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Au mois de juillet 2022, la médiathèque parisienne de La Canopée recevait le Prix Ifla du meilleur projet mondial de bibliothèque verte. Une récompense qui est venue couronner le travail entrepris depuis plusieurs années par l’établissement pour réduire son empreinte environnementale.
Quelques semaines plus tard, l’Association des bibliothécaires français (ABF) se dotait d’une nouvelle commission baptisée « Bibliothèques vertes ». Objectif : sensibiliser les bibliothécaires aux enjeux de l’environnement et les accompagner dans la réduction de leur consommation d’énergie.
Car même si elles sont très loin de rivaliser avec d’autres secteurs, comme le transport aérien, les bibliothèques ont bien une empreinte environnementale. Celle-ci se calcule sur la base de plusieurs indicateurs : consommation d’eau et de papier, d’énergie de chauffage, d’électricité, production de déchets, émissions de dioxyde de carbone (CO2), etc.
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Les bibliothécaires de La Canopée ont formalisé leurs bonnes pratiques dans un « Guide de la bibliothèque verte » qui apporte des réponses directement opérationnelles à de nombreuses questions : est-il plus judicieux d’acheter ou de louer les ordinateurs de la médiathèque ? Faut-il privilégier le matériel reconditionné ? Comment sensibiliser les usagers à la question écologique ?
Téléchargeable sur le site de la médiathèque, ce guide conseille ainsi de ne pas laisser les appareils en veille, d’allumer les automates de prêt selon les besoins, de privilégier les impressions recto verso, le noir et blanc et le demi-format pour les impressions papier.
Une exemplarité à montrer
D’autres établissements ont décidé de s’emparer de la question environnementale par l’architecture. La bibliothèque universitaire centrale du Havre et la médiathèque l’Alpha d’Angoulême sont dotées de bâtiments qui visent à réduire leur empreinte environnementale.
À Sainte-Luce-sur-Loire (Loire-Atlantique), la médiathèque René Goscinny s’inscrit aussi dans une démarche de haute qualité environnementale : ventilation à double flux, éclairage naturel, peintures minérales, chaudière à condensation, végétation filtrant l’eau de pluie sur le toit.
Et à Metz, L’Agora a été certifiée HQE (Haute qualité environnementale) grâce à un taux de vitrage élevé afin de favoriser les apports solaires. Ce bâtiment de 2 446 m², qui regroupe une médiathèque, mais aussi un centre social et un espace numérique, bénéficie également de toitures végétalisées qui ont un effet régulateur en apportant de l’inertie et protégeant des risques de surchauffe.
Moins d’un an après sa création, la commission « Bibliothèques vertes » de l’ABF répond elle aussi à une préoccupation de plus en plus clairement exprimée : "la commission est très fortement sollicitée, que ce soit pour intervenir lors d’événements ou de journées d’étude ou pour de la formation", nous expliquait récemment Hélène Brochard la présidente de l’association ; "nous sentons que ce sujet est prégnant et que tout le monde s’en empare."
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Les instituts de formation en bibliothéconomie ont eux aussi enfourché la question environnementale, à l’image de l’Enssib qui rappelle que "les bibliothèques jouent un rôle fondamental dans la sensibilisation des publics aux enjeux de ce qu’on appelle communément le développement durable".
Elle estime que "ces institutions ont une exemplarité dans leurs actions à montrer. Elles ont à convaincre les élus et décideurs locaux qu’elles sont des partenaires essentiels pour la mise en œuvre de politiques publiques locales efficaces sur les différents champs du changement climatique."
Parcours de formations
Les formations dédiées sont recensées par la commission « Bibliothèques vertes » de l’ABF. Pour le seul premier semestre 2023, près d’une quarantaine de manifestations a été organisée à travers la France, comme à Clermont-Ferrand par exemple, avec une formation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) intitulée "les bibliothèques vertes, actrices du développement durable".
Au programme : rappel des normes portant sur la qualité environnementale, traitement écoresponsable des déchets, offre documentaire matérielle et dématérialisée écologiquement responsable, prise en compte de l’impact écologique dans le traitement de la chaîne du livre (films de protection, pilon, désherbage, les abris-livres, dons…), ateliers de recyclage, etc.
À Lyon, une mission « Développement durable » du Service commun de la documentation (SCD) de Lyon 1 propose des mini-formations d’une demi-heure à destination des étudiants et des personnels. Ces ateliers ont vocation à déboucher sur « des pratiques plus écoresponsables » en matière de numérique.
Quant à l’Enssib, elle proposait récemment un parcours destiné aux agents soucieux d’inscrire leur bibliothèque dans une stratégie de développement durable. Et pour évaluer leur engagement écologique, les bibliothécaires peuvent aussi recourir à un calculateur en ligne qui permet de mesurer le score de la contribution de chaque bibliothèque aux objectifs de développement durable de l’Onu.
Culture durable
Du côté des musées, la question environnementale se pose avec d’autant plus d’acuité que les coûts de chauffage ont considérablement augmenté l’hiver dernier. À Paris, "le Palais de Tokyo s’engage en faveur d’une culture durable et fait des enjeux écologiques et sociétaux une des priorités de son fonctionnement et de sa programmation", expliquent ses dirigeants.
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Ses expositions et ses événements portent régulièrement sur la thématique environnementale, à l’image de l’exposition « Réclamer la Terre » qui s’est tenue l’an dernier. Cela passe également par le Cercle Art & Écologie qui fait appel à la générosité des entreprises « pour rendre le Palais de Tokyo plus durable. »
Cet engagement a un prix : 50 000 euros par an sous forme de mécénat couplé à un apport en nature ou à la mise à disposition d’une compétence. Une somme importante, mais qui est éligible à une défiscalisation de 60 % ainsi qu’à des contreparties en faveur des entreprises. Le Palais de Tokyo fait figure de précurseur puisqu’il est le premier centre d’art à s’être doté d’une direction dédiée à la responsabilité sociale et environnementale.
Les nouvelles expériences muséales sont-elles « écocides » ?
Moins connue du grand public, la Citéco (musée dédié à l’économie financé par la Banque de France et inauguré en 2019 dans le magnifique Hôtel Gaillard, à proximité du parc Monceau) propose de nombreuses activités en lien avec la question environnementale : conférences consacrées à la finance verte, jeu conçu avec l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), « leçons d’économique » sous forme de courtes vidéos pédagogiques sur la taxe carbone et les énergies renouvelables…
Toutes ressources pédagogiques confondues, la Citéco propose plus d’une quarantaine de formats consacrés à la croissance durable.
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Les plus jeunes ne sont pas oubliés avec une visite adaptée aux enfants à partir de six ans. Des médiateurs les sensibilisent à la meilleure façon de concilier développement économique et préservation de l’environnement.
Autant d’initiatives qui s’inscrivent dans la prise en compte de l’écologie par les acteurs du secteur muséal. Lors du salon Sitem, qui s’est tenu à Paris au mois de mars dernier, les visiteurs professionnels ont été invités à plancher sur des sujets épineux : les nouvelles expériences muséales sont-elles « écocides » ?
Comment adapter l’offre culturelle aux impératifs de réduction de l’empreinte carbone ? Des questions complexes qui nécessitent du temps pour être résolues.