Alors que les organisations produisent de plus en plus d’archives nativement numériques, leur collecte doit faire l’objet d’une réflexion menée en amont. Marie Laperdrix, responsable des archives au ministère de l’Économie et des Finances livre ses conseils.
L’administration et les entreprises sont amenées à produire un volume toujours plus important d’archives nativement numériques. Mais la collecte de ce patrimoine informationnel n’est pas aisée : faut-il tout collecter ? Avec qui les archivistes doivent-ils s’allier pour mettre en place une stratégie d’archivage ? Quels outils faut-il utiliser ?
Marie Laperdrix, chef du service des archives économiques et financières au ministère de l’Économie et des Finances, ministère de l’Action et des Comptes publics, répond à ces questions.
- Par quoi commencer ?
- Recourir à un tableau de gestion
- A quels référentiels se référer ?
- Faut-il tout collecter ?
- Comment collecter les informations dispersées dans les silos ?
- Le tableau de gestion et le paramétrage
- Construire une stratégie avec les autres métiers
- Veiller à l'interopérabilité
- RGPD, DPO : le rôle des archiviste
- La transversalité
1. Par quoi commencer ?
Une organisation qui souhaite mettre en place une collecte d’archives numériques doit d’abord prendre contact avec un archiviste. Cela va de soi, mais il est toujours utile de le rappeler ! Car le numérique rebat les cartes de la collecte.
Il faut ensuite faire le bilan de toute la production documentaire qu’elle soit papier ou numérique. Ce processus permet de bien évaluer la valeur du document. La valeur engageante se trouve parfois sur le support papier.
>Lire aussi : Adamant, de la collecte à la réutilisation des archives publiques
2. Recourir à un tableau de gestion
Il faut ensuite recourir à l’outil de base des archivistes : le tableau de gestion. Cet outil de gestion prévisionnelle du cycle de vie des documents aide à simplifier et rationaliser la gestion des archives courantes, intermédiaires et définitives.
Pour une typologie de données, une facture par exemple, cette donnée sera conservée soit sur papier, soit en numérique avec une date de bascule. Objectif : éviter les doublons.
3. A quels référentiels se référer ?
Dans le service public, il existe un contexte réglementaire qui prévaut pour l’ensemble de la production documentaire : marchés publics, dossiers individuels des agents, etc. À cela s’ajoute le "Code du patrimoine" consolidé par des textes comme le "Référentiel général de gestion des archives" (RG2A) issu des services du Premier ministre. Ces textes rappellent le caractère public des archives produites par l’administration. Ils sont ensuite déclinés dans les ministères.
À Bercy, nous disposons d’une "Charte d’archivage" qui est le socle de la politique d’archivage ministérielle. Ce document interne porte la signature de la secrétaire générale. Il rappelle ce qu’est un document d’archive publique et les consignes d’archivage ainsi que l’élimination réglementaire. Nous nous calons sur cette charte pour réaliser notre collecte numérique.
Nous réunissons une fois par an notre réseau de 450 "correspondants archives" au sein du ministère. C’est l’occasion d’évoquer les évolutions réglementaires, les bonnes pratiques et les offres de service afin de nous adapter à une production de plus en plus importante. Dans d’autres organisations, cette charte d’archivage peut être baptisée politique d’archivage. Elle doit être portée au plus haut niveau pour lui donner de la valeur. Dans le secteur privé, de grandes entreprises disposent d’une charte équivalente.
>Lire aussi : Comment mettre en place et gérer un système d'archivage électronique
4. Faut-il tout collecter ?
Toute la production documentaire d’une organisation n’a pas vocation à être archivée. Il convient d’orienter notre action sur l’information stratégique et essentielle. C’est ce que souhaitent les décideurs.
La notion d’information stratégique doit faire l’objet d’une discussion, car elle n’est pas si facile à évaluer. Dans le cas des archives produites par Bercy, une information non stratégique à un moment donné pourra en effet présenter un grand intérêt quelques années plus tard pour les historiens, les économistes et les statisticiens. La plus-value repose sur des données bien décrites, contextualisées qui font partie d’une chaîne de confiance.
5. Comment collecter les informations dispersées dans les silos ?
Dans le cas de Bercy, l’avantage du service des archives est son positionnement : nous sommes dans la structure transversale à tous les services économiques et financiers. Nous travaillons pour les cinq ministres et secrétaires d’État. Ce positionnement est la clef de notre travail pour faire de l’interdirectionnel.
Dans une entreprise, ce positionnement peut s’imaginer au sein de la holding par exemple. Ce positionnement permet de dialoguer et construire le plan d’archivage avec les différentes directions. Cela permet d’avoir une vision transverse.
6. Le tableau de gestion et le paramétrage
Pour les flux issus des applications métier, il faut paramétrer les connecteurs avec notamment les standards d’échange de données pour l’archivage (profil Seda). Il convient aussi de paramétrer les données et les métadonnées que l’on souhaite récupérer ainsi que les règles de gestion du cycle de vie des données. Ces versements seront automatisés dans l’application.
Pour les versements manuels, il faut décliner le tableau de gestion dans l’application. À titre d’exemple, les correspondants archives de Bercy n’ont qu’à glisser-déposer les archives dans l’application : les données et les métadonnées sont alors automatiquement incrémentées dans l’application.
7. Construire une stratégie avec les autres métiers
Il est essentiel que les archivistes se rapprochent des juristes et des informaticiens. Notamment parce que des questions inédites vont se poser à travers des données provenant de processus informatiques comme l’intelligence artificielle, le machine learning ou le deep learning. Le juriste va nous aider à comprendre la valeur de ces données avant de les archiver.
Nous avons besoin des informaticiens pour penser le système d’archivage électronique. Certaines données sont en effet produites avec des outils complexes comme les logiciels BIM pour l’immobilier. Il faut donc adapter les convertisseurs à ces formats propriétaires et réfléchir à notre politique de conservation.
8. Veiller à l'interopérabilité
Aujourd’hui les systèmes d’archivage électronique assurent l’ensemble de la chaîne archivistique : collecte, conservation, consultation. Ces trois fonctions sont regroupées dans un même système.
Certaines organisations peuvent construire un système spécifique dédié à la consultation. La mise à disposition d’archives sur un site web pose des questions de sécurité. Il faut donc veiller à ce que ce site ne fasse pas office de porte d’entrée pour des attaques plus importantes sur le site de l’organisation.
9. RGPD, DPO : le rôle des archivistes
L’Association des archivistes français (AAF) a engagé une réflexion sur le rôle des archivistes dans l’application du Règlement général sur la protection des données (RGPD) : les archivistes doivent-ils tenir le rôle de délégué à la protection des données (DPO) ? Certains le sont. Dans tous les cas, les archivistes sont invités à se rapprocher du DPO de leur organisation pour mener avec lui des projets d’analyse : par exemple, faire évoluer le tableau de gestion pour intégrer des éléments fournis par le DPO. Et vice versa.
10. La transversalité
Mot-clé pour une collecte d’archives numériques, la transversalité permet de s’assurer d’une collecte exhaustive sur un périmètre précis.
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