La Cour des comptes dénonce les dysfonctionnements liés au déploiement du dossier médical personnel. Une déconfiture qui a déjà un coût : 500 millions d’euros.
Moins de 160 000 dossiers médicaux personnels avaient été ouverts à la mi-juin 2012. Un chiffre nettement inférieur à l’objectif de 500 000 DMP que le ministère de la Santé pensait pouvoir atteindre à la fin de l’année 2011. Les ratés du DMP ne sont pas passés inaperçus aux yeux de la Cour des comptes qui, dans un rapport resté confidentiel, pointe sévèrement une série de dysfonctionnements : insuffisance grave du suivi financier, absence d’analyse des coûts induits par le développement et le fonctionnement du DMP, multiplication d’expérimentations sans lendemain… Au final, la Cour des comptes estime que "ces défaillances attestent aussi d’une absence particulièrement anormale et préjudiciable de stratégie".
La juridiction de la rue Cambon rappelle qu’elle avait pourtant sonné le tocsin : "La Cour a, à plusieurs reprises, alerté les autorités compétentes sur les risques, à la fois en termes de dérive des coûts et d’attente des objectifs espérés". Des rappels qui n’ont semble-t-il servi à rien puisque la Cour des comptes estime que le coût du DMP s’élève déjà à 210 millions d’euros auxquels il faut ajouter les dépenses liées à l’informatisation des dossiers patients, soit au total 500 millions d’euros.
Loin des ambitions initiales
Que s’est-il passé pour que le DMP débouche sur une telle déconfiture ? Lancé en 2004, le projet DMP visait plusieurs objectifs : réduire les actes médicaux redondants, abaisser le nombre d’interactions médicamenteuses, offrir aux assurés sociaux un accès unifié et permanent à leurs informations médicales et, in fine, réduire le déficit de la Sécurité sociale. Le DMP contient en effet les données personnelles nécessaires à la coordination des soins telles que les analyses de laboratoire, les antécédents ou les comptes-rendus hospitaliers.
Huit ans plus tard, force est de constater que très peu d’assurés sociaux connaissent l’existence du dossier médical personnel. Et le rythme d’un millier de dossiers créés chaque jour est jugé bien insuffisant par rapport aux ambitions initiales.
De leur côté, certains professionnels de santé expliquent cette déconvenue par le manque d’engagement et de soutien des différents ministres qui se sont succédé à la Santé. Ils déplorent également l’incompatibilité des outils informatiques entre hôpitaux et se montrent dubitatifs sur la confidentialité des données figurant dans le dossier. Certains médecins vont même plus loin en posant franchement la question : était-il bien nécessaire de lancer un projet aussi compliqué à mettre en place ?
"des coûts parfaitement conformes"
Du côté de l’Asip Santé (Agence des systèmes d’information partagés de Santé), on dénonce les "interprétations sommaires" du rapport de la Cour des comptes. Cette agence en charge du dossier médical personnel dément le chiffre du demi-milliard d’euros déjà englouti par le DMP : "L’estimation de 500 millions d’euros liés aux dossiers patients et à des systèmes nationaux comme l’historique du remboursement de l’assurance maladie n’ont aucun lien avec les coûts du DMP".
Les problèmes clarifiés
L’Asip Santé rappelle également qu’elle a repris le dossier DMP en 2009 alors qu’il était jusqu’ici piloté par le groupement d’intérêt public DMP. Elle souligne que le travail qu’elle a alors entrepris a permis de clarifier les problèmes juridiques, organisationnels et techniques. "Le nouveau dispositif, mis en place avec succès par l’Asip Santé depuis 2010 et qui fonctionne actuellement a reçu des investissements à hauteur de 95 millions d’euros. (…) Ces coûts sont parfaitement conformes aux coûts informatiques d’un système de cette nature".
Face aux critiques qui l’accablent depuis la fuite d’informations dans la presse, l’Asip-Santé demande tout simplement que le rapport intégral de la Cour des comptes soit rendu public.
+ repères
les freins au DMP :
- manque de soutien des différents ministres de la Santé
- incompatibilité des outils informatiques entre hôpitaux
- interrogations sur la confidentialité des données du dossier