Durée de conservation légale oblige, les hôpitaux confient les dossiers médicaux papier à des prestataires spécialisés. Un processus bien rôdé qui devrait durer en attendant le « futur » dossier patient dématérialisé.
Depuis sa parution au Journal officiel en juillet 2009, la loi hôpital, patients, santé, territoires autorise l’externalisation des archives médicales papiers des établissements hospitaliers. Une loi qui n’a fait qu’entériner un état de fait dans nombre de cas. Depuis 1990, l’hôpital Saint-Louis de l’AP -HP (Assistance publique-hôpitaux de Paris) externalise une bonne part de ses dossiers médicaux. La raison est simple. Compte tenu des délais de conservation légaux, de 20 ans à indéfiniment en fonction des informations médicales, il était impossible de tout garder sur site. Le service des archives a été ouvert en même temps que les nouveaux bâtiments en 1989. « Les archives sont dans ce qui était prévu pour être à l’origine un parking », rappelle en souriant Jenny Wattelier, responsable du service des archives. Le service garde en interne plus de 175 000 dossiers de patients. « Le chiffre exact est supérieur. Compte tenu des pathologies lourdes avec des épisodes récurrents pris en charge à Saint-Louis, un patient a souvent plusieurs dossiers. L’un d’eux en a 24 », détaille Jenny Wattelier. Ce volume correspond globalement aux trois dernières années et remplit la quasi-totalité des rayonnages disponibles sur le site. L’hôpital Saint-Louis propose 554 lits et autour de 50 consultations spécialisées et réalise « plus de 262 000 consultations par an », ajoute Jenny Wattelier. Conséquence, le nombre de mouvements de dossiers est important. Quotidiennement, entre 900 et 1 000 dossiers sont réclamés par les médecins, pour ceux qui sont conservés sur place, auxquels s’ajoutent de 80 à 100 dossiers reçus du prestataire d’archivage, en l’occurrence Recall. « Les dossiers patients reçus de Recall sont réintégrés pour une durée de trois ans en local », explique Jenny Wattelier. Motivations similaires pour l’institut Curie mondialement connu pour sa recherche sur le cancer. L’envolée du prix de mètre carré parisien et le manque de place se sont conjugués pour pousser l’institut à externaliser les dossiers médicaux des patients, imagerie médicale incluse. « Les dossiers antérieurs à 1998 sont envoyés chez le prestataire, en l’occurrence Locarchives », décrit Jocelyne Pègues, responsable des archives, des secrétariats médicaux et de l’accueil à l’institut Curie.
externalisation ne rime pas avec dématérialisation
Contrairement à Saint-Louis de l’AP-HP, l’institut Curie s’est engagé depuis longtemps dans un processus de dématérialisation des dossiers médicaux. « Depuis 1998, la plus grosse partie des informations médicales est directement saisie dans les bases de données sans passer par le papier », explique Jocelyne Pègues. Pendant les consultations, médecins et assistantes disposent chacun d’un ordinateur. Les premiers consultent les données sur écran, les secondes saisissent les données. Un dossier médical informatisé qui inclut motif des visites, comptes rendus opératoires, antécédents médicaux, courriers envoyés et reçus, etc. L’imagerie médicale est également numérisée et accessible par écran grâce à un module de PACS (picture archiving and communication system). Pour centraliser l’information médicale, les documents papiers provenant de l’extérieur de l’institut, les résultats d’analyses de sang et autres examens sont scannés puis versés dans les bases de données. « Le papier est ensuite jeté, ajoute Jocelyne Pègues ; pour faciliter la saisie des données, des applications filtrent les champs correspondant aux différentes pathologies. Au total, environ 200 masques de saisies sont disponibles ». Après habilitation, les médecins de ville peuvent avoir accès aux données de leurs patients via internet. À Saint-Louis en revanche, la totalité des documents médicaux restent sur papier dans le dossier. Quand des applications informatiques proposent les données, ces dernières sont des doublons du dossier papier. Un projet de dématérialisation est prévu pour les années à venir. Le projet inclut toutes les données concernant un patient, médicales, administratives et sociales.
demande de rapatriement en ligne
À Curie comme à Saint-Louis, la gestion des dossiers externalisés chez un prestataire ne pose pas de souci particulier. La première raison tient à l’expérience de cette pratique, depuis le début à Saint- Louis et de nombreuses années à Curie. Pour l’interne, le service des archives de Saint-Louis utilise GDM (gestion des dossiers médicaux), le logiciel développé par l’AP-HP. GDM prend en charge les prêts, retours, créations, réactualisations, et réintégrations des dossiers revenant du prestataire d’archivage. Pour ces derniers, le prestataire propose un service web. « Le logiciel en ligne de Recall permet d’identifier chaque dossier sorti. Et de demander son rapatriement dans la journée en cas de besoin », explique Jenny Wattelier. Pour répondre à ce besoin, le prestataire estampille chaque dossier avec un codebarres. Pour les envois physiques des dossiers chez le prestataire, l’organisation des locaux ressemble à celle d’un serpentin. « Je demande à Recall de prendre unepartie de l’année la plus ancienne. La place vide dans les rayonnages est ensuite occupée par les dossiers plus récents », explique Jenny Wattelier. Les rayonnages sont presque en permanence remplis. À Curie, le prestataire, Locarchives, propose également un service de suivi des archives via le web. Baptisé Sagaweb, le service « permet entre autre le retour d’un dossier le lendemain matin à la condition de faire la demande avant 11 heures », précise Jocelyne Pègues qui dispose d’une équipe de six archivistes. Les dossiers papier, et leur externalisation, devraient perdurer quelques années encore. À Curie, des raisons expliquent cette persistance. L’anesthésie, la pédiatrie, « plus précisément, la courbe staturo-pondérale », précise Jocelyne Pègues et des données ophtalmologiques ne sont pas encore intégrées dans les logiciels. À l’AP-HP, la dématérialisation du dossier patient n’est pas encore pour demain.
Repères
archiviste hospitalier : des situations contrastées
Dans le cadre d’une étude sur les archives hospitalières lancée fin 2006, le Centre national de l’expertise hospitalière a recensé à l’époque 3828 établissements. Ce chiffre se décompose en 2865 hôpitaux régionaux, généraux, locaux et maternités, dans les secteurs publics et EPSPH (établissements privés à but non lucratif participant au service public hospitalier en France). Le reste étant surtout représenté par des établissements médicalisés pour personnes âgées. Dans la plupart des petits établissements, la gestion des archives est dévolue à une secrétaire. « Ou parfois aux médecins qui établissent les codes pour le PMSI », souligne Jenny Wattelier. Ces derniers ont besoin de consulter les dossiers médicaux pour préciser l’activité médicale. Pour rappel le PMSI (projet de médicalisation des systèmes d'information) sert de base pour l’attribution des fonds aux hôpitaux en fonction de leur activité. Seules les institutions importantes disposent d’un service d’archives. Sur le terrain, « les archivistes sont souvent assez isolés. Et souvent pas des professionnels du domaine », souligne Nathalie Berriau, coordonnatrice d’Ascodopsy, un groupement d’intérêt public qui regroupe les archivistes des hôpitaux psychiatriques. « Notre association s’étend à d’autres domaines. Sauf quelques spécialités comme la maternité et la chirurgie », ajoute Nathalie Berriau. Aucune autre association d’archivistes hospitaliers n’est vraiment active. Une partie des professionnels sont adhérents de l’Association des archivistes français, l’AAF.