Le troisième projet du Code de conduite pour l’Intelligence Artificielle Générale (GPAI) de l’AI Act de l’Union Européenne, publié le 11 mars 2025, “crée une incertitude juridique, interprète mal le droit d'auteur de l'UE et compromet les obligations énoncées dans la loi sur l'IA elle-même”, peut-on lire dans une lettre collective rédigée par une coalition d'auteurs, d'interprètes et d'autres titulaires de droits du secteur des industries culturelles et créatives, comme l’European Writers’ Council, la plus grande fédération mondiale qui représente 220 000 auteurs du secteur du livre, ou l'ENPA (Association européenne des éditeurs de journaux), le plus grand organisme représentatif des éditeurs de journaux en Europe.
Ils estiment que cette nouvelle version affaiblit considérablement l’AI Act, qui, sous couvert de promouvoir une IA responsable, remet en cause le droit d’auteur européen et expose les industries culturelles à une exploitation incontrôlée de leurs contenus par manque de garde-fous.
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Un Code de conduite sur l’IA jugé insuffisant et permissif
Conçu pour encadrer l’application du règlement sur l’IA, ce code vise à préciser comment les fournisseurs d'IA à usage général doivent se conformer aux obligations légales. Les détracteurs du Code de conduite estiment que sa troisième version affaiblit considérablement la portée de l’AI Act et offre trop de marges de manœuvre aux développeurs d’IA, qui pourraient exploiter des contenus protégés sans consentement explicite. Pourtant, ces acteurs du secteur culturel ont “participé de manière constructive au processus de rédaction et formulé des commentaires substantiels sur les versions précédentes du Code de bonnes pratiques”, expliquent-ils. Cependant, “les rédacteurs du Code ont largement ignoré ou rejeté ces commentaires”, estiment les auteurs de cette lettre collective.
L’un des principaux écueils réside dans l’absence de mesures concrètes pour empêcher l’exploitation de contenus protégés par les IA. Seul le fichier "robots.txt", un protocole d'exclusion des robots d’indexation, permet aux sites web de signaler leur refus d’apparaître dans les moteurs de recherche, mais cette méthode obsolète repose sur la bonne foi des entreprises, qui peuvent l’ignorer sans risque. De plus, aucun cadre strict n’impose la transparence, laissant aux fournisseurs d’IA toute liberté de dissimuler leur utilisation des données protégées.
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Vers un affrontement réglementaire ?
Le débat autour du Code de conduite GPAI ne concerne pas seulement le respect des droits d’auteur, mais aussi la régulation du marché de l’IA en Europe. En facilitant l’exploitation des contenus existants, le Code pourrait favoriser les grandes entreprises technologiques au détriment des créateurs et des industries culturelles européennes, une situation inquiète les acteurs concernés qui redoutent un déséquilibre économique et juridique.
À l’approche de la publication du Code de conduite sur l'IA en mai 2025, les signataires exhortent l’UE à mieux protéger les créateurs, sans savoir si elle durcira sa position ou privilégiera la conciliation avec les développeurs d’IA, au risque d’un conflit juridique.