Portrait d'Odile Contat, une documentaliste au parcours atypique, aujourd'hui responsable d'études documentaires à l'Institut des Sciences Humaines et Sociales (InSHS) du CNRS et militante pro open access.
« Même-joueur-joue-encore ». Odile Contat trace sa route comme dans un jeu vidéo où elle aurait à sa disposition plusieurs vies à utiliser en cas de nécessité.
Sa partie commence en Haute-Savoie, qu’elle quitte après son bac pour effectuer une maîtrise d’histoire à Lyon. Puis direction Paris, où la jeune femme de 23 ans pose définitivement ses valises :
« Cette ville m’attirait depuis longtemps, déclare-t-elle ; en la découvrant, j’ai su que j’étais enfin chez moi ».
Odile Contat s’engage alors dans une maîtrise de sciences politiques à la Sorbonne, puis dans un DEA de relations internationales, pour devenir journaliste. Pigiste indépendante pendant deux ans, elle déchante rapidement :
« J’ai vite réalisé que l’insécurité financière ne me convenait pas, confie-t-elle ; être obligée de se vendre pour décrocher des papiers me mettait mal à l’aise ».
Hasard des rencontres et des opportunités, Odile Contat apprend qu’une librairie boulevard Bonne-Nouvelle est à la recherche d’une vendeuse à temps partiel. Il s’agit du premier magasin de la chaîne de librairies Mona Lisait fondée par René Baudoin. Ce qui n’était qu’un job provisoire destiné à payer son loyer se transforme alors en une page de vie de plus de dix ans. En 1991, elle fera partie de l’équipe qui créera la grande librairie Mona Lisait près de Beaubourg.
« Je suis tombée dans la librairie, explique cette passionnée de théâtre et de concerts de rock ; aux côtés de ce patron extraordinaire, un peu fou et bohème, j’ai suivi la création de ses différentes boutiques. Après sa mort en 1999, l’aventure m’a semblé moins intéressante et j’ai réfléchi à ce que j’allais faire ensuite ».
Journaliste, puis libraire, Odile Contat avait déjà utilisé deux vies.
Militante
Un bilan de compétence lui permet de découvrir le métier de documentaliste, dont elle avait auparavant une « vision poussiéreuse ». Aimant apprendre et se réinventer, Odile Contat prend un congé formation d’un an en 2002 et s’inscrit au DESS de documentation de l’INTD.
« J’ai dû m’accrocher, confie-t-elle ; il est difficile de se remettre à des études après dix ans de travail ».
Son diplôme en poche, elle est finalement embauchée au sein d’un important laboratoire d’économie du CNRS : le Centre d’économie de la Sorbonne.
« Je devais m’occuper de son site web, mais aussi mettre en place une archive ouverte pour offrir une visibilité aux publications des chercheurs, décrit-elle ; dans le domaine des sciences humaines et sociales (SHS), nous étions alors au tout début du mouvement de l’open access, dont je suis une militante ».
En 2010, Odile Contat intègre l’Institut des SHS au siège du CNRS, où elle travaille encore aujourd’hui et qui lui offre une vision globale des problématiques de l’accès à l’information dans le monde de la recherche. Ses missions s’articulent autour de trois axes : le soutien à l’édition scientifique, la promotion de l’open access et l’intégration de plusieurs bibliothèques du CNRS dans la grande bibliothèque de SHS du futur campus Condorcet Paris-Aubervilliers, le campus universitaire du nord de Paris, qui doit ouvrir en 2019.
« Accepter cette mission n’était pas raisonnable en terme de charge de travail, avoue-t-elle ; mais il était impossible de passer à côté d’un projet pareil ! »
Rencontres
Co-animatrice pendant six ans du secteur recherche de l’ADBS, Odile Contat croit à l’importance des rencontres et du partage qui ont jalonné son parcours :
« Le réseau est primordial, affirme-t-elle ; dans notre métier, se former constamment, rester connecté et ouvert aux opportunités est crucial ».
Odile Contat a également fondé avec une amie, il y a quelques mois, les Éditions Cadile (contraction de Carine et Odile), une association destinée à auto-éditer un livre pour enfant, « Basile, petit ours polaire, part à la pêche », publié en janvier 2016. Cette dernière aventure en date fait le lien entre les différentes étapes de son parcours : de la librairie à l’édition, elle a bouclé la boucle.
Elle like :
Son lieu préféré : « La rue du Poteau, dans le 18e arrondissement de Paris, où j’habite. J’aime m’y asseoir en terrasse pour boire un café, regarder les gens et y croiser des amis. Paris est un village ! »
Son support de lecture préféré : « Le papier, tant que les ebooks auront des DRM, qui prennent, selon moi, les lecteurs en otage ».
Son artiste préféré : « Ils sont deux : Modigliani, pour l’humanité de ses portraits, et Picasso, pour le voyage à travers l’histoire et la réinterprétation du monde qu’il nous offre ».