Article réservé aux abonnés Archimag.com

Des bibliothèques universitaires entre reprofilage des postes, décrochage des moyens et production de données

  • bnu-strasbourg-bibliotheques-universitaires-enjeux-2023.jpg

    bibliotheque-universitaire-intelligence-artificielle-open-access
    Salle de travail de la Bnu Strasbourg. (Bnu Strasbourg)
  • Les bibliothèques universitaires connaissent des taux de fréquentation élevés et se voient confier de nouvelles missions qui s’ajoutent à leur cœur de métier historique. Mais les moyens qui leur sont alloués ne cessent de stagner. Voici ce qui les attend…

    mail Découvrez Le Bibliothécaire Innovant, la newsletter thématique gratuite d'Archimag dédiée aux professionnels des bibliothèques et de la conservation !


    Au sommaire :


    En 2019, les bibliothèques universitaires (BU) françaises ont enregistré plus de 70 millions d’entrées (étude du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2021). Soit une hausse de dix millions par rapport à 2011 !

    Voilà un chiffre qui remet les pendules à l’heure, alors que certains fantasment sur une fuite imaginaire des usagers au profit du tout web. Et si la crise sanitaire du Covid-19 a momentanément enrayé la fréquentation, les usagers ont progressivement retrouvé l’usage des salles de lecture et des ressources documentaires mises à leur disposition. Pour autant, les BU n’hésitent pas à se remettre en question et à repenser leurs missions.

    « À la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, nous sommes proches de la saturation », confirme Alain Colas, directeur de la Bnu Strasbourg. « Les étudiants sont toujours très nombreux à fréquenter nos salles de lecture et nous assurons nos missions socles qui sont d’offrir une documentation de qualité dans le domaine des sciences humaines et sociales ainsi que l’accompagnement dans les projets de recherche. Par ailleurs, nous menons également une mission de conservation du patrimoine universitaire ».

    Lire aussi : La bibliothèque de demain : "Les bibliothécaires peuvent accompagner les usagers dans les nouvelles technologies"

    La Bnu Strasbourg est en effet un établissement atypique dans la sphère de l’enseignement supérieur. Cette vénérable institution, qui a célébré ses 150 ans en 2021, est la seule bibliothèque qui a le statut d’établissement public à caractère administratif.

    Ses collections figurent parmi les plus riches de France : 3,5 millions de documents composés de monographies, bien sûr, mais aussi de manuscrits, d’incunables, de tablettes cunéiformes, d’archives… Sans oublier la bibliothèque patrimoniale numérique Numistral.

    Et ses horaires d’ouverture couvrent tous les jours de la semaine (y compris le dimanche) pour atteindre 80 heures hebdomadaires. Avec 30 000 inscrits, elle enregistre chaque année 700 000 entrées. Au total, pas moins de 182 personnes (agents, contractuels et renfort étudiant) font vivre l’établissement.

    Promouvoir les projets numériques innovants

    En quelques années, la Bnu Strasbourg a développé de nouveaux services pour s’adapter à la fois aux demandes des usagers et aux nouveaux usages numériques. « Nous proposons des formations à l’information, nous faisons de la valorisation scientifique et de la médiation dans nos espaces muséographiques, nous intervenons également dans la lutte contre la désinformation », souligne Alain Colas.

    Autant d’initiatives qui ont été parachevées par la création, au mois de janvier dernier, du Lab Bnu qui a vocation à promouvoir les activités et les projets numériques innovants en interne et à destination du public. Cette structure rassemble différents acteurs qui travaillent à la culture de la donnée et a vocation, par exemple, à accompagner des projets scientifiques dédiés à l’exploitation de la data.

    À Strasbourg, on considère que « l’intelligence artificielle arrive à point, car c’est un outil d’accélération de la transition numérique. Les bibliothèques doivent intervenir dans ce débat, car elles produisent des données et des métadonnées de qualité.

    Lire aussi : Open access : définition, actualité et enjeux

    Pour que l’IA donne des résultats, il lui faut des données de qualité. Nos enjeux portent donc sur la qualité des sources et des données pour que leur exploitation soit optimisée.

    Il faut cependant parvenir à une industrialisation de cette production de données. Cela demande de gros investissements qui relèvent de politique publique. Il ne faut pas laisser aux seules mains du privé le développement de l’IA.

    Les acteurs académiques doivent avoir les moyens d’investir le champ de l’intelligence artificielle. En matière de production, c’est d’ailleurs ce que promeut déjà le portail de revues scientifiques Persée en proposant une numérisation enrichie. »

    Difficultés de recrutement

    Alors que ces nouvelles missions s’ajoutent à leur cœur de métier historique, les bibliothécaires doivent-ils s’adapter ? Comme d’autres établissements, la Bnu reconnaît des difficultés de recrutement pour certains postes : développeur informatique, experts en humanités numériques…

    « Ces formations ne sont pas suffisamment développées à l’université », constate Alain Colas. « Nos équipes se forment en interne et nous faisons appel à des contractuels. Nous venons par exemple de reprofiler un poste vacant de conservateur pour l’appui à la recherche. »

    Les BU assurent un grand périmètre de missions qu’une même personne ne peut couvrir. Plus que des spécialistes, il leur faut trouver des professionnels dotés de profils assez diversifiés.

    Lire aussi : Le Grand équipement documentaire du Campus Condorcet devient "Humathèque Condorcet"

    « Il y a deux ans, nous avons retravaillé toutes les fiches de poste de la Bnu en les reprofilant sur la base de la polyvalence, tout en évitant la dispersion des fonctions à assurer. Pour autant, c’est ce genre de profils dont nous avons besoin aujourd’hui. Pour les générations futures, il n’y aura pas le choix. À titre d’exemple, il faudra faire avec l’IA notamment qui va inévitablement s’intégrer dans nos métiers. »

    Attention au décrochage des moyens alloués aux BU !

    Marc Martinez, président de l’Association française des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation (ADBU), décrit les enjeux des BU et de leurs professionnels pour les années à venir.

    À quels défis les BU sont-elles confrontées en 2023 ?

    Elles sont confrontées aux mêmes défis que ceux auxquels doivent faire face les établissements et organismes de l’enseignement supérieur et de la recherche dont elles sont les opérateurs documentaires : massification des étudiants, mais aussi diversification des parcours et des formations ; développement de la science ouverte pour accompagner des communautés de recherche, mais aussi des positionnements stratégiques au niveau local, régional, national et international ; diffusion massive du numérique ; développement d’une approche globale de la vie et de la réussite étudiantes.

    S’y ajoutent des défis que l’on pourrait qualifier « d’économiques » : le décrochage des moyens consacrés aux bibliothèques remet en question leur capacité à fournir les ressources et services documentaires nécessaires aux activités de formation et de recherche. Il fait peser une menace sur le bon fonctionnement des BU comme lieux d’études, de travail et de vie.

    Comment les BU doivent-elles se positionner face à l’intelligence artificielle générative du type ChatGPT ?

    Les BU sont à la fois des acteurs, des médiateurs et des utilisateurs d’outils d’IA. Acteurs, car les données produites ou gérées par les BU alimentent les IA quantitativement et qualitativement.

    Lire aussi : ChatGPT, Bard... 3 conseils pour protéger ses données personnelles

    Médiateurs, car les BU forment les usagers aux compétences informationnelles permettant notamment une utilisation maîtrisée et raisonnée des IA. Utilisateurs, enfin car l’IA peut favoriser l’émergence de nouveaux services aux usagers au sein des BU ou à distance.

    Comment les bibliothécaires doivent-ils être accompagnés face à ces nouveaux enjeux ?

    Au-delà des moyens humains et financiers nécessaires, l’accompagnement des bibliothécaires passe par une identification des fonctions impactées, en distinguant les facteurs propres aux BU ou à l’ESR et les facteurs externes (sociaux et politiques).

    L’ADBU a mené ce travail dans le cadre de son étude sur l’évolution des métiers, qui définit également les compétences à renforcer et dessine les pistes d’accompagnement et les chantiers prioritaires.

    Cet article vous intéresse? Retrouvez-le en intégralité dans le magazine Archimag !
    bibliotheques-enjeux-2023
    Acteurs majeurs de la culture, de l’éducation et de la recherche, les bibliothèques font face à des enjeux spécifiques et protéiformes, en interne et pour leurs publics (mutation des usages numériques, inclusion, open access, conduite du changement, écoresponsabilité, etc.). En première ligne, des professionnels aux compétences et aux outils en constante évolution, tour à tour gestionnaires de collections, conservateurs, médiateurs, formateurs ou pilotes, qui doivent faire preuve de créativité et d’innovation pour rester attractifs et répondre aux besoins de leurs usagers. Découvrez dans ce dossier à quels enjeux les bibliothèques municipales, départementales, universitaires et spécialisées doivent-elles faire face en 2023.
    Acheter ce numéro  ou  Abonnez-vous
    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.

    sponsoring_display_archimag_episode_6.gif