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Selon les époques ou les événements, les méthodes de travail changent, ainsi que les manières de travailler. Les bibliothèques ont par exemple pu et su s’adapter à la crise sanitaire de Covid-19, malgré les nombreuses contraintes, comme elles ont pris, en leur temps, le virage de l’informatique et maintenant celui de l’information numérique.
Ce qui entraîne d’autres façons d’appréhender les besoins du public, ceux-ci évoluant de manière constante, souvent plus rapidement que ce que peut proposer une bibliothèque en matière de services, par exemple.
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Ainsi, revoir les plans et projets de développement de la bibliothèque et d’un service en particulier est quasiment obligatoire si l’on veut s’adapter aux changements et faire en sorte que collègues et collaborateurs suivent et acceptent ces changements. Il est parfois difficile, selon l’urgence des situations, de réfléchir ou de prendre le temps de les appliquer, ou d’avoir suffisamment de recul.
Voici, présentés ici, de manière synthétique, trois axes possibles pour transformer et améliorer la bibliothèque :
Axe 1 : Les ressources humaines et le management de la bibliothèque
Il n’est pas inutile de rappeler que les ressources humaines constituent la matière première de la bibliothèque, sa force de travail et sa valeur ajoutée.
Généralement bien formé, le personnel des bibliothèques aime les tâches attribuées et s’engage auprès des utilisateurs. Nombreux sont celles et ceux parmi les professionnels à y trouver une grande satisfaction, avec la conscience d’exercer un métier utile à la société dans son ensemble.
Il suffit d’une impulsion pour que les idées foisonnent, mais pour cela un terreau est nécessaire, un « esprit de projet » est à mettre en place et à développer.
Par « esprit de projet », on entend que le management du service est rendu possible également sur un mode horizontal et non plus vertical : ainsi tout type de projet (du micro-projet comme la réorganisation d’une section de livres à un projet plus important, tel le redimensionnement d’un espace de lecture) est à considérer, qu’il vienne d’un employé ou d’un cadre.
Le professionnel qui propose un projet le prend en charge dans sa totalité, constitue une équipe de projet et « rend des comptes » sur son évolution en général sous forme de rapports d’étapes qui peuvent être courts.
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Entraîner une équipe vers un travail en commun
Selon les cas, cela peut demander une formation à la gestion de projet et c’est une manière d’entraîner une équipe vers un travail en commun.
L’ensemble des projets réalisés sur une année permet de dresser un bilan de l’activité complémentaire des évaluations habituelles que sont la fréquentation, les acquisitions de documents, la baisse ou la hausse du budget global…
Un projet pris en charge par un des membres valorise ce dernier, cela lui permet de mettre en avant ses compétences et aptitudes.
Écoute et empathie
En parallèle à « l’esprit de projet », ou de manière simultanée, il est nécessaire que l’encadrement (incluant l’encadrement de proximité) crée un climat de confiance au sein des équipes en place : l’écoute et l’empathie sont importantes.
Le management par l’empathie, le management participatif ne sont pas des vains mots, ils ont une réelle signification dans une société où le management vertical n’est plus guère toléré ou doit s’exercer différemment.
La démarche participative rejoint l’esprit de projet puisque l’idée sous-jacente est que chacun puisse donner son avis, est impliqué dans la décision finale, ou en tous les cas que la discussion et l’échange de points de vue existent. Bien sûr, la décision finale revient au responsable, mais prise en concertation, elle est mieux acceptée.
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Axe 2 : Les outils documentaires et les technologies
La plupart des outils ou des techniques documentaires existants, le thésaurus, l’indexation, le résumé, la veille d’information, les bibliographies, pour ne citer que ceux-là, sont liés étroitement à la technologie : celle-ci permet de les automatiser et donc de faciliter la tâche du bibliothécaire-documentaliste.
Les outils documentaires liés aux technologies se développent avec celles-ci ou, sinon, ils sont condamnés à disparaître : on ne peut guère imaginer un système de veille qui n’inclurait pas des fonctionnalités de push et de pull, ou un portail d’information sans possibilité de dialogue entre professionnels et utilisateurs - par un chat, un forum, un contact e-mail ou par SMS (comme l’expérimente l’université de Lorraine avec l’application Rocketchat). Ces derniers services sont une manière de renouveler les possibilités offertes par les guichets virtuels de questions-réponses, qui sont devenus des services usuels en bibliothèque.
Rendre l’utilisateur final plus autonome
Les outils documentaires ne sont plus seulement utiles pour décrire des ressources grâce aux taxonomies et ontologies (pour les métadonnées notamment) ou par l’import de notices, ou dans le but d’archiver des documents dans des dépôts institutionnels, des catalogues enrichis ou des bases de données professionnelles. Ils s’accompagnent d’une panoplie de fonctionnalités pour rendre l’utilisateur final plus autonome, fonctionnalités qui, souvent, apparaissent évidentes quand on utilise les sites commerciaux.
Il a donc fallu adapter les sites et portails documentaires pour les rendre plus ergonomiques et conviviaux (ce qui était leur plus grand défaut jusqu’il y a peu) : la navigation dans le site est facilitée et il n’est plus nécessaire de cliquer sans fin pour obtenir l’information désirée. L’utilisateur est maître de son profil qu’il peut modifier, il peut indiquer ses préférences ou archiver des informations à consulter ultérieurement.
Une fois identifié et reconnu par le système, outre la gestion de son propre dossier d’emprunts, il accède aux ressources numériques proposées par l’université, comme c’est le cas sur le site de la Bibliothèque de Sciences Po Paris dont l’offre de ressources en ligne est considérable avec les ebooks ou les périodiques électroniques ou la presse en ligne (l’accès aux dossiers de presse numérisés est un plus incontestable). Un popup de chat s’affiche automatiquement lors de la consultation d’une page proposant d’entrer en contact avec un bibliothécaire.
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Plateformes de services documentaires (platform as a service ou Paas)
Une tendance actuelle très forte est la mise en place de plateformes de services (platform as a service ou Paas) documentaires qui remplacent peu à peu les catalogues et portails de bibliothèques.
C’est un changement important pour les bibliothèques, déjà du point de vue de la gestion de projet. L’exemple de Swiss Library Service Platform (SLSP) qui rassemble sous une même bannière quelque 500 bibliothèques académiques sur toute la Suisse montre la volonté d’unifier le travail documentaire - en utilisant un seul logiciel, Alma de la Société ExLibris avec une technologie cloud - et de proposer un accès unique à des millions de références et de ressources. Elle a été mise en service en décembre 2020 ; plus de 3 000 bibliothécaires, dans des contextes linguistiques différents (français, allemand et italien) ont dû intégrer, créer ou adopter de nouvelles règles de gestion, de nouveaux formats sur cette plateforme. Il a fallu la réelle volonté des professionnels helvétiques pour que ce projet d’envergure s’accomplisse.
Outil de découverte (discovery tool)
Un autre outil documentaire qui s’impose depuis plusieurs années est l’outil de découverte (discovery tool) qui permet d’interroger simultanément un ensemble de ressources hétérogènes.
La société Ebsco propose cet outil qui se présente sous la forme d’un champ de recherche unique de type Google. Ce type de recherche ne permet pas une recherche ciblée, mais peut être utile pour découvrir l’ensemble ou la pluralité de sources mises à disposition.
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Axe 3 : Le marketing
Beaucoup de bibliothécaires sont réticents, voire opposés, à l’application du concept de marketing en bibliothèque : trop assimilé au monde de l’entreprise et du profit, le concept peine à y pénétrer.
Il est toutefois difficile d’y échapper car le monde actuel est de plus en plus orienté vers la mise en avant de produits et de marques. La bibliothèque en elle-même ne peut-elle pas être une marque, et afficher sa communication sur des produits et des services ? Certes, elle n’est pas dans l’économie marchande, mais dans l’économie de la culture et ses services sont généralement gratuits.
L’exemple des musées est à ce titre intéressant qui utilisent avec succès les méthodes du marketing pour attirer plus de public et faire connaître leurs expositions. La Bibliothèque nationale de France (BNF) emploie divers types de marketing pour se faire connaître par un public plus large que celui des initiés : sa présence sur les réseaux sociaux est forte, notamment avec Gallica ou avec les expositions virtuelles proposées régulièrement.
Enquête auprès des usagers
Un des éléments fondamentaux du marketing est tout de même très présent en bibliothèque : l’enquête auprès des usagers, quelle que soit sa forme. La plupart des bibliothèques en réalisent régulièrement afin de « prendre le pouls » de leur lectorat, de récolter leur avis et d’orienter leur politique de services.
La Bibliothèque publique d’information (BPI) publie depuis de nombreuses années des enquêtes auprès d’étudiants, de chercheurs ou du grand public (Voir l’ouvrage : L’expérience sensible des bibliothèques. Six textes sur les publics des grands établissements, sous la dir. de Christophe Evans).
Certaines bibliothèques organisent des panels, avec des types de lecteurs qui constituent des cibles potentielles : les jeunes, les jeunes adultes, les seniors, les jeunes parents… On ne peut donc pas dire que le concept marketing n’est pas déjà présent en bibliothèque ou soit complètement ignoré.
Règles des 4P (produit, prix, placement, promotion)
Le marketing digital - expression consacrée - est l’ensemble des règles du marketing appliquées à internet. Parmi ces règles déjà connues, celles des 4P (produit, prix, placement, promotion) sont toujours valides en 2022 : elles constituent une aide pour mieux définir et cerner une politique de produits et de services.
L’aspect « promotion » n’est pas négligeable car il englobe toute la communication. Et dorénavant, une grande partie de la communication passe par le numérique. Le marketing digital est venu renforcer la présence des bibliothèques sur internet, au travers, notamment, mais pas seulement, des réseaux sociaux. L’utilisation de l’e-mail est courante pour informer les utilisateurs, avec cependant l’accord du lecteur selon les règles du RGPD.
Le marketing digital est donc une manière de renforcer le contact, direct ou indirect, avec le lecteur.
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Adhésion des bibliothécaires
Les trois axes développés ici sont quelques exemples de ce qui traverse actuellement le monde des bibliothèques. Bien souvent, ces axes sont dépendants l’un de l’autre : des utilisateurs vont souhaiter un nouveau service qui va faire appel à la technologie, et qui, par la suite, demandera le recours à des techniques de marketing. Une transformation en entraîne une autre et a des répercussions multiples.
L’un des aspects les plus importants des transformations en cours, et qui a déjà été évoqué, mais qui mérite d’être souligné, est l’adhésion des bibliothécaires à celles-ci : ce sont eux qui porteront le mieux les projets que ce soit auprès de leurs collègues, mais également du public.
Cet article a été publié dans le nouveau guide pratique Archimag : Bibliothèques en mutation
Lecture, culture, information… Animation, médiation, aide… Sur site ou virtuelle… Les missions des bibliothèques, en ville comme à l’université, sont particulièrement denses. Il s’agit de s’adapter en permanence à une demande qui évolue sans cesse et qui a montré sa vigueur en période de pandémie et de confinement. Aux bibliothécaires de suivre le rythme, au management d’orchestrer !
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Jean-Philippe Accart
Directeur de la Bibliothèque de Sciences Po Paris, Campus de Reims