"Nous avons beaucoup utilisé le numérique en période de confinement et le numérique a rendu des services. On dit même qu'il a permis la résilience de notre société à travers le télétravail, le télé-enseignement et la télémédecine... Mais ce que les gens ignorent, c'est que le numérique consomme de l'énergie”, explique Jean-Michel Houllegatte, sénateur de la Manche (socialiste et républicain) et corapporteur d’une étude consacrée à l’empreinte environnementale de la filière du numérique (1).
L'impact environnemental de nos activités numériques est désormais bien connu : production de gaz à effet de serre, consommation d'énergie primaire, utilisation d'eau douce, augmentation du volume de déchets non recyclés. “Si rien n’est fait pour réduire son impact sur l’environnement, le numérique pourrait représenter près de 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France en 2040, soit une augmentation de 60 % par rapport à aujourd’hui”, soulignent les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.
Encourager la construction de data centers en France
Une fois le constat dressé, il faut passer aux propositions. Les sénateurs n’en manquent pas et avancent 25 suggestions qui vont de l’introduction d’une taxe carbone aux frontières européennes à la création d’un taux de TVA réduit sur la réparation de terminaux et l’acquisition d’objets électroniques reconditionnés, en passant par l’incitation à la construction de data centers en France.
Cette dernière proposition ne manquera pas d’étonner. Les data centers passent en effet pour les mauvais élèves en termes de consommation d’électricité. A ce jour, ces usines à données sont responsables de 14 % de l'empreinte carbone du numérique en France ; ce bilan pourrait augmenter de 86 % d’ici 2040. Mais du côté du Sénat, on estime qu’il faut encourager l’installation de data centers en France. A deux conditions : d’abord en conditionnant un avantage fiscal à des critères de performance environnementale. Ensuite en faisant un pari. L’étude du Sénat précise que l’installation de data centers peut aller de pair avec le souci écologique : “Les centres informatiques pourraient constituer un levier majeur de flexibilité locale permettant de stocker l’électricité des installations d’énergies renouvelables intermittentes”.
En termes concrets, cela signifie qu’un data center est en mesure de stocker des énergies renouvelables et les transférer vers un autre site. Selon le Gimélec (Groupement des entreprises de la filière électronumérique française), plusieurs pays européens ont déjà procédé à de telles expériences (Royaume-Uni, Norvège, Suède, Irlande). Pour les sénateurs, “la complémentarité entre le développement des data centers et le déploiement des énergies renouvelables pourrait être renforcée dans le cadre de stratégies territoriales”.
Concevoir des sites web moins consommateurs en données
Autre piste envisagée, promouvoir l’écoconception des sites web, notamment ceux du service public. De plus en plus répandue, l’écoconception consiste à concevoir une offre de produits (biens ou services) plus respectueux de l’environnement. “L’écoconception permet déjà de développer des services beaucoup moins consommateurs en données, sans dégrader le service rendu. L’écoconception constitue également un des leviers de lutte contre l’obsolescence des équipements numériques, dès lors qu’un site écoconçu est plus facile à charger sur un terminal ancien et peu performant”, précisent les auteurs de l’étude.
Lors de ses travaux, la commission s’est montrée particulièrement intéressée par une expérience venue d’outre-Rhin. La Deutsche Bahn (l'entreprise ferroviaire publique allemande) a démontré qu’il était possible de diviser par 1 350 la quantité de ressources informatiques nécessaires pour trouver l’horaire d’un train !
Et alors que le standard 5G est en approche, les sénateurs demandent une étude environnementale pour mesurer son impact et réduire le flou qui l’accompagne.