Le cloud : les éditeurs sur un petit nuage

 

Identifié comme une tendance lourde et prometteuse, le cloud provoque une ruée des éditeurs. En un mouvement qui semble inéluctable, toutes les offres de dématérialisation évoluent dans ce sens. Si elles sont proclamées haut et fort, les clients, eux, préfèrent la discrétion.

C’est l’une des annonces de la rentrée 2012, Docuware, éditeur en Gestion électronique de documents, propose sa solution en cloud. Comme la version intégrée dans le système d’information existant, Docuware Online permet l’archivage et le traitement des documents papier, des e-mails et autres fichiers électroniques dans le cloud. Fonctionnellement, pas de changement entre les deux versions. C’est le même positionnement par exemple chez Esker pour la dématérialisation des factures clients ou fournisseurs ou le traitement des commandes clients qui obéissent au mode à la demande, un modèle engagé dès 2003. Confirmation encore chez Alfresco où, déclare Philippe Galland, vice-président régional Europe de l’Ouest, "le cloud est un moyen supplémentaire pour adopter la plateforme de gestion de contenu d’entreprise", mais celle-ci demeure la même.

Pour l’ensemble des éditeurs, pas question de proposer dans le cloud - ou software as a service (Saas), les deux termes paraissant synonymes dans les présentations - une offre dégradée par rapport aux solutions traditionnelles.

Le cloud permet même d’étendre le champ des fonctionnalités. Avec Mobile Capture, un client de Kofax peut désormais capturer un document à partir de son smartphone ou de sa tablette et le transmettre via un service cloud hébergé sur Microsoft Azure.

affichage des prix

Si changement il y a, il concerne l’affichage des prix qui gagne en transparence. "Avant" est-on tenté de dire, pour le mode licence, il était difficile d’obtenir une information publique sur le prix. A cette question, invariablement, les éditeurs répondaient : cela dépend du nombre d’utilisateurs, on compte par CPU (1), il faut voir la volumétrie, les types de documents, la taille de l’entreprise… Au mieux obtenait-on une fourchette de prix ou le coût moyen d’un projet, licence et maintenance confondus.

Aujourd’hui, les consommateurs de dématérialisation sont peut-être en train de remporter une victoire : les prix cloud sont fréquemment affichés. Un utilisateur d’Alfresco peut commencer à utiliser la plateforme gratuitement, il lui suffit de disposer d’une adresse mail et 10 Go de stockage lui sont ouverts. Pour aller plus loin, la prestation est tarifée. A partir de 5 utilisateurs et jusqu’à 500 Go, il en coûte 49 dollars par mois et 9 dollars par mois par utilisateur supplémentaire. Au-delà de 500 utilisateurs et pour un stockage illimité, le site de l’éditeur informe : "veuillez nous contacter".

Plusieurs niveaux de prix figurent également chez Docuware, à travers deux packs : un pack professionnel (490 euros par mois pour stocker jusqu'à 100 000 documents, et un surcoût de trois euros tous les 1 000 documents supplémentaires) et un pack entreprise (990 euros par mois, 500 000 documents, et surcoût de 1,50 euro tous les 1 000 documents supplémentaires).

secret d’Etat

Les clients sont-ils satisfaits des offres cloud ? Leurs prévisions budgétaires sont-elles fidèlement respectées ? Difficile de répondre. Certes des "références" sont parfois mises en avant par les éditeurs, mais aucune de nos diverses et nombreuses sollicitations pour obtenir un témoignage n’a pu aboutir… "Trop tôt pour évoquer le projet" et "on ne communique pas" sont les arguments avancés. Comme si un véritable secret d’Etat pesait sur ces choix informatiques. A moins que l’on craigne de révéler une possible faille dans sa sécurité, travers volontiers prêté au cloud.

Les prestataires cherchent à rassurer sur ce point. Docuware insiste sur les enregistrements redondants et sécurisés des documents et l’accès aux données par SSL/HTTPS. De plus, des garanties sont avancées quant à la sécurité de son data center.

D’ailleurs, où les serveurs se situent-ils ? La question revient souvent de la part des clients français ou allemands, remarque Philippe Galland. Pour l’heure, si Alfresco recourt à des serveurs de l’américain Amazon, des négociations sont en cours pour obtenir un hébergement sur le sol européen. Parallèlement, un partenariat technologique a été signé avec Activity, spécialiste en assurance de l’information.

résultat palpable

Reste pour les prestataires un résultat déjà palpable. Jean-Michel Bérard, président du directoire d’Esker, le constate : "Nous récoltons aujourd’hui les fruits de cette stratégie en réalisant une croissance de près de 30 %. En 2011, 48 % de notre chiffre d'affaires a ainsi été réalisé grâce au cloud computing". Sortie début 2012 et disponible seulement en mars, la solution d’Alfresco représenterait aujourd'hui 10 % de l'activité globale du prestataire.

Dans le contexte économique difficile qui s’annonce encore pour les mois à venir, les progrès du cloud apporteront peut-être aux éditeurs une certaine sérénité.

(1) CPU, Central processing unit : unité de traitement ou microprocesseur principal d'un ordinateur. 

Les podcasts d'Archimag
Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.