Jusqu’à quel point la conservation d’archives publiques peut-elle être externalisée ? La réglementation sur cette question a évolué en devenant plus libérale. Pôle Emploi met en œuvre ces nouvelles dispositions du Code du patrimoine.
1- un contexte réglementaire modifié
Jusqu'en 2008, l'Etat et les établissements publics nationaux étaient autorisés par la circulaire du 16 janvier 1997 à confier à des sociétés privées la conservation de leurs seules archives éliminables à terme (1). Les documents présentant un intérêt pour la recherche historique étaient de droit exclus de l’externalisation.
Depuis la loi du 15 juillet 2008 sur les archives modifiant le Code du patrimoine, il leur est permis d'externaliser la conservation de tout ou partie de leurs archives courantes ou intermédiaires qui n’ont pas encore fait l’objet de sélection et d’élimination, que celles-ci présentent ou non un intérêt historique (2). Cette autorisation, très attendue par l’administration et les professionnels de l’archivage, a les conséquence suivantes:
1- les prestataires doivent désormais obtenir un agrément pour la conservation d’archives publiques, et ce quel que soit leur support, papier ou électronique ;
2- les producteurs d'archives publiques doivent quant à eux adresser à l'administration des archives une déclaration préalable à l'externalisation, ainsi que le projet de contrat pour observations.
Concrètement, comment cela s’articule-t-il ?
l'agrément
L'agrément est délivré par un arrêté du ministre chargé de la Culture et de la Communication, publié au Journal Officiel, pour un site donné et pour une durée de cinq ans (papier) ou de trois ans (électronique).
Où qu’il soit domicilié, le prestataire d’archivage qui souhaite déposer un dossier de demande d’agrément doit l’adresser au Service interministériel des Archives de France (Siaf). Les demandes sont instruites au vu des éléments fournis, à la fois sur pièces et sur place. Le contrôle sur pièces est effectué par l’administration centrale ; les contrôles sur place peuvent être délégués aux directeurs des services départementaux d'archives.
Dans le cadre de cet agrément, l’administration des archives s’assure que l’activité, les locaux, les conditions de sécurité et de conservation des documents sont conformes aux normes et prescriptions existantes. Le lieu où seront conservées les archives publiques doit être sur le territoire national. Les Archives de France tiennent à jour une liste des sociétés titulaires d’un arrêté d’agrément pour des implantations identifiées, disponible sur son site internet. A ce jour, plus de trente sites de conservation ont ainsi été agréés pour le papier ou l'électronique.
contrôle scientifique et technique
Il est important de noter que ces dispositions portent exclusivement sur l’externalisation de la conservation des documents. Toutefois, si les opérations qui relèvent de la gestion intellectuelle des archives (tri, destruction, classement, rédaction d’instruments de recherche) ne sont pas soumises à agrément, elles doivent naturellement être effectuées sous le contrôle scientifique et technique de l’administration des archives.
la déclaration préalable
Avant le lancement de la procédure de mise en concurrence, les producteurs d'archives publiques doivent envoyer à la personne chargée du contrôle scientifique et technique de l’État sur les archives une déclaration de dépôt et le projet de contrat pour observations.
La déclaration de dépôt d'archives courantes et intermédiaires doit comporter, au minimum, les informations suivantes (3):
1- le contexte, les objectifs, le calendrier et la durée prévisionnelle de l'opération ;
2- la liste et les dates extrêmes des archives déposées ;
3- le volume, le métrage linéaire ou le nombre des documents déposés.
La liste des clauses devant figurer dans le contrat est également détaillée dans le Code du patrimoine (4).Les plus importantes concernent :
- la nature et le support des archives déposées (description, dates extrêmes, durée de conservation, sort final, métrage linéaire) ;
- la description des prestations attendues ;
- les dispositifs de communication matérielle et d’accès du déposant à ses archives ;
- les garanties en cas de défaillance du dépositaire ;
- les modalités de restitution des archives à la fin du marché ;
- les conditions de recours à des sous-traitants
- les assurances souscrites.
2- Pôle Emploi, une institution nouvelle
Pôle Emploi a été créé par la loi du 19 décembre 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi (5). Il est issu de la fusion de l’ Agence nationale pour l'emploi (ANPE), établissement public administratif, et du réseau des trente Assédic ou Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, associations loi 1901. Cette institution nationale publique est le principal opérateur du service public de l’emploi. Il produit des archives publiques et hérite aussi des archives des anciennes structures. Celles de l'ANPE sont intégralement publiques et ont fait l'objet de versements aux Archives nationales, ainsi que dans plusieurs services départementaux d'archives. Il était rare que cet établissement ait recours à l'externalisation. Les archives provenant des Assedic sont pour partie publiques (mission d'intérêt général) et pour partie privées (fonctionnement). Afin de répondre à une production documentaire massive, les Assedic avaient majoritairement recours à des prestataires privés pour la conservation de leurs archives.
plus de 130 kilomètres linéaires d’archives publiques
Compte tenu de leur taille et de leurs activités, les services de Pôle Emploi, organisés de manière déconcentrée en une direction générale et vingt-six directions régionales, elles-mêmes structurées en directions territoriales et agences de proximité, gèrent et conservent plus de 130 kilomètres linéaires d’archives publiques. Même s'il a dématérialisé une partie de ses procédures, Pôle Emploi reste probablement l'organisme public qui, en France, produit le plus d'archives papier. Cette production documentaire est principalement constituée des dossiers d’inscription et demandes d’allocation chômage des demandeurs d’emploi traités par les agences. L’externalisation de la conservation des documents est une solution face au manque d’espace.
3- une procédure simplifiée
Pour rationaliser la gestion de ses archives et se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions du Code du patrimoine, la direction générale de Pôle Emploi a opté pour le lancement de procédures régionales et a élaboré un dossier de consultation type pour le dépôt, la conservation et la gestion de ses archives papier. Selon la procédure prévue aux articles R 212-19 et 21 du Code du patrimoine, elle a ensuite adressé aux Archives de France une déclaration d'intention de dépôt pour l’ensemble de ses structures, accompagnée de ce dossier de consultation type. Celui-ci a été validé le 19 septembre 2011.
Compte tenu de cette validation nationale, chaque direction régionale :
1- est dispensée d'obtenir le visa de tous les services départementaux d'archives de sa région puisque son projet de contrat n'est rien d'autre qu'une déclinaison du modèle national déjà visé par les Archives de France ;
2- envoie au seul directeur des Archives départementales du chef-lieu de région la déclaration de dépôt accompagnée du contrat signé avec le prestataire qu'elle a retenu.
garanties
Les directeurs des autres services départementaux d’archives de la région continueront d'exercer le contrôle scientifique et technique sur les archives externalisées provenant des services de Pôle Emploi situés dans leur département (direction régionale, direction territoriale ou agence). De même, le versement des archives définitives recensées dans la note d'information du 25 novembre 2011 des Archives de France sur le tri et la conservation des archives de Pôle Emploi continuera d'avoir lieu au service départemental d'archives correspondant à l'implantation du service producteur.
Des garanties ont plaidé pour cette formule simplifiée : l'existence de tableaux de tri, le recours à des prestataires agréés et, enfin, un réseau dynamique de correspondants-archives dans les directions régionales.
(1) Circulaire AD 97-1 du 16 janvier 1997.
(2) Cf. articles L. 212-4-II et R. 212-23 et suivants du Code du patrimoine.
(3) Article R212-20 du Code du patrimoine.