Puy-de-Dôme, Var, Corrèze, Martinique, Hautes-Alpes, Cantal… On ne compte plus les services d’archives départementales qui ont fait le pari de l’indexation collaborative. En quelques années, ce mouvement qui sollicite la bonne volonté des Français a fait tache d’huile. Les citoyens répondent présents pour indexer un patrimoine documentaire qui va de l’état civil au recensement de la population en passant par des tables de succession et des images…
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Indexation des soldats morts durant la Première guerre mondiale
Les Archives départementales du Bas-Rhin ont profité du centenaire de la Première guerre mondiale pour lancer un drôle d’appel aux habitants : « Rejoignez le bataillon de l’indexation et participez à l’indexation des soldats morts durant la Première guerre mondiale ! ». Les AD 67 ont notamment invité les internautes à indexer les actes de décès des combattants morts entre 1914 et 1918. Tout citoyen peut rejoindre le bataillon en quelques minutes. Il lui suffit de créer un espace personnel sur le site des Archives départementales du Bas-Rhin. Un tutoriel vidéo lui est alors proposé afin de guider ses premiers pas.
La phase d’indexation peut alors commencer dans les règles de l’art : les informations doivent être renseignées selon un modèle précis (type d’acte, commune, date, nom et prénom du soldat, fonction, profession, commentaire). Une fois ces informations intégrées dans le formulaire, l’acte de décès du soldat est indexé. À tout moment, le contributeur peut revenir sur son travail pour modifier un élément d’indexation tout comme il peut sélectionner la commune sur laquelle il souhaite travailler. Notons que les autres indexeurs peuvent accéder aux indexations en cours, mais ne peuvent ni les modifier ni les supprimer.
Une fiche de consignes est également mise à disposition des contributeurs. On y trouve par exemple une instruction concernant le nom de famille : « À retranscrire tel qu’il figure dans l’acte. Les trémas sont à remplacer selon le modèle suivant : ä => ae, ö => oe, ü => ue. Lorsque le tréma se trouve par exemple sur un “y”, il est à supprimer ».
La dimension juridique de l’indexation collaborative n’a pas été oubliée notamment le volet consacré au droit d’auteur : « Les participants à cette entreprise d’indexation collaborative ne pourront pas se présenter comme auteur(s) », précisent les Archives départementales du Bas-Rhin.
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Indexation collaborative : des règles de saisie particulièrement exigeantes
La guerre de 1914-1918 a décidément provoqué des vocations au-delà des services d’archives départementales. Le ministère des Armées a lancé dès 2013 un programme d’annotation des fiches de la base « Morts pour la France » afin de permettre des recherches plus fines parmi les innombrables noms qui y sont recensés.
L’entreprise a été couronnée de succès. Alors que « seulement » 166 518 fiches avaient été indexées au mois d’avril 2015, le nombre de 1 832 232 fiches indexées a été atteint fin juillet 2019 !
Les contributeurs ont non seulement été valeureux, mais aussi disciplinés, car les règles de saisie étaient particulièrement exigeantes : les grades de soldat, les unités d’affectation et les matricules au recrutement ont fait l’objet de consignes extrêmement précises. En cas de difficulté, un webmestre était à la disposition des indexeurs pour répondre à leurs questions.
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Comment indexer un passeport intérieur ?
À Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), les Archives municipales ont eu l’idée de faire appel aux citoyens pour indexer des archives atypiques : des passeports intérieurs. Créés au moment de la Révolution française, ces passeports intérieurs étaient nécessaires pour sortir d’un canton. « Ils étaient délivrés par le maire de Saint-Brieuc. À partir de la fin du 19e siècle, suite à l’essor du chemin de fer, ils tombent en désuétude sans avoir été officiellement supprimés », expliquent les Archives municipales de Saint-Brieuc ; « ils font aujourd’hui partie des rares documents qui donnent une description physique de nos ancêtres ».
Pour les historiens et les démographes, ce corpus documentaire fournit également des informations de première main sur les mouvements de population au sein d’un département ou d’une région.
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Les volontaires sont invités à indexer ces passeports intérieurs et ont même la possibilité de choisir les documents sur lesquels ils souhaitent travailler grâce à un moteur de recherche : par nom de famille, par lieu de naissance, par métier, par destination… Ils doivent pour cela se rendre sur une plateforme externalisée (Zooniverse.org) qui propose un espace de travail divisé en deux parties : à gauche, l’image numérisée du passeport intérieur qu’il est possible de zoomer. On peut alors y lire — difficilement — des informations manuscrites portant sur l’âge, la taille, la couleur des yeux, la forme du visage, le type de nez, etc. À droite se trouvent les champs dédiés à l’indexation.
Dix-huit mois après leur mise en ligne, 60 % ces passeports ont été indexés. « Leur indexation, par tranches de 10 ans, permettra de retrouver ensuite, sur notre site, les documents numérisés en interrogeant par nom de personne, lieu de naissance, date de naissance, profession, domicile et destination », précisent les Archives municipales de Saint-Brieuc ; « étant donné l’importance numérique du fonds, il a été décidé de procéder par tranches. Trois tranches chronologiques seront proposées à l’indexation, chaque tranche pourra ainsi plus rapidement être mise en ligne et consultable ».
Faciliter l’accès aux décrets de naturalisation
Devant le succès rencontré par ces différents chantiers collaboratifs, les Archives nationales ont elles aussi fait appel aux bonnes volontés pour transcrire, annoter et indexer des fonds conservés sur ses différents sites. Au mois de mars dernier, le projet Natnum a été lancé afin d’annoter les décrets de naturalisation à partir de l’année 1887.
« D’une très grande richesse, les dossiers de naturalisation contiennent de nombreuses pièces relatives à l’état civil des personnes, à leur situation professionnelle et familiale, fournissant ainsi des renseignements très précieux aux recherches généalogiques », expliquent les Archives nationales. Ce projet a plusieurs objectifs : faciliter une recherche nominative dans la salle des inventaires virtuelle et accéder directement au numéro de dossier de naturalisation.
Là aussi, les contributeurs sont invités à respecter une procédure très précise : inscription, paramétrage du formulaire de saisie, accès aux décrets de naturalisation numérisés, indexation, validation et transmission du formulaire aux Archives nationales qui procèdent à un contrôle de la qualité de l’indexation.
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Quelques recommandations sont également dispensées aux contributeurs : « Les informations doivent être saisies telles qu’elles apparaissent dans les décrets (sans ajouter, modifier ou actualiser les données, de lieu en particulier) ». Et à tout instant, le volontaire peut accéder à d’autres recommandations via des bulles d’aide présentes dans les formulaires de saisie.
Les indexeurs peuvent alors savourer le fruit de leur travail : leurs contributions sont intégrées dans l’inventaire des décrets de naturalisation numérisés. Les usagers disposent alors d’un accès direct au numéro de dossier par interrogation nominative dans la salle des inventaires virtuelle des Archives nationales.
Sur leur lancée, les Archives nationales multiplient les initiatives d’indexation collaborative avec d’autres chantiers : indexer le répertoire des arrêts criminels du Parlement de Paris, exploiter les images des Ponts et Chaussées, relever les noms dans les contrats de mariage des commerçants…
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