La numérisation des documents entraîne de nouvelles attentes de la part des entreprises en termes de gestion des flux de documents et de modélisation des processus métier associés. Décryptage.
Des e-mails aux factures, en passant par les contrats et les bons de commande, on ne compte plus les documents qui arrivent quotidiennement au format numérique dans nos boites e-mails, sans jamais être imprimés. Et pour les papiers qui continuent d'affluer, ils sont souvent numérisés dès leur entrée dans l'entreprise dans les « digital mailrooms », ces dignes héritières des services courrier d'antan. La dématérialisation est devenue la norme. Mais quid de ces bonnes vieilles bannettes qui nous permettaient autrefois de nous organiser et d'orienter les documents à traiter vers les différents services de l'entreprise (RH, compta...) ? C'est tout l'objectif des workflows et des logiciels de modélisation des processus métier (BPM, pour business process management) que de venir aujourd'hui remplacer « virtuellement » ces bannettes.
Pour Patrick Schuller, directeur commercial et marketing GIS, chez Cegedim e-business, la dématérialisation des flux et des processus a notamment pour objectif d'« alimenter directement les flux dans ces solutions on demand ». Dans le cadre de son offre de dématérialisation des documents de gestion, Cegedim e-business est à l'origine du service en ligne de dématérialisation de factures my-invoice, destiné aux petites et moyennes entreprises.
De nouvelles solutions externes
La modélisation et la mise en oeuvre des processus est « la suite logique » du mouvement de dématérialisation des documents, estime de son côté Philippe Delanghe, directeur marketing d'Itesoft, éditeur de solutions de dématérialisation et d'automatisation du traitement des flux de documents multicanal. D'autant qu'« il y a aujourd'hui de plus en plus d'objets qui sont déjà dématérialisés, dès le démarrage du processus ».
Par quel biais les flux et les processus sont-ils eux aussi dématérialisés ? Il existe, tout d'abord,
un grand nombre de solutions externes de gestion des processus métier, telle la nouvelle plateforme BonitaCloud de Bonitasoft, éditeur français de solutions open source de gestion des processus métier, sorti du giron du groupe Bull en juin 2009. « Avec BonitaCloud, disponible en test en version alpha, il est désormais possible d'héberger des processus directement en ligne, dans le cloud », explique Rodrigue le Gall, directeur services et cofondateur de Bonitasoft. L'objectif étant, bien sûr, de faciliter la création de nouveaux services orientés processus. Sur site et en ligne, puisqu'il existe un ensemble de « connecteurs » permettant d'interfacer BonitaCloud avec différents services en ligne de gestion dématérialisée de documents...
Signe que la gestion online des processus métier est en passe de devenir une brique incontournable des offres de cloud, le groupe japonais Fujitsu (55 milliards de dollars de chiffre d'affaires l'an dernier), grand spécialiste des équipements et services de traitement des documents, s'est quant à lui emparé courant 2013 de RunMyProcess, une jeune pousse hexagonale spécialiste des services en ligne de modélisation des processus métier. L'offre de la start-up a vocation à devenir, dixit Fujitsu, « la référence du groupe pour le développement et l'intégration d’applications d’entreprises dans le nuage (iPaaS, pour integration platform as a service) ». Tout en jetant des ponts entre le cloud et « tous les actifs applicatifs des entreprises »...
Des briques intégrées
Dans le même esprit, Itesoft vient de dévoiler une nouvelle offre logicielle intégrant la capture multicanale de documents, la Ged, la gestion des processus métier et le pilotage de ces mêmes processus. Principalement destinée aux banques et aux assurances (connues pour traiter des documents dans de très grands volumes), cette plateforme innovante a pour principal objectif d'aider les institutions « à automatiser et à adapter instantanément leurs processus de gestion clients ». Notamment en proposant un outil permettant de gérer à la fois la capture des informations, leur traitement, et la modélisation et l'exécution des processus métier.
Pour les factures, Itesoft propose à ses clients « des solutions qui permettent d'automatiser complètement le processus d'approbation de la facture, qu'elle arrive sous format papier ou dématérialisée », explique Philippe Delanghe. « Un outil permet de modéliser les règles de gestion associées à la facture. Par exemple, si la facture est inférieure à un certain montant et que le bon de commande associé est stocké dans le progiciel de gestion de l'entreprise, il est possible de faire en sorte que cette facture soit acceptée automatiquement, sans aucune intervention humaine. Mais on peu aussi indiquer que celle-ci doit être validée par tel ou tel responsable si elle excède un montant donné ou si elle provient d'un certain fournisseur, etc. »
Que se passe-t-il lorsque les processus ainsi modélisés s'avèrent défaillants ? Le même expert précise que le système peut être paramétré pour détecter les anomalies, par exemple lorsqu'une « corbeille » reste pleine – parce qu'un collaborateur est malade ou ne prend pas la peine de traiter les processus en question ou lorsque survient un problème technique. Et donc lancer des alertes ou ré-attribuer automatiquement certaines tâches à d'autres collaborateurs.
L'avenir, prédit Philippe Delanghe, devrait en outre résider dans les systèmes « prédictifs » de gestion dématérialisée des flux et des processus. Des services qui seront en mesure d'anticiper les pics de traitement futurs pour inciter les gestionnaires à adapter la masse salariale ou les processus – « depuis la capture, qui reste la pierre angulaire du système, puisque c'est par là qu'arrivent tous les documents dont il faut extraire les informations, quel que soit leur format ».
Déploiements
Mais pour l'heure la clé du succès des projets de dématérialisation des flux ou des processus se situe moins dans des choix technologiques que dans la capacité des entreprises à se faire accompagner pour modéliser et décrire les processus. Le but n'est pas de répliquer à l'identique les processus du papier. Il faut au contraire se donner le temps de l'observation et « réinventer les processus en partant d'une feuille blanche, avec une approche incrémentale », conseille Philippe Delanghe. Et le même de mettre en garde contre les outils de gestion qui ne seraient pas suffisamment souples. « Les outils que nous utilisons pour modéliser les processus permettent de faire évoluer très rapidement ces processus, forcément très changeants ».
+repères
Une entreprise sur deux envisage de déployer des outils de BPM avant 2017
C'est ce qui ressort de l’édition 2014 du baromètre « Optimisation des processus clients par la dématérialisation des flux », réalisé de janvier à février 2014 par l'institut CXP, en partenariat avec Itesoft et Fujitsu (sur la base de 237 réponses en France, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse). Dès à présent, 40 % des répondants déclarent utiliser au moins trois critères de « dispatching » des flux documentaires entrants dans l'entreprise, et ils sont 64 % à indiquer avoir défini des exigences de délais de traitement dans les 12 heures ou au plus tard à J+1. Les trois quarts (70 %) des répondants qui numérisent actuellement une partie de leurs documents papier souhaitent par ailleurs déployer toutes les fonctions de gestion du flux documentaire à l’horizon 2017. Et ils sont 46 % à se déclarer soucieux d'optimiser les flux en gérant le processus métier associé à une solution de BPM.
Enfin, le CXP précise que le critère de distribution des flux « selon les métiers ou divisions de l’entreprise » devrait être celui qui connaîtra le plus fort développement d’ici à 2017. Au sein même des services, 61 % des entreprises interrogées soulignent qu'elles laissent pour l'instant aux opérateurs le choix des dossiers à traiter en priorité dans le panier commun au service. Ce qui pourrait changer prochainement. L'institut estime en effet que « la pression qui s’exerce sur les entreprises concernant la satisfaction client amènera ces dernières à concrétiser leurs intentions pour privilégier clairement la priorité du document sur le libre choix dans un panier commun ». Affaire à suivre.