CET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°380
Au sommaire :
- Dossier : IA et patrimoine : les professionnels témoignent
- Université de Montréal : l'IA pour déchiffrer des documents manuscrits
- ChamDoc : l'IA pour traduire une langue en voie de disparition
- Au musée de l'Armée, l'IA valorise les archives de la Libération
- L'IA en mode majeur à la Philharmonie de Paris
- SNCF : un chatbot embarque les visiteurs sur les rails du patrimoine
- Ina : l’IA au service de la découverte du patrimoine audiovisuel français
- Quel avenir pour le patrimoine culturel à l'ère de l'intelligence artificielle ?
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Au cœur de l’été 1944, trois moments majeurs de la Libération de la France se succédèrent en l’espace de quelques semaines : le débarquement de Normandie, au mois de juin, le débarquement de Provence, puis la Libération de Paris, au mois d’août. Quatre-vingts ans plus tard, le musée de l’Armée propose de revisiter ces trois événements dans une exposition mêlant photographies de l’époque et intelligence artificielle (IA) ("Revivez la Libération de 1944. L’intelligence artificielle au service de l’histoire" au musée de l’Armée, jusqu’au 18 décembre 2024 - Musée de l’Armée - Invalides - Paris).
L’exposition "Revivez la Libération de 1944. L’intelligence artificielle au service de l’histoire" fait un pari : "nous avons conçu une exposition immersive autour d’un récit et d’une sélection d’archives iconographiques qui plongent les visiteurs dans une époque troublée", explique Emmanuel Ranvoisy, conservateur adjoint et responsable des activités cinématographiques au sein du musée de l’Armée. "Nous avons utilisé des archives filmiques et photographiques d’origine française, américaine, anglaise et allemande qui ont ensuite alimenté une IA développée par Iconem, une jeune société française, avec le Lab AI For Good de Microsoft."
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Expérience muséale inédite
Alors que l’exploitation de ces fonds d’archives est particulièrement chronophage lorsqu’elle est réalisée par un être humain, l’IA a permis de les classer, de les contextualiser et de les animer, avec l’ambition de placer les visiteurs au plus près des événements. Diffusées sur de très grands écrans, ces images offrent, grâce au détourage automatique, un effet de profondeur inédit entre les différents personnages qui apparaissent dans chacune des scènes.
C’est le cas du débarquement d’Omaha Beach, sur la côte occidentale du Calvados, le 6 juin 1944, qui a fait l’objet d’une attention particulière. Passé à la postérité grâce au cinéma, il a été modélisé afin d’offrir aux visiteurs une vision à hauteur d’homme.
Le traitement des films et des photographies par l’IA permet de suivre l’avancée des soldats. "Il s’agit d’une expérience muséale tout à fait nouvelle qui peut notamment intéresser le jeune public », estime Emmanuel Ranvoisy. « Avec cette exposition, le musée de l’Armée s’inscrit dans une dynamique de l’IA appliquée à la valorisation patrimoniale".
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Une IA pour enrichir les légendes
L’intelligence artificielle a également été convoquée pour générer des légendes enrichies sur des photographies qui étaient jusqu’ici insuffisamment documentées. Les combats à Utah Beach, sur la côte nord-est du Cotentin, qui figure parmi les cinq plages du débarquement de Normandie, sont désormais mieux connus grâce à l’IA, qui a été en mesure d’apporter des précisions sur le matériel militaire engagé ce jour-là.
80 ans après la Libération de la France, les visiteurs peuvent ainsi (re)découvrir des lieux précis où des photographies et des films ont été réalisés. Cette technologie de géolocalisation dynamique est également utile pour les historiens qui peuvent accéder à une meilleure compréhension des lieux et des événements.
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Le témoignage du professionnel
"En tant qu’historien de formation, je considère que l’intelligence artificielle sera un outil précieux pour nous assister dans le travail de recherche documentaire", explique Emmanuel Ranvoisy. "Nous utilisons en effet de nombreuses sources, mais leur localisation demande du temps. L’IA devrait nous permettre de faciliter ces recherches et de dégager du temps pour nous concentrer sur des tâches plus importantes. Bien évidemment, nous devrons toujours valider, ou pas, les résultats générés par l’IA. En revanche, à ce jour, l’apport de l’IA est une question encore peu abordée parmi les historiens."