été détruits et brûlés, et de nombreux fonds ont ainsi été perdus. En transférant les collections issues de l’aristocratie, les révolutionnaires ont alors scindé la culture en deux parties, avec les bibliothèques d’un côté et les musées de l’autre. Cette séparation ne s’est pas produite à Carpentras qui n’a rejoint la France qu’en 1791. “Nous avons alors voulu conserver ces fondamentaux et préserver l’unité de ces deux pans culturels” explique Jean-Philippe Marin, chef de projet RFID.
Une renommée internationale
La bibliothèque est classée en raison de son fonds et fait d’ailleurs partie des lieux d’exception en France en raison de sa collection de livres anciens. “Nous avons un très fort côté patrimonial”, ajoute M. Marin. Et ce, grâce, entre autres, à de nombreux legs. Nous possédons par exemple un important fonds Judaïca. Tout simplement parce que les juifs persécutés ont trouvé refuge en territoire papal”. Voilà sans doute aussi pourquoi, l’Inguimbertine possède une immense renommée internationale auprès des chercheurs.
Changement de dimension
Il y a quelques années, l’idée de rassembler l’hôtel-Dieu et sa bibliothèque-musée au sein d’un même espace, a, en effet, germé dans la tête des élus. La première tranche de ce grand projet de rénovation vient tout juste d’être livrée. “Nous avons ouvert l’an dernier dernier la partie bibliothèque qui s’étend sur 1 800m2, explique Jean-Philippe Marin. C’est 15 fois plus que ce que nous avions auparavant”. Pour faire face à ce changement de dimension, le site a recruté. 40 agents et 10 vacataires ont été embauchés. La partie bibliothèque publique s’est ainsi insérée dans un monument historique aux contraintes particulières en termes d’aménagement. “Dans la salle multimédia par exemple, nous avons installé un globe terrestre extrêmement rare, indique le chef de projet RFID. Nous voulions offrir de la modernité, tout en nous inscrivant dans les traces du passé. C’est d’ailleurs exactement ce que voulait Monseigneur d’Inguimbert. Nous avons essayé de ne pas trahir cette volonté historique”.
Les agents ne sont pas des caissiers de supermarché
Á l’ouverture, la bibliothèque a même fait l’acquisition du robot Pepper qui sert d’agent d’accueil et d’orientation auprès des visiteurs. “Nous voulions également autonomiser le plus possible la gestion des prêts et des retours, poursuit M. Marin. Pour cela, nous avons implanté à différents endroits des automates et des étagères intelligentes Bibliotheca”. Les abonnés n’ont qu’à poser leur livre sur l’étagère pour qu’il soit identifié et enregistré par le SIGB comme “restitué”. Ces étagères intelligentes sont équipées d’antennes RFID et dès la détection des puces intégrés aux ouvrages, un témoin lumineux signale à l’usager sur un écran déporté que la restitution est validée. C’est d’une simplicité enfantine. “Nous ne voulions pas voir se former de files d’attente pour les retours de prêts, souligne Jean-Philippe Marin. Les agents ne sont pas des caissiers de supermarché”.
Quand la carte de bibliothèque devient une carte “ville”
Bibliotheca a également équipé le site en automates, en puces RFID, en portiques RFID et en cartes RFID pour les lecteurs. La prochaine étape : ajouter d’autres services à cette carte d’abonné et intégrer par exemple les transports urbains, la cantine scolaire, etc. La carte de bibliothèque a vocation à devenir une carte ville. La sécurité étant au coeur de ce projet, d’autres équipements de contrôle et de préservation ont été installés. Le globe terrestre, par exemple, a été placé dans une vitrine sous atmosphère contrôlée fournie par le PME italienne Goppion (qui équipe Le Louvre). “Nous bénéficions également d’un dispositif de vidéosurveillance et plusieurs agents de sécurité veillent au grain” signale l’informaticien.
Contraintes architecturales et historiques
Précisons que la grande majorité du fonds de cette bibliothèque publique est constituée d’ouvrages neufs qu’il a fallu équiper des fameuses puces RFID Bibliotheca. Et avec près de 65 000 ouvrages référencés, l’opération a pris énormément de temps. Tout comme le déménagement en lui-même. “Nous avons par ailleurs lancé un autre appel d’offres pour les portiques antivol, reprend M. Marin. Comme le site est classé monument historique, nous ne pouvions pas faire n’importe quoi et il était impossible de réinstaller les systèmes de sécurité déjà présents. Il nous fallait un système capable d’être efficace avec 1m60 d’espacement entre deux portiques”. Bibliotheca était finalement le seul fournisseur capable de répondre à cette exigence, et ce, grâce au design de leur antenne RFID. Le fournisseur offrait également la possibilité de personnaliser les automates, aussi bien en termes de coloris que d’interface pour qu’ils puissent se fondre le plus discrètement possible dans le décor. “Nous souhaitions également disposer d’un système scalable offrant la possibilité d’activer ou non certaines fonctionnalités, comme par exemple passer d’un automate de prêt simple à un automate de prêt/retour, ou inversement, poursuit M. Marin. Nous avons donc réparti les automates dans l’espace pour que tout le monde puisse effectuer ses opérations simplement et partout”.
Des abonnés en forte hausse
Ouverte depuis novembre 2017, cette bibliothèque nouvelle génération a déjà enregistré plus de 120 000 visiteurs et a surtout vu son parc d’abonnés passer de 1 500 (avant les travaux) à près de 10 000 aujourd’hui. Près de 9000 personnes ont même assisté à l’inauguration. Quant à la tranche 1B (qui comprend la salle d’exposition, le hall d’accueil mixte, etc.), elle devrait être livrée cet automne. Pour la tranche “musée”, il faudra patienter jusqu’en 2020.
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