La mise en place d’un knowledge management est désormais approuvée par de nombreuses entreprises désireuses de valoriser et de partager leur savoir-faire. Il est en revanche plus délicat d’en mesurer les bénéfices en termes purement comptables.
Lors d’un colloque récent organisé par l’Institut français de l’intelligence économique, Bernard Besson, chargé de mission auprès d’Alain Juillet, le haut responsable de l’intelligence économique, rappelait que l’absence de partage de l’informationi avait été fatale à la navette spatiale Challenger. Des ingénieurs de la Nasa avaient en effet détecté des failles au niveau des tuiles qui recouvrent le fuselage du véhicule spatial et qui, en se détachant, risquaient de heurter les réservoirs de l’appareil. A huit reprises, ils lancèrent des avertissements qui ne parvinrent jamais à la personne compétente. Le 28 janvier 1986, Challenger explosa après 73 secondes de vol. Ce drame illustre la nécessité pour une entreprise de valoriser et de partager son savoir-faire.
une activité opérationnelle
Aujourd’hui, de nombreuses organisations sont convaincues de l’utilité du knowledge managementEnsemble de pratiques et d’outils visant à valoriser le patrimoine immatériel, et en particulier les connaissances d’une entreprise (documentation, gestion des compétences, etc.) Environnement qui encourage la création, le partage, l'enrichissement, la transmisson, la capitalisation et l'utilisation des connaissance pour le bénéfice des clients de l'entreprise et de ses collaborateurs.
">i (KM). En fonction de leurs besoins, elles mettent en place des solutions dont l’efficacité se mesure aux bénéfices qu’elles en tirent. Selon une étude réalisée par l’éditeur de logiciels Knowings portant sur les pratiques des utilisateurs, le KM constitue une activité opérationnelle en premier lieu pour la conception, la recherche et le développement (55 % des répondants), la vente et la relation client (49 %) et pour les fonctions de production (43 %). La gestion de projet apparaît également comme un domaine où le management des connaissancesKnowledge Management">i peut apporter une plus-value. Il est considéré comme un métier de base de l’entreprise et non comme une activité support ou accessoire.
Néanmoins, le KM reste minoritaire en comparaison de la veille Intelligence économique.
">i. Il est surtout motivé par la capitalisation du savoir et du partage des bonnes pratiques (46 % des répondants), par la création de réseaux collaboratifs d’échange d’expertise : développement de communautés de pratiques, mise en place d’annuaires d’experts… Parmi les 200 entreprises ayant répondu au questionnaire, une majorité souligne quatre facteurs clés de succès : mobilisation des équipes et engagement de la direction, KM orienté métier et adapté aux besoins du terrain, mise en place de progiciels souples et de moyens humains, création d’une culture du partage.
gains quantifiables
Gilles Balmisse, directeur associé du cabinet de conseil Knowledgeconsult, évoque dans son livre blanc Outils du KM Panorama, choix et mise en oeuvre la question du retour sur investissement et la qualifie de “délicate question???. En raison des investissements consentis pour la mise en place d’une plate-forme de KM, l’entreprise est fondée à en attendre des résultats significatifs à moyen terme. Parfois en attend-elle même des bénéfices immédiats… Gilles Balmisse avance pourtant que la métrique de retour sur investissement n’est pas forcément la mieux adaptée pour mesurer l’efficacité. La création directe de revenu ou la réduction de coûts sont deux indices qui permettent de calibrer le gain financier généré par un investissement. Or, ces indices sont trop rigides et ne rendent pas compte des « actifs immatériels qui sont les fondements même du knowledge management. » Il n’en reste pas moins que le calcul du retour sur investissement peut être envisagé dans certains cas. A condition de définir des objectifs et d’identifier un périmètre, il est possible de le chiffrer. En particulier, lorsque la plate-forme de KM a été mise en place pour accroître la productivité d’un processus particulier. Ainsi, l’installation d’une base de connaissancesi dans un centre d’appels permet-elle de réduire le temps de réponse des télé-conseillers. Gilles Balmisse souligne par ailleurs qu’il existe un certain nombre de méthodes d’évaluation des actifs immatériels opérationnelles dans certaines organisations. Parmi les plus connues figurent le balanced scorecard (tableau de bord équilibré) de Kaplan et Norton, la mesure des actifs immatériels de Karl Erik Sveiby et le capital immatériel de Edvinson et Malone.
Arcelor par exemple
La société Arcelor, deuxième producteur mondial d’acier, est née en 2002 de la fusion de trois sidérurgistes européens : Aceralia (Espagne), Arbed (Luxembourg) et Usinor (France). De nouveaux objectifs étant fixés à l’entité créée, elle s’est dotée d’une solution KM proposée par Knowings, afin de mettre en place des pratiques sur l’ensemble de ses usines installées dans de nombreux pays. Le partage d’expérience et de savoir-faire repose désormais sur trois étapes :
? Un forum de questions-réponses, où les dirigeants d’une usine bénéficient rapidement de l’expérience acquise dans d’autres usines en matière de soutien technique et de recherche et développement.
? Un système de pages jaunes identifiant les experts les plus pertinents pour chaque compétence.
? Une base documentaire partagée.
Arcelor a ainsi créé une “université d’entreprise? accessible aux dix mille managers de l’entreprise dans le but de généraliser une culture du partage et d’instaurer des interactions durables entre les différents acteurs du groupe. Joël Frigière, directeur des programmes de l’université, souligne que « chacun doit trouver un intérêt dans l’échange ; c’est là l’un des facteurs clés du succès des communautés pratiques. »
puissant levier
Dans un ouvrage paru dernièrement (1), la directrice générale de la société de conseil Nemesia, Joanna Pomian, souligne que les salariés sont généralement attachés aux produits qu’ils conçoivent, produisent et vendent. Cet intérêt porté au fruit de leur travail est un puissant levier pour réussir le management des connaissances. S’il est relativement difficile de calculer l’efficacité d’un KM en termes strictement comptables, sa mise en place contribue à stimuler l’organisation de l’entreprise et à valoriser les compétences autour d’un plan stratégique.
(1) Réussir le management des connaissances, Editions Sapientia, 2006.