3 questions à Flavien Errera, chargé de mission auprès du directeur général de l’Agence du patrimoine immatériel de l’Etat

Flavien Errera, chargé de mission auprès de l'APIE. DR PB-Archimag

 

« La perception d’une redevance [pour l’usage de données publiques], en général liée à une réutilisation commerciale, est possible selon les termes de la loi ».

1 - Une ordonnance de 2005 oblige les administrations à donner accès aux données produites par le public. L’APIE aide l’administration à mettre ces informations à disposition pour des usages privés ou commerciaux. Où en êtes-vous ?

L’APIE fait un double constat : d’une part, les informations publiques constituent dans l’économie de l’immatériel une matière première quasi inépuisable, de grande valeur, d’autre part, l’administration dans son ensemble n’a pas encore pris toute la mesure du droit à réutilisation créé par l’ordonnance de 2005.

L’APIE a donc, dès sa création, travaillé avec les ministères, les principaux établissements publics, les autorités spécialisées telles que la CADA et la Cnil, le secrétariat d’État à l’Economie numérique, les représentants des opérateurs comme le GFII et la Fing pour donner à ce nouveau droit une portée maximale, dans des conditions appropriées.

La réutilisation des informations publiques est un vecteur d’innovation qui offre l’opportunité de créer de nouvelles activités économiques. Le développement des technologies et des usages du numérique constitue à cet égard un facteur très favorable. L’Agence, rattachée aux ministères de l’Economie et du Budget ne saurait y être indifférente, bien au contraire.

2 - Comment se concrétise cette action ?

L’action se caractérise par une méthode et des avancées concrètes.

La méthode tient au dialogue intensif avec les parties prenantes. Les  approches développées par l’APIE résultent d’un large recueil d’expertises et de points de vue et sont confrontées à des exemples concrets : l’APIE ne sort pas ses propositions d’une boîte à idées abstraites. Cela lui donne un poids particulier lorsqu’elle s’exprime dans les manifestations nationales, communautaires et internationales. Alors que la Commission européenne va réviser la directive à l’origine de l’ordonnance de 2005 précitée, il est important de fournir aux autorités qui soutiennent la position de la France, le SGAE notamment, une argumentation rigoureuse et précise.

Les avancées se traduisent notamment par la création dans les sites internet des ministères de répertoires des informations publiques (RIP) conformes aux exigences légales. Dès le 13 octobre 2008,  l’APIE a envoyé une note aux secrétaires généraux des ministères les y invitant. Certains ont pu le faire, et à cet égard les sites ministériels de Bercy sont parmi les plus avancés. D’autres y travaillent. La recommandation de l’APIE est en effet exigeante : elle demande des compétences, du temps, des crédits.

Pour favoriser la visibilité et l’accès aux informations publiques, l’APIE a conçu un portail qui devrait voir le jour en 2011. Elle a aussi mis en place un certain nombre d’outils pour créer des conditions favorables à la réutilisation.

L’APIE a ainsi proposé aux ministères, le 5 novembre dernier, d’utiliser trois pictogrammes permettant de caractériser le statut juridique des principales informations, de sorte que les réutilisateurs puissent d’un coup d’œil savoir si la réutilisation est totalement libre ou si elle est soumise à des préalables tels que le respect de droits d’auteur ou le paiement de redevances.

3 - La législation autorise les administrations à vendre leurs informations. Quelles sont les contraintes de cette commercialisation ?

L’infinie variété des informations publiques (études, statistiques, cartes, bases de données, données brutes, données enrichies...) et la variété des demandes des réutilisateurs justifient des réponses appropriées à chaque cas.

C’est pourquoi l’APIE a créé des modèles de licences qui permettent aux ministères et aux opérateurs privés de faire l’économie de longues discussions juridiques et de rédactions à partir de pages vierges. Ils ont tout loisir de puiser dans ces conventions types les dispositions qu’ils estiment pertinentes, de les adapter et de se concentrer sur l’essentiel : conditions de mise à disposition, redevance éventuelle, mises à jour, formats de délivrance.

La perception d’une redevance pour service rendu est envisageable dans le cadre fixé par la loi. La décision appartient aux organismes publics. Sont essentiellement concernées les réutilisations commerciales des informations publiques par des opérateurs privés.

Les innovations les plus prometteuses consistent à donner accès à des informations publiques sur des supports mobiles. Ces informations confèrent à l’offre des entreprises une valeur ajoutée parfois décisive. Il est normal que, dans certains cas, ces entreprises rétribuent la matière première que leur fournissent les administrations dans des conditions équitables, respectueuses des règles de la concurrence.

La réutilisation des informations publiques ouvre incontestablement un nouvel espace de dialogue entre les administrations et les agents économiques. Cet échange doit se faire sur des bases innovantes et évolutives en raison des évolutions constantes des technologiques, des comportements et des processus de création de valeur dans l’économie immatérielle.
 

Les podcasts d'Archimag
Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".