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Archivistes francophones : des défis et des problématiques similaires ?

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    À plusieurs endroits du globe, des archivistes francophones font face à une diminution de leurs moyens et à un manque de reconnaissance de leur profession. (DC Studio/Freepik)
  • En Belgique, au Luxembourg, en Suisse et dans l’ensemble de la francophonie, les archivistes sont confrontés à des défis similaires, mais aussi spécifiques. Entre critique de l’insuffisance des moyens et rayonnement de la profession, les archivistes francophones s’expriment.

    enlightenedCET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°377
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    Près de vingt pays sont représentés au sein de l’Association internationale des archives francophones. "L’AIAF est une organisation dédiée à la préservation, à la promotion et à la diffusion du patrimoine archivistique et documentaire francophone à travers le monde", explique Hédi Jallab, directeur des Archives nationales de Tunisie et président par intérim de l’association.

    IA, archivage électronique, préservation du patrimoine

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    Un rapide regard sur les thèmes récemment abordés par l’AIAF permet de comprendre les enjeux auxquels sont confrontés les archivistes qui évoluent dans le bassin francophone. Sans surprise, on y parle de problématiques très contemporaines : intelligence artificielle, archivage électronique, préservation du patrimoine documentaire numérique… Plus localement, on y aborde également des thèmes plus classiques, comme la sensibilisation des chefs d’État et des gouvernements africains sur le sort des archives institutionnelles. Liste non exhaustive !

    La question des moyens s’invite également dans les débats tant elle semble récurrente. Un constat partagé par Marie-Laurence Dubois, ancienne présidente de l’Association des archivistes francophones de Belgique et consultante : "comme tous les professionnels travaillant dans la préservation de l’information, les archivistes et gestionnaires de l’information doivent relever de nombreux défis dans leurs institutions tout en devant faire face, depuis plusieurs années, à une diminution des moyens humains et financiers dans beaucoup de services des archives".

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    En Belgique, l’asphyxie silencieuse des archives

    En Belgique, les Archives générales du Royaume (Archives de l’État), ont ainsi perdu plus de 15 % de leur financement structurel au cours des dix dernières années. Dans le même temps, les fonds patrimoniaux conservés ont quant à eux augmenté de 30 % pour avoisiner les 360 kilomètres linéaires d’archives. "Du côté des centres d’archives privées, malgré un nouveau cadre décrétal voté en avril 2023 permettant l’ouverture du cadre à de nouveaux centres d’archives, l’inquiétude est aussi présente", poursuit Marie-Laurence Dubois. "Car à l’heure actuelle, l’enveloppe budgétaire pour assurer la mise en œuvre de ce décret n’est pas encore connue et les finances de l’État ne semblent pas garantir un avenir radieux sur ce point".

    La mobilisation des archivistes se poursuit donc, avec notamment la sortie d’une tribune dans la presse, en février 2024, dénonçant "l’asphyxie silencieuse des centres d’archives privées".

    L’année 2024 étant marquée en Belgique par le renouvellement de l’ensemble des gouvernements (fédéral, régionaux et communautaires), l’Association des archivistes francophones de Belgique en profite pour lancer une campagne affirmant le rôle essentiel des archives dans la préservation de la démocratie. L’AAFB invite notamment les ministres à assurer la préservation des dossiers et données produites par leurs cabinets ministériels.

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    Prise de position commune

    À quelques encablures de Bruxelles, les archivistes du Luxembourg sont préoccupés par la reconnaissance de leur profession et par la professionnalisation du secteur. "L’image de l’archiviste comme personne recluse qui travaille de façon isolée sur les archives historiques est fortement ancrée dans les esprits", explique Corinne Schroeder, présidente de l’Association des archivistes luxembourgeois (VLA, Veräin vun de Lëtzebuerger Archivisten), qui œuvre notamment pour une prise de conscience des multiples facettes du métier auprès des jeunes, du grand public et des forces politiques. "Aussi souhaitent-ils des locaux de stockage adéquats et une réforme du cadre légal".

    Par ailleurs, compte tenu de la professionnalisation du métier, l’association plaide aussi pour qu’une formation au métier d’archiviste soit proposée au sein de l’Université de Luxembourg.

    Bonne nouvelle pour la communauté archivistique francophone, le VLA entretient des relations professionnelles avec les collègues belges, français et québécois. Une prise de position commune des quatre associations a d’ailleurs été publiée à l’occasion de la dernière journée internationale des Archives du 9 juin dernier. L’association entretient également des contacts avec des associations d’autres pays, sans pour autant avoir formalisé une coopération à ce stade.

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    Les archives : pilier de la démocratie

    Autre point de convergence avec les préoccupations des archivistes francophones, le VLA considère les archives comme pilier fondamental de la démocratie. Notamment pour la valorisation du métier d’archiviste et l’obtention de moyens financiers et humains suffisants pour que les professionnels puissent remplir leur fonction patrimoniale dans de bonnes conditions. Selon Corinne Schroeder, "cette préoccupation essentielle est commune à l’ensemble des associations francophones avec lesquelles nous sommes en contact, comme le montre notamment notre prise de position en vue de la journée des Archives".

    Mais une différence est à noter concernant l’envergure des associations. "Le VLA compte une centaine de membres particuliers et institutionnels", poursuit-elle ; "Cette dimension, remarquable au regard de la taille du pays, l’est moins à l’échelle internationale, avec un comité composé par ailleurs exclusivement de bénévoles". 

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    L’accès aux archives : droit ou obligation ?

    En Suisse, où trois langues officielles cohabitent (français, allemand et italien), la voix des archivistes est portée par plusieurs entités. "Les archives sont organisées et financées en Suisse de manière très différente", explique Sandro Frefel, coprésident de l’Association des archivistes suisses (AAS). "Les dimensions des Archives fédérales, des Archives d’État et des Archives communales sont très différentes. De même, il existe de grandes disparités de financement entre les archives publiques et les archives privées".

    Une dizaine de groupes de travail ont été créés au sein de l’AAS témoignant des centres d’intérêt des archivistes de la Confédération helvétique : accès et communication, records management et archivage électronique, normes et standards, formation… Autant de thèmes que l’on retrouve, peu ou prou, dans bien des pays.

    Lors de sa dernière journée professionnelle, qui s’est tenue au mois de septembre 2024, les archivistes suisses ont planché sur des problématiques qui se posent dans l’ensemble de la francophonie : l’accès aux archives est-il un droit ou une obligation ? "Les archivistes visent à garantir l’accès du plus grand nombre d’utilisateurs tout en respectant la protection des données et la législation", rappelle l’Association vaudoise des archivistes (AVA). "Trouver cet équilibre est rarement une sinécure dans notre profession et cet objectif, à l’ère de la digitalisation de l’information, est particulièrement mis à l’épreuve".

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    Rayonnement de la profession d’archiviste

    Outre-Atlantique, les archivistes québécois se sont récemment fixé quatre objectifs stratégiques dont l’un porte sur la reconnaissance de leurs missions. L’Association des archivistes québécois (AAQ) entend ainsi "sensibiliser les employeurs pour veiller à la reconnaissance de la valeur ajoutée de la profession d’archiviste".

    Dans ses orientations stratégiques 2024-2026, l’AAQ insiste sur le rayonnement de la profession d’archiviste auprès des collaborateurs gravitant ou interagissant avec des professionnels de l’information tels que les historiens, les avocats ou les informaticiens. Et au-delà des professionnels, l’association souhaite également faire connaître le métier d’archiviste auprès du grand public. L’occasion pour la profession de rappeler l’importance des archives dans la préservation de l’histoire et de la mémoire collective.

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    Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".
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