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Entrez dans les coulisses des bibliothèques productrices de vidéos !

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    Ludovic présente l’agenda des ateliers numériques de la médiathèque de la Canopée la Fontaine, à Paris, en langue des signes. (DR)
  • Non, les bibliothèques ne se contentent pas de signaler et de mettre à disposition des vidéos pour leurs publics. Elles en produisent aussi ! Mais pourquoi se lancent-elles dans de tels projets et comment les mettent-elles en œuvre ? Retour sur trois initiatives en bibliothèque municipale et en bibliothèques universitaires : celles de la bibliothèque Canopée la Fontaine (Paris), celle de la bibliothèque de l’École Polytechnique et celle de l’université Paris-Saclay.

    Sommaire du dossier :

    Si vous vous êtes déjà promenés dans le quartier récemment réaménagé des Halles, à Paris, sans doute avez-vous foulé le parvis de la Canopée qui abrite divers espaces culturels et commerces.

    Un écran s’y tient, à destination des passants, sur lequel se succèdent des informations sur la toute jeune médiathèque qui occupe le premier étage de la structure : celle de la Canopée la Fontaine.

    Des vidéos créées par les bibliothécaires

    Depuis cet écran, on peut aussi découvrir des vidéos qu’elle a elle-même produites. Si, parmi la centaine de vidéos créées — les premières avant même l’ouverture de la médiathèque — une grande partie sont en langue des signes française (LSF) pour favoriser l’accès et l’inclusion de la communauté des sourds dans l’établissement, la médiathèque communique régulièrement en vidéo pour faire sa promotion ou rendre compte d’événements et d’ateliers.

    Ces vidéos, qui sont également diffusées sur sa chaîne YouTube, ont toutes été créées par ses bibliothécaires.

    Les usagers plébicitent ces vidéos

    L’équipe de la médiathèque a eu trois ans pour préparer son ouverture, qui a eu lieu en avril 2016. Forte d’un poste de chargé de communication inscrit dans son organigramme, l’équipe a réfléchi très en amont sur la manière d’échanger avec son public.

    Durant cette phase de réflexion, la vidéo s’est rapidement imposée comme un vecteur incontournable :

    "La vidéo est très plébiscitée par les utilisateurs", explique Fanny Conte, responsable du pôle sourds et services numériques de la médiathèque de la Canopée la Fontaine ; "avant l’ouverture, elle a participé à l’implantation douce de l’établissement sur le territoire, en personnifiant le service. Depuis l’ouverture, elle contribue à changer l’image des bibliothèques et des bibliothécaires".

    Et le pôle sourds n’est pas en reste. Si toute l’équipe a été formée à la langue des signes, le pôle dispose de plusieurs agents sourds dont l’un est justement en charge des vidéos.

    Aucune formation à la vidéo pour les bibliothécaires

    "Il s’est autoformé sur le logiciel Adobe Première Pro et adopte une politique éditoriale fun et décalée qui s’inspire des codes YouTube", poursuit Fanny Conte ; "il est très autonome.

    Aucun des membres de l’équipe n’a reçu de formation en vidéo durant ses études.

    "L’équipe est assez curieuse et rarement contre essayer de nouvelles choses", poursuit la bibliothécaire ; "mais il faut de la formation et de l’accompagnement afin de rendre ces vidéos attractives et pour que les professionnels puissent en mesurer l’efficacité dans leurs échanges avec le public".

    À ce sujet, les statistiques des vidéos restent en effet frustrantes : que ce soit sur Facebook ou YouTube, elles sont rarement regardées en entier.

    "Nous manquons de retours", regrette Fanny Conte, "car il y a un gap entre le public qui fréquente la médiathèque et celui qui la suit sur les réseaux sociaux. Celui-là reste assez flou".

    Néanmoins, la pertinence des vidéos pour le public sourd est indéniable :

    "Beaucoup ont l’information d’un événement par ce biais et se déplacent", confirme Fanny Conte.

    L’équipe, qui organisera cet été une formation en interne et testera des applications pour simplifier sa production de vidéos, souhaite poursuivre dans cette voie :

    "Nous restons très convaincus de l’utilité des vidéos », conclut Fanny Conte ; « de toute façon, le pôle sourds ne pourrait pas s’en passer".

    Des vidéos dédiées au e-learning

    Les médiathèques ne sont pas les seules à s’emparer du format vidéo. Dès 2015, la bibliothèque de l’École Polytechnique, à Paris, a commencé à réfléchir au moyen de contourner une problématique : la faible participation de ses étudiants à la formation sur la recherche documentaire qu’elle organise alors en présentiel pour les deuxièmes années.

    "Le cursus des élèves polytechniciens est surchargé", confirme Vanessa Richard, la responsable des services accueil, information et communication de la bibliothèque ; "il fallait suppléer le présentiel, qui était peu probant".

    L’école disposant d’un service dédié au e-learning, l’idée de créer un Mooc germe alors :

    "Il était plus pertinent pour l’établissement que ce cours vienne rejoindre les autres Mooc que nous avions créés au sein d’un seul et même ensemble, dans Coursera, aux côtés d’autres établissements reconnus", confirme Eric Vantroeyen, responsable de la mission e-learning de Polytechnique ; "et un Mooc permet aux étudiants d’être actifs dans leur démarche d’apprentissage".

    Des vidéos aux Moocs

    Huit mois ont été nécessaires pour créer ce Mooc. La bibliothèque a pu bénéficier des ressources de la mission e-learning de l’école pour le concrétiser, c’est-à-dire cinq personnes spécialisées en graphisme, en ingénierie audiovisuelle (cadreurs, monteurs) et en ingénierie pédagogique.

    "Si nous n’avions pas eu ce service à disposition et l’espace technique nécessaire, cela aurait été très compliqué", confirme Vanessa Richard.

    Lancé en juin 2016, le Mooc est une vraie réussite : noté 4,3 sur 5, il cumule plus de 10 500 inscrits.

    "Les personnes qui s’inscrivent au cours vont bien au-delà de nos étudiants", poursuit Eric Vantroeyen ; "des établissements francophones dirigent leurs étudiants vers notre cours. Il en arrive du monde entier".

    La prochaine étape pour la bibliothèque : travailler sur une version anglaise du Mooc.

    Des vidéos pour dématérialiser l'apprentissage

    Même réflexion dans les universités, qui souhaitent également dématérialiser l’apprentissage pour lui apporter plus de flexibilité. La direction de l’université Paris-Saclay, une communauté d’universités et établissements (Comue) qui deviendra une université de plein exercice en 2020, s’est lancée dans ce type de réflexion début 2017 : elle souhaitait développer des outils sur la recherche bibliographique qui soient pratiques, agréables, estampillés par l’établissement et vers lesquels les professeurs pourraient renvoyer leurs étudiants de master 2.

    Favoriser la réutilisation des vidéos

    Un groupe de travail réunissant des bibliothécaires et des enseignants de cinq universités a été mis en place avec un budget spécifique de 70 000 euros.

    "Nous avons fait un benchmark de différentes vidéos produites par des bibliothèques", se souvient Marie-Estelle Créhalet, directrice des bibliothèques de Centrale Supélec, qui a codirigé le projet ; "nous avons ainsi repéré des écueils à éviter : l’aspect daté des vidéos, à cause des vêtements notamment, l’échec du ton humoristique qui tombe souvent à plat et la longueur de certaines vidéos qui nuit à l’attention".

    Le choix se porte donc sur la création de vidéos d’animation intemporelles de 2 minutes 30 maximum, en langue française sous-titrée en anglais. Autre impératif : héberger ces vidéos sur YouTube pour favoriser leur réutilisation et leur intégration dans n’importe quel type de formation.

    Des projets de vidéos qui en appellent d'autres

    Suite à un appel d’offres, c’est la société Topo Vidéo, spécialisée dans la vidéo d’animation, qui est alors retenue.

    "Nous avons géré les relations avec le prestataire", poursuit Marie-Estelle Créhalet ; "nous avons notamment rédigé le premier script, validé le storyboard, vérifié la cohérence des situations et de l’ensemble, et relu la voix off. Personne n’imaginait la rigueur qu’impose un tel projet. Ce fut extrêmement formateur".

    Les statistiques de la vingtaine de vidéos créées sont excellentes. Mises en ligne en septembre 2018, elles totalisent à ce jour 18 083 vues.

    "Les retours des formateurs qui les intègrent dans leurs cours sont très positifs", rapporte Marie-Estelle Créhalet ; "et nous recevons des demandes d’autres établissements pour les utiliser".

    Une playlist de huit nouvelles vidéos est actuellement en cours de création et un nouveau projet de vidéos, cette fois-ci destinées aux doctorants, est à l’étude. 

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