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La numérisation en bibliothèque : quels droits pour quelles oeuvres ?

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    La numérisation pose des problèmes d'ordre juridique
  • Les facilités techniques de la numérisation ont permis de mettre en exergue les freins juridiques, freins auxquels on ne pensait pas tant que les outils de reproduction et de stockage de masse n’existaient pas. Sur le terrain de la numérisation en établissement culturel ou scientifique, dont les bibliothèques publiques ou universitaires font partie, des espaces de liberté sont ouverts, certains de manière subreptice.

    Nous faisons ici le point sur le périmètre de la liberté de numériser « en bibliothèque », sachant que ce périmètre couvre également d’autres établissements culturels tels que musées et services d’archives.

    1. Trois périmètres ​d’œuvres

    Il faut considérer trois cercles d’application, supposant des degrés de liberté et des périmètres d’exploitation variables :

    • l’exception de numérisation en bibliothèque d’œuvres pleinement protégées ;
    • la numérisation des œuvres dites orphelines ;
    • les œuvres tombées dans le domaine public (en général 70 années civiles après celle du décès de l’auteur).

    2. L’exception de numérisation en bibliothèque

    L’exception pour les bibliothèques, inscrite dans notre droit d’auteur depuis 2006 a empli de perplexité les bibliothécaires et les juristes.

    La laborieuse exception de la loi DADVSI du 1er août 2006

    Le législateur français a voulu cumuler plusieurs exceptions prévues dans la directive 2001/29/CE (DADVSI) au profit des bibliothèques et autres établissements culturels. Le résultat fut l’incompréhensible rédaction de l’article L.122-5, 8°, qu’il a fallu subir plus de trois ans : « La reproduction d’une œuvre, effectuée à des fins de conservation ou destinée à préserver les conditions de sa consultation sur place par des bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d’archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial ». Si certains aspects paraissaient clairs (« à des fins de conservation »), de nombreux autres restaient abscons. À tel point qu’il a fallu corriger le texte.

    Une récriture guère plus lumineuse en 2009

    Le début du même article est donc devenu, dans sa rédaction de la loi du 12 juin 2009 (Hadopi 1) : « La reproduction d’une œuvre et sa représentation effectuées à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de sa consultation à des fins de recherche ou d’études privées par des particuliers, dans les locaux de l’établissement et sur des terminaux dédiés par des bibliothèques... ». Même si la rédaction n’est guère plus limpide, elle a le mérite de se rapprocher des termes mêmes de deux exceptions prévues par la directive d’origine. Mais le récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne vient éclairer pratiquement l’exception.

    L’arrêt de la CJUE

    • Les faits

    Le Bundesgerichtshof (Cour de justice fédérale allemande) devait se prononcer sur un litige opposant l’Université technique de Darmstadt (Technische Universität Darmstadt) à l’éditeur allemand, Eugen Ulmer KG. La bibliothèque de cette université avait numérisé un livre édité par Ulmer et le proposait à la consultation sur ses postes de lecture numérique. L’éditeur lui proposait d’acquérir et d’utiliser sous forme de licences numériques les manuels qu’il édite, dont l’ouvrage en question. La bibliothèque n’y ayant pas souscrit, l’éditeur a donc cherché à interdire la numérisation de l’ouvrage par la bibliothèque et voulu également interdire, à partir de la consultation numérique sur place, l’impression ou le stockage de l’ouvrage sur une clé USB par les usagers.

    La Cour fédérale allemande a donc saisi le CJUE pour lui demander de préciser la portée et les contours des exceptions prévues dans la directive de 2001, mises en œuvre par la bibliothèque, et que l’Allemagne, tout comme la France, a transposées dans sa législation.

    • Réaffirmation de l’exception pour les bibliothèques

    Dans son arrêt du 11 septembre, « la Cour déclare tout d’abord que, même si le titulaire de droits offre à une bibliothèque de conclure à des conditions adéquates des contrats de licence d’utilisation de son œuvre, la bibliothèque peut se prévaloir de l’exception prévue au profit des terminaux spécialisés, faute de quoi celle-ci ne pourrait pas réaliser sa mission fondamentale ni promouvoir l’intérêt public lié à la promotion des recherches et des études privées » (communiqué de la CJUE).

    En d’autres termes, l’exception pour les bibliothèques joue pleinement, lorsque ses conditions de mise en œuvre sont réunies, même face à une offre numérique payante de l’éditeur (article 5 paragraphe 3, point n de la directive : « Uilisation, par communication ou mise à disposition, à des fins de recherches ou d’études privées, au moyen de terminaux spécialisés, à des particuliers dans les locaux des établissements visés au paragraphe 2, point c) [voir ci-dessous], d’œuvres et autres objets protégés faisant partie de leur collection »).

    • L’exception de consultation numérique sur place implique l’exception de numérisation

    « La Cour juge ensuite que la directive ne s’oppose pas à ce que les États membres accordent aux bibliothèques le droit de numériser les œuvres de leur collection, lorsqu’il s’avère nécessaire, à des fins de recherches ou d’études privées, de mettre ces œuvres à la disposition des particuliers au moyen de terminaux spécialisés ».

    Il s’agit là de la combinaison de l’article cité ci-dessus et du même article 5, paragraphe 2 point c : « Actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des établissements d’enseignement ou des musées ou par des archives ».

    • Conserver toute sa substance à l’exception

    « En effet, toujours selon la Cour, le droit des bibliothèques de communiquer, au moyen de terminaux spécialisés, les œuvres qu’elles détiennent dans leur collection risquerait d’être vidé d’une grande partie de sa substance voire de son effet utile, si elles ne disposaient pas d’un droit accessoire de numérisation des œuvres concernées. »

    • Des limites quant à la réutilisation externe…

    « En revanche, la Cour déclare que ce droit de communication dont les bibliothèques accessibles au public peuvent être investies ne saurait permettre aux particuliers d’imprimer les œuvres sur papier ni de les stocker sur une clé USB à partir de terminaux spécialisés. »

    • … sauf si une exception nationale le prévoit

    La Cour ajoute toutefois que « les États membres peuvent […] prévoir une exception ou une limitation au droit exclusif de reproduction des titulaires de droits et permettre ainsi aux utilisateurs d’une bibliothèque d’imprimer les œuvres sur papier ou de les stocker sur une clé USB à partir des terminaux spécialisés. Pour cela, il faut notamment qu’une compensation équitable soit versée aux titulaires de droits ».

    Il s’agit là des exceptions visées à l’article 5 paragraphe 2 points a et b de la directive : « copies papier ou assimilées », « copies sur tout support à usage privé d’une personne physique, moyennant une compensation équitable ».

    • en synthèse...

    L’exception pour les bibliothèques – introduite en 2006 dans notre code de la propriété intellectuelle – a longtemps fait figure de monstre de par sa rédaction absconse. Sa nouvelle rédaction issue de la loi du 12 juin 2009 a un peu précisé le sens du texte. L’arrêt de la CJUE nous éclaire plus encore…

    Les bibliothèques accessibles au public, musées et services d’archives peuvent numériser des œuvres qui sont en leur possession :

    • à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de sa consultation ;
    • par des particuliers ;
    • à des fins de recherche ou d’études privées ;
    • dans les locaux de l’établissement et sur des terminaux dédiés (article L.122-5 8°, CPI).

    Les usagers de ces terminaux de consultation peuvent imprimer ou télécharger ces œuvres à condition que soient réunis les critères requis pour l’« exception d’usage privé du copiste » :

    • copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite ;
    • strictement réservées à l’usage privé du copiste ;
    • non destinées à une utilisation collective ;
    • moyennant une compensation équitable.

    (article L.122-5 2°, CPI)

    On mesure ainsi beaucoup mieux l’espace de liberté qui est donné aux bibliothèques.

    Quant à la « compensation équitable », elle est déjà effective en France de par le système institué par la loi du 3 juillet 1985 : la rémunération pour copie privée, assise sur les supports audio, vidéo et numériques vierges.

    _______________________________________________________________________________________________________________

    + repères

    Le droit applicable

    • Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, dite DADVSI, notamment articles 5, §2, a, b et c, §3, n.
    • Arrêt de la CJUE du 11 septembre 2014.
    • Code la propriété intellectuelle article L.122-5 8°.
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    Couv280
    Les situations de mobilité se multiplient dans les entreprises, attention de les raccorder à la question de la gouvernance de l'information. Car si la mobilité est en soi une simplification - on travaille connecté, d'où l'on veut, au plus proche du client... - elle n'est pas forcément vécue comme telle du côté du management du système d'information.
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