Nathalie Marcerou-Ramel est directrice de l’Enssib (École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques). Elle a également dirigé l’ouvrage « Les métiers des bibliothèques » (Éditions du Cercle de la librairie, 2017). Voici sa vision de l'avenir du métier de bibliothécaire et ses conseils pour s'y préparer. Florence Potosniak, bibliothécaire à la bibliothèque du service historique de la Défense, livre son témoignage.
Sommaire du dossier :
- Documentalistes, veilleurs, bibliothécaires et archivistes : comment vous voyez votre avenir
- Quel avenir pour les documentalistes ?
- Quel avenir pour les veilleurs ?
- Quel avenir pour les bibliothécaires ?
- Quel avenir pour les bibliothécaires en bibliothèque universitaire ?
- Quel avenir pour les archivistes ?
Le métier de bibliothécaire est-il menacé par l’accès à la connaissance en un clic ?
Traditionnellement, une bibliothèque c’est une collection et un lieu qui permet la consultation de cette collection. Le numérique, avec la désintermédiation qu’il provoque, rend l’une et l’autre potentiellement inutiles. En cela, le métier de bibliothécaire dans son acception traditionnelle est menacé. Mais, comme d’autres métiers, il évolue et se repositionne sans cesse. Les quatre grandes fonctions qui sous-tendent le métier de bibliothécaire, sélection-acquisition, production, gestion et médiation, perdurent en dehors de l’ordre du livre et des collections matérielles.
Nous sommes confrontés à des mutations comme la fin du rôle de prescription qui était assuré depuis des siècles. Nous devons repenser les services et les centrer sur les demandes du public aussi bien en bibliothèque publique qu’en bibliothèque universitaire. Autre mutation, nous devons nous positionner sur le web en repensant nos catalogues tout en faisant évoluer nos espaces physiques : cela passe par un travail sur notre identité numérique. Enfin, il faut bien connaître nos territoires physiques et virtuels.
Pour reprendre les termes de votre question, je dirais que le métier de bibliothécaire est également menacé par l’accès à la non-connaissance en un clic. À l’heure de la désinformation, nous pouvons aider les usagers à exercer un esprit critique sur les ressources documentaires. Notre rôle social et pédagogique doit prendre toute sa place dans la lutte contre les fake news et l’illectronisme.
À quelles évolutions les bibliothécaires doivent-ils se préparer ?
Nous devons être en mesure de travailler dans une démarche d’innovation permanente. Cela vaut pour le numérique bien sûr, car les bibliothécaires doivent absolument détenir une compétence pour être en sécurité face aux nouveaux fondamentaux du métier. Cela vaut également pour d’autres évolutions qui ne vont pas manquer d’advenir : la robotique, l’intelligence artificielle…
Il faut également avoir une démarche inclusive, environnementale et être capable de travailler avec des interlocuteurs et des publics très divers.
N’oublions pas les compétences en matière de propriété intellectuelle et la nécessité de défendre le libre accès de tous à la connaissance, à l’information.
Comment la profession prépare-t-elle son avenir ?
Elle s’y prépare en redéfinissant ses fondamentaux et son cœur de métier ce qui n’est pas si facile. Nous pourrions par exemple nous inspirer du référentiel métiers mis en place par les archivistes pour faire évoluer le nôtre. Nous devons travailler en coopération et créer des passerelles entre les différents métiers du document : bibliothèques, archives et documentation. Il faut également faire évoluer les formations initiales et continues en créant un continuum entre ces deux segments de formation. Certains postes deviennent tellement spécialisés qu’il est impossible de s’y préparer seulement en formation initiale. Il faut enfin faire évoluer les représentations du métier qui restent très liées à l’univers du livre et, donc, pratiquer un dialogue de conviction pour soutenir des projets innovants.
Témoignage
Florence Potosniak, bibliothécaire à la bibliothèque du service historique de la Défense
"Les bibliothécaires ont des compétences à faire valoir dans la société de l’information : diffusion des connaissances et valorisation des collections et du patrimoine.
"Il faudra nous spécialiser en ingénierie documentaire pour donner davantage de visibilité à nos collections sur le web de données. La formation et la médiation semblent également des voies à suivre, en direction d’un public de plus en plus large".