3 questions à Denis Berthault

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Denis Berthault est le directeur de l'information chez LexisNexis, membre du Groupement français de l’industrie de l’information (GFII) et coanimateur de son groupe «données publiques».

Avec le lancement par Etatlab de Data.gouv.fr, l’ouverture des données publiques en France a-t-elle enfin démarré ?

Plusieurs choses se sont passées depuis deux ans : la création d'Etalab en février 2011, guichet unique qui sensibilise et informe, mais aussi, et plus important, le décret de mai 2011 qui stipule que, désormais, la règle est la gratuité et l'exception la tarification. La création du Conseil d'orientation de l'édition publique et de l'information administrative (Coépia) a également été déterminante. Il lui revient de faire des propositions au Premier ministre sur la tarification des données publiques. Elle constitue avec l'Agence du patrimoine immatériel de l'État (Apie) une des deux instances qu'une administration doit contacter pour tarifer ses données.

La dynamique est donc enclenchée même si elle ne va pas encore au bout de sa logique qui est d'obliger les administrations à ouvrir leurs données. Aujourd'hui, on est encore dans une démarche consensuelle de volontariat.

Il convient cependant de préciser une chose : on ne parle pas des mêmes données publiques lorsqu'on parle de celles de l'Etat, de celles des établissements publics ou de celles des collectivités, locales et territoriales.

Toutes les administrations sont-elles prêtes à jouer le jeu ?

Au niveau des collectivités locales, règne une certaine confusion. Certaines se sont vues souffler l'idée d’une ouverture, d’autres le font tel un acte de foi politique et pour d’autres encore cela se fait de façon un peu décousue... Au niveau national, certaines administrations font quasiment de la rétention de données, pendant que d'autres produisent de la donnée, parfois en grande quantité, mais ne sont pas équipées ou organisées pour cela.

Produire de la donnée dans un contexte professionnel impose à l’administration de se doter de back-office, de process d'archivage, de formats, de conversion de formats… D’ailleurs, outre les aspects techniques, les freins sont nombreux, car la mise à disposition des données bouleverse beaucoup de règles et de situations établies au sein de l’administration productrice. Il faut de la psychologie - éviter le syndrome « mes » données -, une organisation souple faisant coopérer plusieurs services qui s’ignorent : service technique, juristes et experts du contenu. Il faut aussi une organisation en mode gestion de projet, car cela va prendre du temps.

Enfin, si elle souhaite tarifer les données, l’administration doit présenter un dossier motivé à l’Apie et au Coépia. Sur ce point, on peut s’interroger pour savoir comment vont évoluer les principes généreux de gratuité qui fondent Etalab face aux contraintes budgétaires croissantes. L’open data sera d’ailleurs sûrement un thème, certes mineur, de la campagne électorale à venir. Un mot pour les documentalistes : plutôt que des compétences informatiques, les compétences et la culture documentaires constituent un atout considérable pour gérer et réutiliser les données publiques ouvertes. Je pense que les données publiques constituent une chance pour les documentalistes et leur avenir professionnel, car ils maîtrisent les aspects de médiation, de diffusion et de formats qui sont essentiels pour réussir une ouverture des données publiques.

Administration et secteur privé doivent-ils s’engager dans une coopération pour l’exploitation des données publiques ?

Attention, chacun son rôle ! Tout d’abord, la directive européenne de 2003 a interdit les partenariats exclusifs. Il est d’ailleurs probable que la prochaine version prévue en 2013 sera encore plus stricte sur les monopoles de fait et sur les obligations de transparence. De plus, je suis pour un partage clair des rôles : l’administration fournit les données, les acteurs du marché - start-up, développeurs individuels, entreprises numériques ou traditionnelles, peu importe - les réutilisent, dans un cadre commercial ou pas, en apportant une valeur ajoutée qui satisfait les clients ou les utilisateurs. Je suis inquiet face à des administrations qui envisagent de se lancer dans des investissements pour améliorer leurs données dans un but quasi spéculatif, alors que personne ne le réclame, ni n’est prêt à payer lesdites améliorations. Je crois que le rôle d’une administration n’est pas de faire du marketing.

Il n’y a pas les données gratuites forcément mauvaises d’un côté, et les payantes forcément bonnes de l’autre. Les deux modèles cohabiteront avec des modes de tarification peut être mixtes (freemium) et cela évoluera dans le temps. Il y a un point très clair : les données publiques payantes dont la qualité de format, de structure, de fréquence de mise à jour n’est pas avérée ne trouveront pas preneurs.

 + Dossier: Données publiques d'Archimag N° 250

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Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.