Sommaire du dossier :
- E-santé : thérapie par la dématérialisation
- A quoi sert le département d'information médicale (Dim) d'un hôpital ?
- A l’hôpital Saint-Joseph de Marseille, la dématérialisation se porte bien
- Le CHU de Toulouse dématérialise les pratiques des soignants
L’e-santé n’a plus rien d’imaginaire et devient une réalité non seulement pour les malades, mais aussi pour les médecins et les établissements. Côté dématérialisation, beaucoup est fait, mais reste aussi à faire tant pour le dossier patient que pour le dossier administratif. Se posent des questions de méthode et d’outils, tandis que l’archivage des données de santé est sujet à interprétation.
Patient : 1 - Médecin : 0 ! C’est par cette formule laconique que certains médecins résument la santé connectée ! À leurs yeux, les patients ont une longueur d’avance sur le corps médical, car ils sont de plus en plus nombreux à utiliser des objets de santé connectée : montres, bracelets, applications... Selon un livre blanc réalisé par le conseil de l’Ordre des médecins, 11 % des Français auraient déjà adopté un objet connecté en lien avec la médecine et le bien-être.
Pour autant, le milieu hospitalier ne reste pas à l’écart de la révolution numérique. Les hôpitaux sont toujours plus nombreux à dématérialiser leurs documents. Ils adoptent des logiciels dédiés à la gestion de documents électroniques. D’autres font le choix d’héberger leurs données de santé chez des tiers-archiveurs. D’autres encore utilisent des réseaux sociaux d’entreprise pour piloter leurs recherches. Un point commun à toutes ces initiatives : la recherche d’efficacité. Car à l’instar d’autres secteurs, la médecine connaît une profonde transformation numérique qui la conduit à gérer des volumes de données jamais vus jusqu’ici.
2 000 images médicales pour un scanner
C’est le cas par exemple de l’imagerie médicale qui prend une place croissante dans la prise en charge des patients. En 2003, un scanner était composé d’environ 800 images ; en 2014, ce même scanner était composé de plus de 2 000 images. Le CHU de Nancy a opté pour un outil de gestion d’imagerie médicale assuré par la solution EMC Documentum. Le processus de migration vers ce nouvel outil a permis de transférer près de 200 téra-octets de données alors stockées sur 500 bandes magnétiques vers les disques SAN du nouveau système d’archivage. « Il ne faut plus que quelques secondes aux praticiens pour accéder aux données d’imagerie de leurs patients quels que soient les antériorités du document », explique Frédéric Lefèvre radiologue au sein du CHU de Nancy.
Le centre hospitalier de Nancy collabore avec l’Institut de cancérologie de Lorraine (ICL) qui regroupe plus de 700 professionnels de la santé. À eux deux, ils doivent être capables de gérer d’importants
volumes d’images médicales : un examen de radiologie peut en effet comprendre entre 2 000 et 50 000 images en fonction de sa complexité. Ils hébergent ainsi une banque de données de 3 millions d’examens ! Les équipes médicales peuvent désormais accéder à l’ensemble des examens d’imagerie, quelle que soit l’ancienneté de ces examens. « C’est essentiel pour que les deux établissements continuent d’être un centre de recherche scientifique d’excellence », estime Frédéric Lefèvre.
Un des plus grands marchés de l’information
Sujet sensible, l’hébergement des données de santé ouvre de nouvelles perspectives pour les tiers-archiveurs. Selon Hervé Streiff, responsable conformité et sécurité de l’information de Locarchives, « il convient plutôt de parler des marchés de l’hébergement de données de santé tant le sujet est vaste et implique des acteurs variés : hôpitaux et cliniques, bien sûr, laboratoires d’analyse, jusqu’aux assurances et services RH des entreprises. Les volumes potentiels et les enjeux associés sont tels qu’il s’agit incontestablement d’un des plus grands marchés de l’information ». Locarchives s’est d’ailleurs empressé de se positionner sur ces marchés et vient d’obtenir l’agrément « hébergeur de données de santé à caractère personnel sous forme électronique » délivré par le ministère de la Santé.
Pour recevoir cet agrément, le prestataire en archivage a dû répondre à un certain nombre de conditions : signature d’un contrat avec un médecin garantissant le respect du secret médical, déclaration à la Cnil des bases de données et des systèmes d’information contenant des données personnelles, mise en œuvre d’un système d’authentification forte pour accéder au portail hybride de gestion en ligne de Locarchives. « Tout le dispositif vise à assurer le respect du secret médical et la vie privée des patients ainsi que l’intégrité des données et des documents », souligne Hervé Streiff.
Au 20 novembre 2015, 89 décisions d’agrément avaient été rendues par le ministère de la Santé. Quelques-uns des spécialistes les plus connus de l’archivage et de la gestion documentaire y apparaissent (Docapost, Cegedim, IBM, Numergy, Bull, Navaho). Mais attention : « L’agrément est délivré pour un modèle de contrat et non pour l’ensemble des activités de l’hébergeur », rappelle l’Asip (Agence des systèmes d’information partagés de santé).
Si Hippocrate vivait, il serait blogueur !
Plus surprenant, certaines institutions de santé ont même opté pour les réseaux sociaux d’entreprise. C’est le cas de l’Institut de santé urbaine (ISU) qui a choisi la solution Bluekiwi pour héberger sa plateforme de recherche et son réseau d’experts. Cette structure réunit 270 ingénieurs et chercheurs qui échangent leurs bonnes pratiques au sein de différentes communautés comme la maladie d’Alzheimer ou la gestion du risque santé et environnemental. La communauté la plus active regroupe les réflexions sur la santé publique et les solidarités dans les ensembles urbains en pleine reconfiguration.
En faisant le choix d’un réseau social professionnel, l’Institut de santé urbaine s’est lancé dans une démarche d’intelligence collective. Les professionnels se retrouvent sur une plateforme unique en dépit de leur éloignement géographique et des groupes de recherche se constituent naturellement. Comme le remarque le docteur Jacques Lucas, vice-président du conseil national de l’Ordre des médecins en France, « si Hippocrate vivait à notre époque, il aurait un blog ! »
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Du DMP au carnet de santé numérique
Après une longue léthargie, le dossier médical personnel (DMP) est en passe de revenir à la vie. Mais sous un autre nom et sous une autre forme. La Caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS) a annoncé le déploiement d’un nouveau « carnet de santé numérique » entre le deuxième semestre 2016 et la fin 2017. Ce dossier informatique contiendra les éléments diagnostiques et thérapeutiques réalisés par les professionnels de santé : radiographies, résultats d’examen, comptes-rendus d’hospitalisation...
Plus de dix ans après la création du DMP, ce nouveau dispositif sera désormais piloté par l’Assurance maladie. Il sera créé par les assurés eux-mêmes à partir de leur compte Ameli et pourra être connecté avec les logiciels métier utilisés par les médecins. Une application pour smartphone « ultra sécurisée » sera également mise à disposition des patients. Ainsi revu et corrigé, le carnet de santé numérique devrait « permettre aux professionnels de la santé, en ville et à l’hôpital, de partager une information utile et facilement accessible », explique Nicolas Revel directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie.
Dans un premier temps, huit départements pilotes testeront ce nouveau dispositif d’ici le mois de juin 2016. Puis le carnet de santé numérique sera progressivement proposé à l’ensemble des départements français.
Échaudée par dix années d’échec du DMP, l’Assurance maladie ne donne pas d’objectifs chiffrés et s’en tient à un déploiement « par paliers ». À ce jour, moins de 600 000 dossiers médicaux partagés ont été créés sur 65 millions d’assurés...