L'argument des archives départementales de la Vienne de mettre en avant sa qualité de producteur de base de données semble avoir atteint ses limites.
Est-ce la fin d'une affaire qui agite depuis des années le milieux des archives ? Il se pourrait en tout cas que les archives numérisées de la Vienne, et par extension les archives numérisées des autres départements de France, puissent être bientôt réutilisées et même commercialisées par les sociétés privées de généalogie, et notamment NotreFamille.com. C'est ce que semble signifier le Conseil d'Etat, par l'intermédiaire d'un arrêt publié il y a quelques jours, qui va à l'encontre de la décision prise il y a deux ans par la Cour administrative de Bordeaux, et qui interdisait alors à NotreFamille.com d'extraire et de réutiliser les contenus issus de la base de données des archives de la Vienne.
L'affaire
Ce contentieux est loin d'être nouveau. Cela fait maintenant plusieurs années qu'il oppose en effet le milieux des archives avec les sociétés privées de généralogie au sujet de la réutilisation, par ces entreprises, de documents produits ou reçus par les centres d'archives départementales, et notamment les registres d'etat civil. En effet, selon les établissement, les très onéreux projets de numérisation de ces archives (230 000 euros, selon le département de la Vienne) et les frais de leur mise à disposition justifient la mise en place de redevances destinées aux entreprises qui souhaiteraient réutiliser ces données. D'autre part, certains présidents de conseils généraux ont également refusé cette réutilisation des données par Notrefamille.com car celle-ci porterait atteinte aux dispositions de la loi Informatique et liberté de 1978, du fait de la présence de données à caractère personnel dans les documents publics.
Arguments
Dans le cas des archives de la Vienne, le Conseil général (aujourd'hui départemental) avait au départ interdit la captation des pages du site internet des archives départementales en avançant que la consultation des documents d'archives publiques devait s'effectuer en salle de lecture et sur le site internet, mais aussi que la cession de fichiers numériques d'archives constitués par le service des archives n'est autorisée que lorsqu'elle est nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service public. L'argument de sa qualité de producteur de base de données a également été mis en avant dans le but de se prémunir contre le développement des pratiques d'aspiration de données depuis un site cible.
De son côté, Notrefamille.com s'est insurgée contre ces refus sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978, qui consacre le principe de la libre réutilisation des données publiques, y compris à des fins commerciales depuis l'ordonnance du 6 juin 2005 sur la réutilisation des données publiques. C'est sur la base de ce principe que le tribunal administratif de Poitiers avait dans un premier temps, en janvier 2013, donné raison à Notrefamille.com.
Rebondissements
En février 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a finalement inversé cette décision, considérant que les archives de la Vienne pouvaient "légalement interdire l'extraction, sous forme de fichiers numériques complets, de tout ou partie du contenu de la base de données dont [le département de la Vienne] est propriétaire et leur réutilisation par la mise à disposition du public". Elle a alors estimé que le Conseil général n'avait pas souhaité commercialiser sa base de données et n'entravait donc pas, par conséquent, la libre concurrence des entreprises.
Le département condamné à payer 3 000 euros à Notrefamille.com
L'arrêt du Conseil d'Etat, rendu il y a quelques jours, rebat les cartes de ce contencieux, puisqu'il estime de son côté que "le producteur d'une base de données [ne peut pas] se prévaloir [...] du Code de la propriété intellectuelle pour interdire la réutilisation [...] du contenu de cette base", tout en renvoyant l'affaire devant la Cour d'appel de Bordeaux. Selon La Nouvelle République, la Cour d'appel de Bordeaux "devra se prononcer à nouveau sans guère avoir la possibilité de s'écarter des considérants du Conseil d'État". Ce dernier a d'ailleurs condamné le département à payer 3 000 euros, au titre des frais de justice, à Notrefamille.com.