Archives régionales, méconnues et actives

quelques-uns des 9 kilomètres linéaires des archives régionales du Nord–Pas-de-Calais, les plus importantes en volume et nombre d’agents de France DR

 

Bien moins connues que les autres services d’archives territoriales – les départementales et les communales –, les archives régionales prennent en charge un large périmètre documentaire depuis 1983 (1). Archimag brosse le portrait d’une institution qui gagne à être connue.

Les archives régionales ne devraient pas être touchées par la restructuration des archives de France, conséquence de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). « Cette réorganisation est sans doute nécessaire, confie le responsable d’un centre d’archives régionales, mais les archives sont là. Je vois mal comment on pourrait se passer des personnes pour les gérer. Il s’agit plutôt d’une question de modalités, de rassemblement de structures et de personnes ». En outre, l’ensemble des archivistes des conseils régionaux est associé à un groupe de travail placé sous la responsabilité du ministère de la Culture et à l’origine de plusieurs volumes – le troisième tome est en préparation – d’une Introduction sur le tri et la conservation des archives des services communs à l’ensemble des collectivités territoriales et structures intercommunales.

services intégrés

Contrairement aux bien plus visibles archives départementales, grandes pourvoyeuses du web en registres paroissiaux et plans cadastraux, les archives régionales sont souvent noyées au sein des conseils régionaux. Services parmi d’autres au sein de ces structures, leur dénomination est fluctuante, allant de « centre de ressources documentaires, d’information et d’archives » à un plus attendu « service des archives » en passant par des « services de documentation et d’archives ». Ils dépendent également de directions diverses selon les régions – du système d’information pour les Pays-de-Loire ou des ressources humaines pour la Bretagne, par exemple. La taille des équipes implique de son côté une relation forte avec les autres services pour assurer leur mission. « Inscrits au coeur de l’administration et en contact permanent avec les agents, explique Martine Tapie, responsable du service archives de la région Bretagne, nous travaillons avec eux pour la production de documents et intervenons dans les services pour les aider à préparer le versement ». Alexis Cléry, responsable du service archives pour la région Bourgogne complète : « Producteurs d’archives et archivistes appartiennent à la même maison, à la même structure ».

Cette grande proximité avec les services requiert des capacités d’adaptation, de réactivité et de communication certaines, et détermine, comme le précise Agnès Dejob, responsable du pôle archives des Pays-de-Loire, le coeur de leur mission : « Service intégré à l’administration régionale, nous sommes nés du besoin de pré-archivage ». Un quotidien auquel adhèrent les archivistes. « La polyvalence, les interventions sur toute la chaîne : la collecte, le traitement, la communication. Également, le grand nombre émergent de possibilités de développement, dans les services d’archives régionales ». La réponse de Séverine Ménet, archiviste au conseil régional des Pays-de-Loire, lorsqu’on lui demande ce qui lui plaît dans son travail, est éloquente.

du pré-archivage à la mise en ligne

Le processus de pré-archivage correspond au stockage des archives intermédiaires dépourvues d’utilité courante mais susceptibles d’être rouvertes pour diverses raisons, et dont la durée d’utilité administrative (DUA) n’est pas révolue. Les problématiques divergent par rapport à celles, patrimoniales, des archives départementales, par exemple. Ainsi, le format très normalisé des archives intermédiaires gérées en région est pratique et simplifie le stockage. D’autres problèmes se posent néanmoins, notamment liés à la conservation de documents imprimés, fragilité du papier oblige. « On arrive cependant à une phase charnière, aujourd’hui, car avec une trentaine d’années d’existence pour les régions, les aspects historiques et patrimoniaux de nos fonds deviennent significatifs », tempère Agnès Dejob. À cheval sur les problématiquesadministratives et culturelles, les archives régionales suivent la voie de la valorisation de leurs fonds. Même si quasiment aucun fonds n’a été à l’heure actuelle numérisé et mis en ligne, les choses sont en train de bouger. Les archives de Bretagne démarrent cette année 2010 un projet de numérisation des documents de communication émis par la région – plaquettes, affiches, prospectus… –, « et nous accueillons pour la première fois deux chercheurs doctorants en sciences politiques », complète sa responsable Martine Tapie, non sans fierté.

section des archives régionales

La section des archives régionales de l’Association des archivistes français regroupe ces professionnels pour « se retrouver, confronter nos problématiques et y apporter des réponses », précise son actuelle présidente, Martine Tapie. « Créé en 1996 avec la volonté de se sentir moins isolés face à nos problèmes et nos interrogations », poursuit-elle, la section se rencontre deux fois par an pour mutualiser expériences et expertises. Pour mener à bien leur mission, les archivistes privilégient aussi le travail main dans la main avec les administratifs de la région. Une démarche qui se matérialise entre autre par des formations. « Elle est primordiale, assène Alexis Cléry. Nous ne sommes que deux dans le service en Bourgogne [2], elle est donc indispensable afin d’obtenir les meilleurs versements possibles ». Cette formation à la gestion des archives s’opère suivant différentes modalités selon les régions, en fonction des spécificités de leur organisation, de leurs fonds, mais aussi de leur culture. « Petit à petit et dans la bonne humeur, sur la base du volontariat et selon un système de correspondant archivage dans chaque service » en Bourgogne, elle s’effectue en revanche en sessions collectives et individuelles dans le Nord-Pasde- Calais. « Il nous a semblé préférable de nous partager l’institution et d’impliquer l’ensemble des agents, plutôt que nommer une seule personne référente par service », explique sa responsable Christine Paquet.

l’archivage électronique émerge… doucement

En terme d’instruments de recherche également, les choix varient selon les régions. Sur le plan technologique, les archives du Nord-Pas-de-Calais sont en phase de migration vers la solution documentaire Cadic Intégrale tandis que le service Archives bourguignon n’utilise qu’« une simple base Access qui nous satisfait pleinement ». Grand absent de ces services, l’archivage électronique ne l’est pas de leur réflexion, les groupes de travail se multipliant. L’explication est simple : intégrés au sein d’une administration et rattachés à une direction régionale en particulier, les pôles d’archives ne sont pas décisionnaires et un tel projet n’est envisageable que pour l’ensemble des services.

 

Repères:

collecte, conservation et exploitation des fonds : les missions principales des archives régionales

collecte

« Il convient d’intervenir le plus en amont possible, auprès des producteurs de documents. Donner des conseils sur les choix de formats, de supports, c’est ça aussi la collecte ! ». Comme l’explique Agnès Dejob, responsable du pôle archives de la région Pays-de-Loire, la collecte en elle-même est précédée par une indispensable activité de conseil en gestion documentaire auprès des administrations, ainsi que par l’élaboration de procédures conformes à la réglementation des archives publiques. Pour ces structures, les fonds concernés portent sur un périmètre croissant au rythme des lois touchant les compétences régionales. Ces archives sont relatives à de multiples sujets : finances locales, enseignement, formation professionnelle et apprentissage, environnement, culture et sport, aménagement du territoire, recherche.

conservation

Elle concerne tant le fonds – tri, élimination, classement, établissement des inventaires – que le maintien des conditions matérielles adaptées à celui-ci – température et hygrométrie, préservation contre les sinistres et les vols, etc. Les fonds conservés présentent une volumétrie variable selon les régions : des 950 mètres linéaires de Franche-Comté aux plus de 9000 mètres linéaires du Nord-Pas-de-Calais, en passant par les 4600 de Midi-Pyrénées (dont la gestion d’une partie a été externalisée auprès d’un prestataire). Dossiers de session du Conseil régional, recueil des actes, documents de marchés publics ainsi que demandes de subventions constituent la majeure partie de cette volumétrie. Certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais, ainsi que l’explique Christine Paquet, responsable des archives, « récupèrent également les documents provenant des organismes parapublics associés, tels les associations de type loi de 1901, les sociétés d’économie mixte, les groupements d’intérêt public… »

exploitation

Accessibles gratuitement à tous, les fonds d’archives régionales sont consultables sur place. Accueil et orientation du public (chercheurs et fonctionnaires, mais aussi particuliers) font partie des missions régaliennes de ces services. Inventaires, bordereaux de versement mais aussi logiciels documentaires y fournissent une aide à la recherche.

(1) Les régions sont propriétaires de leurs archives et responsables de leur conservation depuis la loi du 22 juillet 1983.
(2) Les services d’archives régionales présentent de faibles effectifs. Moins de quatre personnes en moyenne, ils sont au nombre de dix pour le plus important d’entre eux, celui de la région Nord-Pasde-Calais.

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Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.