Sommaire du dossier :
- Réalité augmentée : un nouveau regard sur le patrimoine
- Réalité augmentée : trois applications qui revisitent le patrimoine à découvrir
- Réalité augmentée : "les bibliothécaires doivent mettre les mains dans le cambouis"
- Patrimoine : la bataille de la Marne en mode réalité augmentée
- Réalité augmentée : quand Bordeaux développe ses archives
- Réalité augmentée : la bibliothèque de la Cité des sciences et de l'industrie augmente ses collections
Les archives municipales de Bordeaux ont proposé au public de se plonger dans des photographies anciennes de la ville lors d’une exposition mêlant réalité augmentée et documents d'archives. Présentées en 3D et illustrées de renseignements historiques, elles ont permis aux visiteurs de faire un (premier ?) pas vers les archives.
Est-ce la prérogative d’un service d’archives que d’organiser une exposition valorisant ses documents anciens par le biais d’innovations techniques ? Son rôle ne serait-il pas plutôt de mettre à disposition ses documents pour que d’autres institutions culturelles se chargent ensuite de les valoriser ?
Frédéric Laux, directeur des archives municipales de Bordeaux, a dû répondre à ces questions lorsqu’il a présenté l’exposition « Le passé augmenté », un projet de reconstitution proposant de voyager dans la profondeur de photographies anciennes, lors du séminaire annuel des archivistes de France qui s’est tenu à Lyon en octobre 2014.
Conscient que la question du financement peut être bloquante, il est néanmoins convaincu que la valorisation d’archives par l’intermédiaire de dispositifs numériques constitue un pan à part entière du travail d’archiviste : « Alors que ce genre d’initiatives est pléthorique dans les musées, elles sont encore trop rares dans notre domaine, explique-t-il. Je suis pourtant persuadé qu’elles nous permettraient de toucher un public plus jeune et de faire entrer davantage de monde dans les archives ».
Entrer et se déplacer dans l’image
Il est certain que l’exposition « Le passé augmenté », qui s’est tenue de juin à septembre 2015 à l’intérieur et à l’extérieur du Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP), place de la Bourse à Bordeaux, y a contribué. Neuf agrandissements de photographies issues des fonds municipaux et
trois tableaux illustrant la ville ont été présentés au public. Équipé d’un smartphone ou d’une tablette sur lesquels l’application gratuite de l’exposition avait été préalablement installée, le visiteur n’avait qu’à viser l’image pour la découvrir en 3D, y entrer et s’y déplacer. Il pouvait également y découvrir des points remarquables ainsi que des anecdotes historiques en touchant l’écran.
C’est d’abord dans la tête de Mickaël Zancan que l’exposition est née. Le directeur du Studio 2Roqs, dédié à la création interactive et à l’animation en temps réel, avait déjà eu l’occasion de travailler sur des projets de 3D et d’interactivité pour un musée et un office de tourisme. Frustré par les limites des outils existants, le développeur avait créé à cette occasion son propre logiciel permettant d’entrer en 3D dans des documents anciens.
Mickaël Zancan entend parler en 2014 de l’appel à projets « services numériques culturels innovants » du ministère de la Culture. Il décide alors de monter un dossier sur le terrain des terminaux mobiles et sur le principe de la réalité augmentée. « Cet appel à projets devant s’accompagner d’un partenariat institutionnel, j’ai présenté un prototype fonctionnel à la mairie de Bordeaux deux jours seulement avant la clôture des candidatures, explique-t-il. J’ai pu ainsi obtenir le soutien logistique de la ville ».
Une fois reçu l’accord du ministère de la Culture, le projet s’accélère. « Mickaël Zancan est entré en contact avec moi lors des journées du patrimoine de septembre 2014, poursuit Frédéric Laux ; il m’a alors présenté son application, qui m’a immédiatement bluffé. Le ministère s’est d’ailleurs réjoui que le projet se déroule aux archives. Cela les a beaucoup intéressés ».
L’importance de la médiation
L’un des thèmes proposés par le ministère étant le tourisme, c’est vers des photographies anciennes témoignant de la mutation des espaces publics de la ville de Bordeaux que la sélection des documents de l’exposition s’est orientée. « Nous avons sélectionné les neuf photographies de l’exposition aux archives municipales, explique Mickaël Zancan ; elles devaient être intéressantes graphiquement, avoir une belle perspective et mettre en scène des badauds. Nous avons choisi de ne montrer que des bâtiments identifiables caractéristiques de la ville ». Trois musées de Bordeaux ont également chacun prêté un tableau, faisant ainsi monter à douze les documents présentés lors de l’exposition.
S’en est alors suivi un long travail de plusieurs mois pour la reconstitution et le traitement des photographies. La réalité augmentée devant également, outre le voyage en 3D, présenter des éléments informatifs à l’intérieur de chaque image, le photographe des archives municipales a pris des photos des lieux tels qu’ils sont aujourd’hui afin de compléter le document patrimonial. Des archivistes se sont également chargés de rédiger des petits textes historiques afin de renseigner le public sur certains détails des photographies.
Si les visiteurs ayant joué le jeu de l’exposition se sont dits surpris et ravis par le dispositif, certains ont tout de même eu du mal à se l’approprier. Mickaël Zancan insiste sur l’importance de la médiation : « Le fait de laisser le dispositif à l’usage exclusif des personnes est parfois laborieux, explique-t-il ; même si nous essayons de simplifier au maximum l’outil numérique, cet idéal ne se vérifie par toujours ».
Pourtant, le résultat est saisissant et chacun peut le constater, encore aujourd’hui, depuis son ordinateur - bien qu’en moins impressionnant. Il suffit pour cela de se rendre sur le site de l’exposition, d’ouvrir l’une des photographies présentées, puis de la viser à l’aide d’un smartphone ou d’une tablette sur lequel l’application « Le passé augmenté » aura été préalablement téléchargée. Bon voyage !